DREVET Alexandre alias Alex dans la résistance

Par Alexandra Rollet

Né le 30 avril 1920 à La Ricamarie (Loire), le 31 juillet 1991 à Romans-sur-Isère (Drôme) ; contrôleur dans la métallurgie ; membre des Jeunesses communistes (JC) et du Parti communiste (PCF) ; résistant au sein des Francs-tireurs et partisans (FTP) ; camp Wodli ; membre de la CGT ; déporté.

Fils de Mélina Pigéon et Paul Drevet, Alexandre Drevet commença sa scolarité à Saint-Étienne (Loire), où ses parents tenaient un café place Villebœuf. En 1929, la crise économique impliqua la fermeture du café et la famille s’installa quartier de Solaure à Saint-Étienne.
Alexandre Drevet obtint le Certificat d’Etudes Primaires puis fit un apprentissage dans l’outillage de précision. Il commença à travailler en 1936 à l’âge de 16 ans chez Outillage Precy à Saint-Étienne. Il suivit avec intérêt le parcours politique de son père, Paul Drevet, membre du Parti Communiste, candidat aux élections municipales de 1935. Adolescent, il participa aux luttes ouvrières et intégra les Jeunesses Communistes à Saint-Étienne dont il devint le trésorier.
Entre 1940 et 1946 il a travaillé entre sa libération en 1942 et son départ au maquis en 1943 chez Aubrege et Fayolle à Saint-Étienne.
En 1940, alors que son père était interné au centre de séjour surveillé à Nexon (Haute-Vienne) pour menées antinationales, Alexandre Drevet alias Le Cousin participa activement à la réalisation et à la distribution de tracts communistes. Il fut arrêté par la police de Vichy le 30 décembre 1940 à Saint-Étienne et écroué à la Maison d’arrêt. Transféré le 7 février à la prison de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) puis à la prison militaire le 7 juin 1941, il fut jugé le 17 juin 1941 par le Tribunal Militaire Permanent de la 13ème Division Militaire de Clermont-Ferrand et condamné à un an de prison et dix ans de privation de droits civils et civiques. Alexandre Drevet fut alors transféré à la prison militaire de Mauzac (Dordogne), où règnait la sous-alimentation, la misère physiologique et la tuberculose. Les décès y étaient nombreux.
A l’expiration de sa peine, Alexandre Drevet rejoignit Saint-Étienne, où il connut de sérieuses difficultés en raison de son récent séjour en prison. Il trouva du travail chez Aubrège et Fayolle et se cantonna dans une inactivité politique apparente destinée à se faire oublier de la police de Vichy. Il participa néanmoins à la grande manifestation anti-collaboration organisée au cœur de la ville le 14 juillet 1942. A l’automne de la même année, il décida avec ses camarades la future installation d’un maquis FTPF en Haute-Loire. En février 1943, suite au décret de loi sur le STO, il participa à la rédaction et à la distribution de tracts incitant les jeunes à ne pas partir et rejoindre les maquis de Haute-Loire.
Alors qu’il était convoqué pour accomplir le service du travail obligatoire (STO), l’Etat français accorda à son père, interné alors au camp de Saint-Paul d’Eyjeaux (Haute-Vienne), une permission exceptionnelle pour aller dire au revoir à son fils. Mais Alexandre Drevet ne partit pas pour le STO. Avec son père (évadé du camp d’internement), et sept camarades, il prit un train pour la Haute-Loire. Ils détruisirent leurs papiers. Alexandre fut dorénavant connu sous le nom d’Alex. Hébergés chez l’oncle et la tante d’Alexandre au Puy, aujourd’hui Le Puy-en-Velay, les futurs maquisards, contraints à la nomadisation permanente s’installèrent d’abord dans le Gévaudan, zone quasiment inhabitée à la limite de la Haute-Loire et de la Lozère, puis dans les hautes gorges de l’Allier, près de Chapeauroux en Lozère. Le camp prit après l’évasion de 80 prisonniers politiques de la prison du Puy le 2 octobre 43, le nom de « Camp Wodli », du nom d’un résistant alsacien fusillé par les nazis.

Le 25 avril, le nouveau maquis organisa la première évasion de la prison du Puy en libérant 26 détenus (pièce 19). Suite à cette opération, les forces de l’ordre se lancèrent à la poursuite des résistants qui se cachèrent dans une ferme abandonnée dans les gorges de l’Allier. Alexandre Drevet, son père et 3 autres résistants sont arrêtés par les gendarmes dans cette ferme. Un camarade qui se trouvait à l’étage mit soudain un gendarme en joue, les forces de l’ordre se replièrent vers l’extérieur et continuèrent à tirer pendant que les résistants enchainés étaient libérés de leurs menottes. Alexandre Drevet, armé d’un fusil mitrailleur, se mit à tirer sur les forces de l’ordre et permit ainsi à tous ses camarades de s’enfuir à travers bois. La majorité d’entre eux fut retrouvée deux jours plus tard et incarcérée. Alexandre Drevet fut arrêté pour la deuxième fois avec son père le 2 mai, et écroué à la maison d’arrêt du Puy pour rébellion et détention d’armes. Il y fut détenu jusqu’au 1er octobre 1943, date de la grande évasion de la prison du Puy lors de laquelle 80 résistants retrouvèrent la liberté. Alexandre Drevet et son père s’évadèrent mais choisirent de se séparer. Tandis que son père rejoignit le maquis Vaillant-Couturier dans le Puy de Dôme, Alexandre partit à pied avec un groupe d’une soixantaine de jeunes patriotes retrouver le maquis Wodli dans le massif du Meygal.

Alexandre Drevet est recherché et considéré comme individu dangereux. Le maquis Wodli dut se déplacer sans cesse tout l’hiver 1943, poursuivi sans répit par les forces de l’ordre allemandes et françaises suite à l’évasion. Fin décembre, Alexandre Drevet conduisit un détachement de maquisards près de Rochepaule en Haute-Ardèche. L’hiver 1943 fut particulièrement rude pour les résistants démunis de chaussures et de vêtements chauds.
En avril 1944, Alexandre Drevet revint en Haute-Loire dans le secteur de la Chaise-Dieu. Les missions se multiplièrent pour les résistants, et au cours de l’une d’elle, le 4 avril 1944, la traction que conduisait Alexandre Drevet fut prise sous le feu de la milice.
Cinq résistants du maquis Wodli, Antoine Angeli, Alexandre Drevet, Pierre Barnier Camille Pradet et Hippolyte Vial, se rendirent à Firminy (Loire). Alors que les résistants attendaient le cinquième à l’extérieur, la place fut cernée par les miliciens. Les résistants s’engouffrèrent dans leur voiture, Alexandre Drevet au volant, Antoine Angeli à ses côtés, Pierre Barnier et Hippolyte Vial à l’arrière. Sous les rafales de mitraillettes, Pierre Barnier et Hippolyte Vial furent touchés à mort tandis qu’Alexandre Drevet, blessé à deux reprises et écroulé sur le volant, ne donna plus signe de vie. Peu à peu il reprit connaissance et remit la traction en route. Les miliciens ne purent empêcher le départ du véhicule dont le moteur criblé de balles s’arrêta au bout de 500 mètres. Alexandre Drevet et son camarade s’échappèrent en traversant le cimetière de Firminy et se rendirent chez un médecin ami dans une commune proche, qui accueilli et soigna le blessé. Il apprit à Alexandre qu’il avait frôlé la mort, la balle reçue dans le cou était passée à quelques millimètres du bulbe rachidien. Alors qu’Alexandre Drevet, meurtri par la perte de ses camarades et ses blessures, reprit son activité clandestine au sein du maquis Wodli, il apprit fortuitement qu’il venait d’être condamné aux travaux forcés à perpétuité.
Il fut arrêté par la milice le 2 mai 1944, lors d’une mission sur Saint-Étienne. Compte-tenu des dossiers détenus sur lui par la milice et la gestapo, il subit de nombreux interrogatoires et tortures, sous les ordres du chef de la milice Le Guillou, et fut transféré à la prison Saint-Paul à Lyon.
Le 26 mai 1944, les bombardements touchèrent la prison Saint-Paul, ce qui permit à près de 1500 détenus de sortir de leurs cellules et de prendre le contrôle des lieux. C’est ainsi qu’Alexandre Drevet retrouva son père, arrêté le 25 mars 1944 suite à une attaque des GMR contre le maquis Vaillant-Couturier. Le père et le fils, arrêtés pour la troisième fois, se retrouvèrent tous les deux détenus à la prison Saint-Paul.
Le 29 juin 1944, les autorités françaises livrèrent 720 prisonniers aux allemands, dont Alexandre Drevet et son père. Ils furent dirigés vers la gare de Perrache et entassés dans des wagons à fenêtres bloquées. Le voyage dura 3 jours sans boisson, ni nourriture. Alexandre Drevet et ses compagnons arrivèrent au camp de concentration de Dachau (Allemagne) le 2 juillet. Après dépôt de son maigre bagage, rasé, tondu il se retrouva sur l’immense place d’appel avec des centaines d’hommes nus et sans défense. Vêtu de haillons marqués KLD (Konzentrations Lager Dachau, il devint un numéro qu’il faudra retenir en allemand : 76129 sechsundsiebzigtausendeinhundertneunundzwanzig. Sur sa veste était inscrit son numéro avec le triangle rouge des déportés politiques.
Réveillés brutalement avant le jour, Alexandre Drevet et ses camarades durent fréquemment attendre des heures que les kapos comptent et recomptent leurs effectifs. Ils travaillaient jusqu’à épuisement avec seulement une soupe par jour et un morceau de pain de de margarine le soir.

En août 1944, Alexandre Drevet va partir avec 300 déportés français, dont son père, pour le Kommando de Kempten en Bavière. Dans cet univers hostile, des liens indéfectibles vont se créer avec Hildebert Chaintreuil, syndicaliste résistant, qui parvint à organiser une chaine de solidarité qui épargnera de nombreuses vies. Alexandre, fut affecté dans un premier temps au kommando « de la terrasse » où il partagea les plus durs travaux avec Louis Terrenoire (futur Ministre). L’hiver 1945 fut extrêmement dur.

Devant l’avancement des armées alliées, les SS firent évacuer Kempten le 28 avril, entrainant les déportés dans une « marche de la mort ». Dans la longue colonne, Alexandre Drevet, son père, et une centaine de déportés s’échappèrent vers la montagne et se cachèrent dans une grange. Le lendemain matin, alertés par le bruit des blindés américains, ils fabriquèrent un fanion marqué d’une croix de lorraine et rejoignirent les troupes alliées en rang et en chantant la Marseillaise. Pris en charge, les déportés retournèrent à Dachau.

Alexandre Drevet fut rapatrié à Saint-Étienne et envoyé en convalescence à Saint-Alban les Eaux dans le roannais. C’est là qu’il connut Renée Grandhomme, jeune lorraine réfugiée dont la famille était installée à Saint-Alban les Eaux depuis 1940. Ils se marièrent en février 1946. Le couple eut trois enfants : Jacques né en novembre 1946, Daniel né en janvier 1948 et Alexandra Drevet née en octobre 1954.

Alexandre Drevet a été homologué déporté et interné de la résistance (DIR), forces françaises de l’intérieur (FFI). Il reçut la croix du combattant 39-45, la croix du combattant volontaire de la résistance, la médaille de la résistance, la croix de guerre 39-45 avec palme, la médaille militaire et la croix de chevalier de la légion d’honneur.

