SAUCIAT Eugène

Par Daniel Grason

Né le 11 mai 1891 à Loisy arrondissement de Nancy (Meurthe-et-Moselle), mort le 4 juillet 1973 à Versailles (Yvelines) ; fraiseur-outilleur ; communiste ; résistant ; déporté.

Fils d’Anatole et d’Adélaïde née Poujol, Eugène Sauciat était marié et père de trois enfants de vingt-huit ans, quinze ans et huit ans. La famille vécut 75 rue du Pont de Sèvres à Boulogne (Seine, Hauts-de-Seine), puis 92 rue des Moulins à Fontenay-sous-Bois (Seine, Val-de-Marne).
Au chômage depuis le mois de mai 1942, il fut contacté par un membre du Parti communiste clandestin. Celui-ci lui proposa au cours du mois d’août 1942 de tirer des tracts dans un local au 52 rue de Bitche à Courbevoie (Seine, Hauts-de-Seine). Il accepta, devint permanent de l’organisation en tant que responsable technique, il était chargé de l’impression des tracts destinés à la Seine-et-Marne. Un cycliste venait chercher les paquets et les livrait à des militants.
Eugène Sauciat en plein travail tirait La Vie Ouvrière n° 102 qui portait comme titre… Il fut interpellé par quatre inspecteurs de la BS1 le 12 septembre 1942 à 11 heures 30. Il était connu de la police pour avoir été membre du Comité populaire des chômeurs de Boulogne-Billancourt qui porta un cahier de revendications en mairie, le 15 octobre 1940.
Emmené dans les locaux de la BS1 à la Préfecture de police, il a été questionné par plusieurs inspecteurs. Il expliqua en quoi consistait son travail, affirma ne connaître ni « le nom ni l’adresse de celui qui m’avait proposé de faire ce travail. » Mais « c’était un ouvrier que j’avais rencontré dans le temps en usine. » Selon sa déclaration, il le rencontra lors d’un rendez-vous au Pont de Billancourt. Il devait être rémunéré 1.000 francs par quinzaine, somme qu’il toucha à la fin août.
Son récit ne convainquît pas les policiers, ils employèrent probablement la manière forte. Il déclara : « Le 20 juin 1942, je revenais de la pêche me dirigeant vers mon domicile quand j’ai rencontré en haut du pont de Billancourt à l’angle du quai de Boulogne un individu que je ne connais pas. Il m’a demandé pour quelle raison je ne travaillais pas. Je lui ai indiqué que j’avais quitté mon travail le 5 mai par suite de maladie de jambe, et comme il me demandait si je travaillais pour le Parti et sur ma réponse négative il me donna rendez-vous pour environ quinze jours après au Métro Brochant vers dix heures du matin. Le rendez-vous avait lieu à la sortie du Métro. Là il m’a expliqué ce que je devais faire, je devais aller au dépôt de la rue de Tocqueville [XVIIe arrondissement] faire la répartition des tracts et les contrôler à l’entrée et à la sortie. J’ai remplacé un nommé "Oscar" dans cette fonction et cela pendant douze jours. Je n’ai jamais revu celui qui m’avait repêché, il s’agit d’un homme mesurant 1,65 mètre, trente-cinq ans, blond, rasé, habillé en gris, chapeau marron. »
Il affirma : « Je n’ai jamais vu "Oscar" mais j’en ai entendu parler par Faterman et Le Pen qui se trouvaient là à mon arrivée, Faterman faisait alors le cycliste et Le Pen tournait la ronéo à Bitche. » Il fit part aux policiers des changements périodiques dans l’organisation qui répondaient probablement à des impératifs de sécurité.
Les inspecteurs allèrent perquisitionner de dépôt de la rue de Bitche à Courbevoie, il était situé au fond d’une ruelle, dans un ancien hangar abandonné. La porte était fermée par un cadenas qu’un inspecteur fit sauter.
À l’intérieur ils saisissaient : une presse, six boîtes de caractères d’imprimerie, sept tubes d’encre, un vélo immatriculé H65 RB6, avec une plaque d’identité au nom de Célerier 30 rue du Moulin à Puteaux, une Ronéo marque Everest N° 9322, des stencils usagés ou détériorés, environ 5.000 kilos de papier ronéoté ou imprimé.
