EBERHART Alfred

Par Françoise Olivier-Utard

Né le 8 juin 1928 à Strasbourg (Bas-Rhin), mort le 3 novembre 2013 à Strasbourg (Bas-Rhin) ; électricien puis journaliste à l’Humanité d’Alsace et de Lorraine (1946-1953), gérant du journal (1953-1979), puis rédacteur en chef (1979-1981) ; membre du bureau fédéral communiste du Bas-Rhin (1961-1982).

Alfred Eberhart était le fils de Joseph Eberhart, domicilié à Lingolsheim (Bas-Rhin), successivement journalier aux gravières puis ouvrier à la SNCF, et enfin contremaître dans une usine de galvanisation, à Schiltigheim, puis aux Forges de Strasbourg. Sa mère, Madeleine Heim, était femme de ménage et ouvrière agricole saisonnière. Joseph Eberhart, membre du parti communiste, cessa de cotiser après le congrès régional de 1929, où Jacques Doriot*, représentant le comité central, demanda que les militants qui s’étaient laissés entraîner momentanément par Charles Hueber* soient considérés comme des traîtres. Il reprit sa carte pendant la guerre et resta fidèle au parti jusqu’à sa mort. Sa mère soutenait les idées politiques de son mari mais ne militait pas. Durant la période de l’annexion de fait au Reich, elle refusa d’adhérer à l’organisation nazie des femmes. Le foyer était "mixte" : père catholique, mère protestante. Il n’y avait pas eu de mariage religieux mais l’enfant fut baptisé protestant et fit sa confirmation. La famille résidait à Lingolsheim, commune ouvrière de la banlieue de Strasbourg. C’est par volonté de modernité que le couple eut un enfant unique, mis au monde dans une clinique de la ville.

Alfred Eberhart fit quatre années d’école élémentaire française, puis, de 1940 à 1944, quatre années d’école allemande, dont deux d’apprentissage en électricité automobile. En octobre 1944, son père fut envoyé au tunnel de Sainte-Marie-aux-Mines (Haut-Rhin) et lui-même en Allemagne au service du travail obligatoire (RAD) le 20 novembre, trois jours avant la libération de Strasbourg. On lui fit planter de la verdure au-dessus d’une usine souterraine de V2 près de Berlin pendant trois mois, puis il fut incorporé dans la Wehrmacht. Il n’avait pas encore dix-sept ans. Après six semaines d’entraînement, il fut dirigé sur Francfort-sur-le-Main. Fait prisonnier par les Américains au moment de l’attaque de la ville, Alfred Eberhart fut envoyé au camp de prisonniers de Mailly (Aube)
et libéré en sa qualité de Français incorporé de force le 20 mai 1945. Il reprit son apprentissage dans un garage du quartier de la Krutenau à Strasbourg et termina en septembre 1945 le brevet de compagnon que l’incorporation avait interrompu.

Alfred Eberhart adhéra en 1945 à l’UJRF. Le mouvement était bien organisé à Lingolsheim, municipalité dont le maire était communiste. Il insista pour faire admettre son adhésion au PCF en 1946, époque où le parti ne recrutait pas les très jeunes gens. Il suivit alors l’école fédérale de quinze jours organisée à Graffenstaden (banlieue sud de Strasbourg). On le remarqua car il écrivait de bons tracts. Le comité de rédaction de l’Humanité d’Alsace et de Lorraine l’appela. Ce fut, pour sa famille et lui-même, un honneur et une promotion. Alfred Eberhart prit ses fonctions de journaliste le 1er novembre 1946. Il rédigeait ses articles en allemand, le français n’étant utilisé dans ce journal que dans les articles consacrés au sport. En 1948, Alfred Eberhart fut appelé au service militaire, français cette fois, mais réussit à se faire réformer au bout de cinq semaines. Le 25 septembre 1948, il épousa Irène Quinzler, employée à la Librairie du Rhin, créée par le Parti communiste. Le couple aura deux fils. En mars 1949, il partit pour à Paris pour suivre les cours de l’école centrale de journalisme de trois mois à Paris. Sa candidature avait été préférée à celle de Gautier Heumann*. Bien que directeur du journal, ce dernier était considéré comme un intellectuel du fait de ses études universitaires. Durant sa formation, Alfred Eberhart souffrit de ses origines alsaciennes et se vit reprocher son manque de culture générale française. À partir de 1953, il abandonna ses activités de journaliste pour devenir gérant du journal et adjoint du directeur. L’heure était aux procès intentés contre les communistes au sujet de leur position sur la guerre d’Indochine. Il fallait défendre les camarades attaqués. Il fut élu membre du bureau fédéral de 1961 à 1982. En février 1979, Alfred Eberhart devint rédacteur en chef de l’Humanité 7 jours, journal hebdomadaire, désormais bilingue mais surtout français. La maladie, en 1981, entraîna son invalidité. Il prit alors ses distances avec le parti, d’autant que son épouse perdait au même moment son emploi à la Librairie du Rhin. Il cessa de cotiser en 1984. Il espérait une discussion, mais rien ne vint.

Alfred Eberhart occupa sa retraite à des activités sociales au sein de l’Union Nationale des Invalides et Accidentés du Travail, et se pencha sur l’histoire de Lingolsheim, rédigeant en allemand, sa langue maternelle.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article23817, notice EBERHART Alfred par Françoise Olivier-Utard, version mise en ligne le 2 décembre 2008, dernière modification le 5 avril 2022.

Par Françoise Olivier-Utard

ŒUVRE : Alfred Eberhart a écrit une histoire de l’UNIAT en allemand.

SOURCES : Entretien du 17 septembre 1998 avec Alfred Eberhart. — Françoise Olivier-Utard, « Du quotidien l’Humanité d’Alsace-Lorraine au magazine l’Humanité 7 jours » : grandeur et déclin de la presse militante germanophone, in José Gotovitch et Anne Morelli (dir.), Presse communiste, presse radicale (1919-2000), Bruxelles, 2007, p. 205-219.— État civil de Strasbourg.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable