THILLET Pierre, Frédéric, Henri

Par Pierre Alanche

Né le 1er juillet 1949 à Tunis (Tunisie)  ; emplois divers dans le secteur de la publicité, technicien en gestion de production puis marketing à la SFENA (1976-1988), consultant et enseignant ; militant associatif dans l’action culturelle, militant CFDT à la SFENA, élu DP, CE, CHSCT (1980-1988), secrétaire général du SMYS-CFDT (1984-1989), permanent UPSM (1989-1995) ; militant PSU (avant 1968), PS (1977-2007), Parti de gauche.

Pierre Thillet, à la tribune du Congrès de la Fédération générale des mines et de la métallurgie, novembre 1987
Pierre Thillet, à la tribune du Congrès de la Fédération générale des mines et de la métallurgie, novembre 1987

Pierre Thillet, son père, non croyant, militant laïque, fut chercheur au CNRS. Philologue arabisant, spécialiste d’Aristote, il travailla sur la tradition orientale des textes aristotéliciens et néoplatoniciens et publia de nombreux ouvrages sur la civilisation grecque. Il enseigna au lycée Buffon de Paris (VIe arr.), au collège Sadiki de Tunis, à l’Université Libre de Bruxelles en Egypte puis à la Sorbonne. Homme engagé, résistant, membre du Parti socialiste autonome (PSA) puis du Parti socialiste unifié (PSU) dès sa constitution, il fut trésorier et secrétaire du Syndicat national de l’enseignement supérieur (SNESUP) à la Sorbonne. Eliane Anfré, sa mère fut professeur de lettres (Français, latin, grec) dans différents lycées (à Tunis puis à Marie-Curie à Sceaux, Emmanuel Mounier à Châtenay-Malabry) et adhérente active du Syndicat national des enseignements du second degré (SNES). Après une éducation chrétienne traditionnelle, elle devint militante laïque. Le couple eut deux enfants, Pierre et une sœur cadette, Dominique, née en octobre 1951 et décédée en avril 1999. Ils furent élevés dans la tradition laïque et républicaine de la famille paternelle. Pierre Thillet passa sa première année à Tunis, pays où vivaient ses grands-parents maternels depuis de nombreuses années  ; son père avait choisi d’y débuter sa carrière d’enseignant pour perfectionner sa connaissance de l’arabe. Au début des années cinquante, la famille quitta la Tunisie pour Bruxelles. Ils y demeurèrent trois ans, puis s’installèrent à Paris où les deux parents avaient été nommés. Le père obtint un poste à l’Université du Caire, en Egypte, en 1955. La famille le rejoignit au début de l’année 1956 pour s’y installer. Mais sa mère n’eut pas le temps de trouver un poste que déjà éclatait la première guerre du canal de Suez, en octobre 1956. La famille Thillet fut expulsée le 23 novembre 1956, sous la menace des mitraillettes. L’éducation de Pierre fut perturbée par ces déménagements fréquents. Il demeura souvent chez ses grands-parents, originaires du Poitou, instituteurs à la retraite, anciens « hussards noirs de la République », qui partageaient leur vie entre une ancienne bergerie dans les Hautes-Alpes, à Villard Reymond, près de Bourg d’Oisans (Isère), et une modeste maison à l’île de Ré. Pour cette raison, il fréquenta peu l’école primaire. Ses grands-parents lui donnèrent des bases solides, en français, histoire, calcul. Lors des séjours à l’île de Ré, il fréquentait l’école primaire de Saint Martin mais à Villard Reymond, un village d’une quinzaine d’habitants, l’école était désaffectée. Sans expérience de socialisation, son premier vrai contact avec le milieu scolaire eut lieu à l’école Thomas Masaryk de Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine), lieu de résidence de la famille après son retour d’Egypte. L’école, un petit groupe scolaire à échelle humaine, était proche. Mais pour Pierre Thillet, l’adaptation à la vie collective et citadine fut un changement difficile. Il vécut ainsi très mal les premières années de lycée à Châtenay-Malabry. Ce n’est qu’après une année passée à la pension Sarre, à Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), qu’il trouva son équilibre et revint au lycée de Châtenay. Totalement transformé, il y redoubla sa troisième, se passionnant pour les sujets extrascolaires, entre autres l’espace et la culture, créant et organisant le journal du lycée. En 1969, il obtint le baccalauréat sciences expérimentales et entama, sans enthousiasme, des études de psychologie expérimentale à la Faculté de Paris IV. En parallèle, il suivit la formation de l’Ecole Supérieure de Publicité de Paris et continua ses activités artistiques, chanson, cinéma, théâtre. Il obtint le Brevet de technicien supérieur (BTS) de publicité en 1971 et le diplôme universitaire d’études littéraires (DUEL) de psychologie en 1975. Ses tentatives pour échapper au service militaire ayant échoué, il intégra les commandos de fantassins, à Soisson (Aisne), en août 1974. L’expérience fut de courte durée puisque l’armée le libéra de ses obligations militaires en octobre de la même année. Avec son épouse, Jolaine Ricard, institutrice nommée à Cachan, ils résidèrent à Paris puis Fontenay-aux-Roses. Chômeur, il profita de cette période pour écrire et se plonger dans diverses activités artistiques. Il rejoignit le conseil d’administration du CCJL (Centre Culturel Jeunesse et Loisirs) installé au château de La Boissière (Hauts-de-Seine) qui avait appartenu à l’éditeur des fables de La Fontaine. Après une série de petits boulots en "free-lance", il mit à profit ses relations avec un responsable d’entreprise d’intérim pour entrer le 29 janvier 1976 à la Société française d’équipements pour la navigation aérienne (SFENA). L’établissement de Vélizy-Villacoublay (Yvelines) employait 1600 salariés environ, ingénieurs techniciens et ouvriers qui concevaient et fabriquaient des systèmes électroniques pour l’aviation : pilotes automatiques, éléments de tableau de bord, etc. pour Airbus, Concorde mais également pour les avions militaires, tels les Mirages. Pierre Thillet souhaita mener une brève expérience ouvrière. Après quatre contrats d’intérim, trois contrats à durée déterminée puis enfin, à partir du 3 janvier 1979, un contrat à durée indéterminée, il quitta cette entreprise en 1988, où il occupa les postes de pointeau, puis d’agent de gestion de production.