Des inspecteurs allèrent à son domicile au 75 rue du Pont de Sèvres à Boulogne, le concierge informa qu’il avait donné congé. Ils allèrent alors à son logement au 92 rue des Moulins à Fontenay-sous-Bois (Seine, Val-de-Marne). Dans un procès-verbal, ils rendirent compte de leur visite : « Une perquisition minutieuse ne fait découvrir aucun tract ou brochure communiste, mais seulement quelques feuilles de papier blanc format et qualité des tracts ordinaires. »
Dans le dépôt du 125 rue de Tocqueville dans le XVIIe arrondissement, furent saisis : 10.000 tracts intitulés « Parisiens » imprimés en bichromie bleu et rouge ; (2.000) « 20 septembre 1792 – 130ème anniversaire de Valmy (2.000) ; Die Unger (500) ; Bulletins d’information n°37 du 20 août 1942 (500) ; trois stencils : « Tous debout contre les 52 heures », « 20 septembre 1792 – Août, septembre 1942 » et « Français attention, Laval prépare la mobilisation » ; et Instruction n°55 du Ministère de la Guerre (20).
Le 19 septembre 1942, Eugène Sauciat a été interrogé une seconde fois. Il reconnut avoir rencontré "Oscar" ainsi que Faterman et Le Pen rue de Tocqueville. Il eut aussi un contact avec "Maxime" (Hermet), Auguste Célerier alias "Alfred" et Henriette Ratti qui dactylographiait les stencils.
Eugène Sauciat a été inculpé d’infraction au décret-loi du 26 septembre 1939 pour son appartenance à une organisation dissoute, avoir été responsable technique, ronéotypé des tracts communistes, et avoir été chargé de la confection du matériel de propagande pour la Seine-et-Marne.
Incarcéré, Eugène Sauciat comparut le 5 juin 1943 devant la Section spéciale de la Cour d’Appel de Paris, il a été condamné à trois ans de prison et 1.200 francs d’amende. Incarcéré dans différentes prisons, il était le 18 juin 1944 dans un convoi de 2143 prisonniers à destination du camp de concentration de Dachau en Allemagne. Plus de la moitié des prisonniers venaient de la centrale d’Eysses, où une mutinerie eut lieu le 19 février 1944, elle fut matée par les gardes, les gendarmes et des Groupes mobiles de réserve (GMR), qui restèrent constamment maîtres de la situation. Douze mutins furent condamnés à mort et fusillés le 23 février 1944 par des gendarmes mobiles.
Eugène Sauciat fut incarcéré à Eysses du 11 février au 30 mai 1944. Ceux venant d’Eysses ont été immatriculés du numéro 72274 à 72998. Eugène Sauciat matricule 73990 a été affecté au Komando de travail de Allach où les détenus travaillèrent pour la firme BMW et pour différents chantiers de l’organisation Todt, puis toujours pour BMW à Kaufbeuren dans le Sud-Ouest de la Bavière à la fabrication des arbres d’hélices pour les avions de guerre. Enfin à Blaichach au sud-ouest de la Bavière, toujours pour BMW.
Eugène Sauciat fut libéré le 30 avril 1945. Il a été homologué au titre de la Résistance intérieure française (RIF), et Déporté interné résistant (DIR).
Il mourut à l’âge de 82 ans, le 4 juillet 1973 à Versailles (Yvelines).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article238299, notice SAUCIAT Eugène par Daniel Grason, version mise en ligne le 12 février 2021, dernière modification le 12 février 2021.

Par Daniel Grason

SOURCES : 77 W 1778-114.614 (dossier Faterman), 77 W 5364-310721, BA 2056. – Livre-Mémorial, FMD, Éd. Tirésias, 2004. – FMD base des Hauts-de-Seine. – Corinne Jaladieu, La Prison politique sous Vichy : l’exemple des centrales d’Eysses et de Rennes, L’Harmattan, 2007, et avec Michel Lautissier, Centrale d’Eysses, Douze fusillés pour la République, Association pour la mémoire d’Eysses, 2004. – État civil Site internet Match ID.

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