Il devint chef de contrôle, ce qui équivaudrait à contremaitre de 1946 à 1961 à la société Outillage Deltal à Saint-Étienne puis de 1961 à 1969 aux Aciéries et Forges de Saint-François à Saint-Étienne.
Il était syndiqué à la CGT, vraisemblablement à la fédération de la métallurgie.

Alexandre Drevet ne cessa jamais de combattre pour les idéaux qui motivèrent son engagement dans la résistance et resta fidèle à ses idées et au PCF.
Sa santé à son retour des camps ne lui a pas permis de continuer d’être un militant actif comme il l’avait été à la veille de la guerre et surtout pendant l’Occupation. Il n’eut donc pas de responsabilités syndicales ou au sein du PCF si ce n’est un poste de trésorier au niveau politique.

Après avoir vécu à Saint-Étienne de 1924 à 1969 il s’installa ensuite à Romans-sur-Isère (Drôme) à partir de 1991. Là, membre du Comité Directeur de la FNDIRP Drôme-Ardèche, il fut l’un des fondateurs du Musée de la Résistance et de la Déportation de Romans. Il a contribué à des œuvres sociales comme la création de la maison de retraite médicalisée Marcel Paul et la clinique Frédéric Henri Manhès à Fleury Mérogis, le financement de monument commémoratif de Dachau au cimetière du Père Lachaise. Il consacra tous ses efforts à la transmission de la mémoire et apportera de nombreux témoignages dans les collèges et lycées jusqu’à son décès le 31 juillet 1991.
Reconnaissant l’origine des pathologies liées à son décès, l’ONACVG accorda à Alexandre Drevet la mention « Mort pour la France ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article238453, notice DREVET Alexandre alias Alex dans la résistance par Alexandra Rollet, version mise en ligne le 16 février 2021, dernière modification le 25 février 2021.

Par Alexandra Rollet

SOURCES : SHD Vincennes, GR 16 P 192213, dossier résistant Alexandre Drevet. — AVCC Caen, AC 21 P 659899, dossier déporté d’Alexandre Drevet. — Archives privées Alexandra Rollet.— Arch. dép. du Rhône : Tribunal de première instance du Puy 27 mai 1943. — Arch. dép. de la Loire : PV de police du 31 décembre 1940. — Arch. dép. de la Loire : Maison d’Arrêt de Clermont-Ferrand 7 février 1941. — Arch. dép. du Puy-de-Dôme : Registre d’écrou 1940-1941. — Archives privées Alexandre Drevet : Acte d’accusation du Tribunal Militaire Permanent 13° division militaire siégeant à Clermont-Ferrand du 17 juin 1941 ; condamnation Alexandre Drevet suite Acte d’accusation du 17 juin 1941 ; copie page cahier écrit à Mauzac en septembre 1941. — Arch. dép. du Rhôme : AD du Rhône : relevé de bulletin de casier judiciaire Alexandre Drevet ; ermission centre de séjour de St-Paul d’Eyjeaux Paul Drevet 20 mars 1943 ; PV interrogatoire Perrine Bechtold (tante d’Alexandre Drevet) du 2 mai 1943 ; (extrait de l’audience de la section spéciale de la cour d’appel de Lyon du 25 avril 1944 ; registre d’écrou 19 mai 1944 prison Saint-Paul.— Archives de Bal-Alrosen : enregistrement et matricule Alexandre Drevet camp de concentration de Dachau. — Lettre de l’ONACVG du 5 mai 2014 (attribution de la mention Mort pour la France). — Joseph Sanguedolce, De Saint-Etienne à Dachau, Paris, éditions sociales, 1973. — Paul Bermond, 75902, édition Bernard Paul Bermond. — Discours de Roger Coutarel, Président de la FNDIRP, Responsable de la section de Valence lors des obsèques d’Alexandre Drevet. — État-civil.

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