Présente depuis l’origine de l’entreprise, en 1947, la CGT de la SFENA avait bénéficié de l’impulsion donnée par le ministre communiste Charles Tillon qui fut successivement Ministre de l’air, de l’armement et de la reconstruction (de septembre 1944 à mai 1947). Le comité d’entreprise qui bénéficiait du financement favorable en vigueur dans la branche aéronautique, rendait de nombreux services au personnel : vacances pour les enfants, dans plusieurs centres, aides diverses, par exemple pour les familles monoparentales, billets de réduction pour les spectacles, les piscines, organisation de voyages à l’étranger, vacances d’hiver, organisation également de spectacles dans l’établissement même, expositions, etc. Sans compter les nombreux clubs subventionnés (équitation, aviation légère, électronique, sports divers, etc.). La CGT était devenue hégémonique, seule interlocutrice de la direction. La CFDT avait du mal à exister. Bien que sollicité par la CGT, très présente dans le milieu ouvrier, Pierre Thillet choisit de rejoindre la section CFDT, animée alors par Colette Vigneau et Michel Thiry et il proposa une campagne de syndicalisation. A la veille de l’élection présidentielle de 1981 et suite à la victoire de la gauche, la section augmenta le nombre d’adhérents. Les zones d’influence de la CFDT s’élargirent, de jeunes techniciens et des cadres la rejoignirent, cette population socioprofessionnelle était majoritaire. Pierre Thillet, élu délégué du personnel en 1980, cumula ensuite les mandats : représentant au (CE) Comité d’entreprise (1983, 1986), représentant syndical au (CHSCT) Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (1983, 1984), délégué syndical (novembre 1981), représentant au Comité central d’entreprise (1984), délégué syndical central (1988). Il devint secrétaire de section en octobre 1981. Le 4 février 1982, une séance de CE se termina par une séquestration de la direction qui refusait d’aligner les droits des CDD sur ceux des CDI. Les élus CFDT proposèrent une négociation avec l’inspection du travail et en présence de la responsable de l’Union parisienne des syndicats de la métallurgie (UPSM-CFDT), Catherine Léger. À la suite de cette intervention, les représentants de la direction de l’entreprise purent quitter la salle du CE. Mais sous l’impulsion de la CFDT, et de la CGT, une grève avec occupation des locaux fut déclenchée. Ce fut une sorte d’échange : libération de la direction contre occupation des locaux. L’usine fut occupée jusqu’au 15 février, aboutissant à la satisfaction de la plupart des revendications. Il se produisit alors un changement profond du management de l’entreprise qui avait également un établissement en province, à Châtellerault (Vienne). Cela profita également à la CFDT qui devint la première organisation de l’entreprise. Les droits syndicaux furent élargis. Bénéficiant de nombreuses heures de délégation, Pierre Thillet prit des responsabilités dans le syndicat métaux des Yvelines sud (SMYS) qu’il représenta également à l’union départementale des Yvelines. Ce syndicat regroupait essentiellement des sections d’entreprises d’électronique et de haute technologie, avec une forte population de techniciens et d’ingénieurs. Il fut ainsi membre du conseil puis secrétaire du syndicat de 1984 à 1989. Ses activités syndicales lui permirent de développer ses centres d’intérêts : l’écriture, avec la réalisation de l’édition locale du « CFDT Métaux », la formation en intervenant au nom de l’UPSM dans le cadre de L’IFEAS (Institut de Formation et d’Etudes pour l’Action Sociale), l’animation socioculturelle dans le cadre du CE de la SFENA telle que l’organisation d’un "festival" de jazz en 1984 ou la coordination des interventions de la troupe de Théâtre du Levant dans les CE de la zone industrielle de Vélizy. En mai 1988, il intégra le département publicité-promotion de la division marketing industriel, un secteur auquel l’avait préparé sa formation supérieure et où sa présence était jugée moins dérangeante qu’à l’atelier. Ce fut la réponse de la direction à sa demande de promotion, car son engagement syndical s’était traduit par une stagnation de son salaire. Le premier octobre 1989 il fut élu permanent à l’UPSM-CFDT. Il bénéficia alors d’un détachement sous forme de congé sans solde du 1er octobre 1989 au 1er octobre 1992, prolongé jusqu’au 28 février 1995, en vertu de l’accord sur le droit syndical SFENA négocié et signé par la CFDT le 9 juillet 1984. Au sein de l’UPSM, dont le secrétaire général était à son arrivée Michel Carvou, il eut, comme tous les permanents, la responsabilité locale de son syndicat d’origine, le SMYS, et des responsabilités régionales et de la formation ainsi que l’animation de la branche aéronautique. Membre de la commission formation de la FGMM, il participa aux congrès confédéraux de 1982 à 1995 et à plusieurs congrès fédéraux entre 1984 et 1988. Il fut élu conseiller prudhomme en 1982 et 1992, mais renonça à ce dernier mandat, en raison de son activité de permanent à l’UPSM. 
Il termina son mandat à l’UPSM le 28 février 1995. Il s’orienta alors vers une carrière de consultant dans des organismes de formation et d’organisation du travail proches de la CFDT.  Parallèlement, il fut chargé de cours à la faculté de Nanterre Paris X, où il obtînt son doctorat en Sciences de l’Education le 17 décembre 2010.
Dès son adolescence, sous l’influence de son père, il s’intéressa à la vie politique. En classe de seconde il adhéra au PSU, participa à la création des Jeunesses socialistes unifiées. En 1968, encore lycéen, il participa activement aux manifestations, tirant les tracts pour le lycée et les sections locales du PSU chez Edouard Depreux. Il fut ensuite adhérent et militant au PS à Fontenay-aux-Roses puis à Vélizy, où il milita de 1977 à 2007, puis au Parti de Gauche à partir de 2013. Il fut candidat aux élections municipales de Fontenay-aux Roses en 1983 mais ne fut pas élu.
Pierre Thillet milita activement dans diverses associations tout au long de sa vie : dans les secteurs des loisirs pour la jeunesse, des activités culturelles et de la vulgarisation scientifique. Il noua des relations avec des scientifiques soucieux de vulgariser les savoirs, Albert Ducros (cybernétique), et Gérard Feldzer (aéronautique). Durant sa retraite il écrivit et interpréta des spectacles pour les 21èmes rencontres littéraires d’Aubrac (2016), Château numérique.com (2017), Impasse Boulevard (2019).

Sur le plan familial, il épousa Jolaine Ricard le 25 août 1973, institutrice, dont il eut un fils, Fabien, en 1978. Après son divorce en 1997, il épousa Catherine Léger le 1er septembre 2001, alors directrice des ressources humaines au FAS (Fond d’Action Sociale), ancienne permanente de l’UPSM-CFDT.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article238223, notice THILLET Pierre, Frédéric, Henri par Pierre Alanche, version mise en ligne le 15 février 2021, dernière modification le 21 avril 2022.

Par Pierre Alanche

Pierre Thillet, à la tribune du Congrès de la Fédération générale des mines et de la métallurgie, novembre 1987
Pierre Thillet, à la tribune du Congrès de la Fédération générale des mines et de la métallurgie, novembre 1987
Pierre Thillet, lors d'une manifestation devant le mondial de l'automobile, octobre 1990
Pierre Thillet, lors d’une manifestation devant le mondial de l’automobile, octobre 1990

ŒUVRE  : Romans et pièces de théâtre : A la poursuite du boson de Higgs, 2017. — Impasse boulevard, 2017. — Le promeneur de Cellefrouin, 2018. —   Le possible voyage, 2018. — Politique en sous-sol, 2019.— Âneries, 2019. — Submersion transcendantale, 2019. — Recueils de poésies  : Dérives, 1980. — Mots en errance, sables et vents, 2019.

SOURCES  : Arch. UPSM-CFDT. — Entretien avec Pierre Thillet en mai 2020. — Notice "Pierre Thillet" sur wikipedia.fr (biographie de son père).

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