MASSA Louis, Max

Par André Balent

Né le 23 mai 1920 à Nice (Alpes-Maritimes), mort le 21 septembre 1943 à Montségur (Ariège) ; lieutenant de la Garde (ex Gendarmerie mobile) ; résistant de l’Armée secrète (AS) ; abattu par erreur par un combattant d’un maquis qu’il venait prévenir d’une attaque imminente des forces de Vichy.

En 1943, Louis Massa était lieutenant du 4e escadron du 6e régiment de la Garde (nom pris par la Gendarmerie mobile sous Vichy afin de respecter les clauses de l’armistice). Il était en poste à Foix (Ariège).

Louis Destrem, membre du mouvement Combat dont il était devenu un des dirigeants dans l’Ariège, avait accédé en 1943 aux fonctions de chef départemental de l’Armée secrète des MUR (Mouvements unis de la Résistance). Il succédait à ce poste au colonel Costedoat. Il recruta des officiers de la garde à Foix. L’un d’eux, Louis Massa, était devenu son adjoint à la tête de l’AS départementale.

Le 18 septembre 1943, les FTPF du maquis de L’Ilhat (Ariège) — Voir : Péreille (Ariège), 18 septembre 1943 — attaquèrent les Allemands. Ayant eu deux blessés graves, les deux chefs qui succombèrent, ce maquis se dispersa, certains de ses membres auraient rejoint le maquis de l’AS de la Frau à Montségur (Ariège), pas trop éloigné de l’Ilhat. Ce maquis avait été créé à l’initiative de l’AS de Toulouse, sans en référer à son homologue de l’Ariège. Au printemps de 1943, il avait été implanté dans la Montagne Noire aux confins du Tarn et de l’Aude, dans la forêt d’Hautaniboul. Son chef Jacques d’Andurain, ancien de l’Organisation spéciale du PC de la région parisienne intégra le mouvement Libération-Sud à Lyon (Rhône) lorsqu’il fut obligé de se réfugier en zone sud, à Lyon en février 1942. Muté à Toulouse (Haute-Garonne), il devint un des responsables de l’AS des MUR de cette ville. Il prit le commandement du maquis implanté dans la forêt d’Hautaniboul.

Après avoir été attaqué en juin 1943 dans la Montagne Noire, le maquis se transporta dans l‘Ariège, à Montségur. Il établit son cantonnement sur les flancs de la montagne de la Frau (qui culmine à 1925 m) vers 1800 m. La grotte de Caunha [écrit aussi « Caougno » (prononciation phonétique de l’occitan)] en contre-bas, à 1700 m, abritait aussi les maquisards et leur matériel en cas d’intempéries. Ce maquis, piloté depuis Toulouse, était connu des autorités vichyssoises après que deux jeunes de Lavelanet (Ariège), membres du PPF (Parti populaire français, collaborationnistes) capturés puis relâchés par le maquis se furent empressés de prévenir les autorités et d’indiquer son emplacement. Le préfet ignorait son affiliation à l’AS. Il pensait qu’il dépendait des FTPF, tout comme celui de l’Ilhat-Péreille qui, le 18 septembre, avait eu l’audace de s’attaquer aux troupes d’occupation. Il avait aussi acquis la conviction que ces FTPF avaient trouvé refuge à la Caunha, ce qui ne correspondait pas à la réalité, même si quelques-uns semblent l’avoir fait.

Une opération fut décidée afin d’anéantir le maquis de Montségur. Le préfet rassembla la Garde, des GMR (Groupes mobiles de réserve) de Foix, des gendarmes (mais l’adjudant Bailles, commandant la brigade de Bélesta a refusé de se joindre à l’attaque). S’y adjoignirent afin un groupe de policiers allemands de Toulouse. Louis Massa devait y participer avec des éléments de son escadron basé à Foix.
L’AS fuxéenne, demanda à Massa de prévenir les maquisards de la montagne de la Frau. Dans ce but, il se porta en éclaireur, bien au-devant de la colonne d’attaquants. Il serait parti à l’aube et a été contraint, à partir des environs du village de Montségur, d’entamer une longue montée pédestre d’environ 700 m de dénivelé. Il progressait dans le brouillard et, selon un témoignage transcrit par Claude Delpla, il arriva à proximité de la Caunha vers 11 heures 45 mn. Il aurait dit : « Rendez-vous ! On ne vous fera rien ». Mais, on a raconté aussi que, ayant approché d’un poste avancé du maquis, la sentinelle tira sans sommations et le tua. Les maquisards, alertés, purent se disperser sans dommages, mais le maquis ne se reconstitua pas ailleurs. Sept maquisards qui se trouvaient à l’intérieur de la grotte furent capturés : Jacques Arnaud, alias « Pierre », de Mirepoix ; René Corbin, de Lavelanet ; Jean Galy-Jamou, de Toulouse, typographe ; Paul Farrando, de Toulouse, tapissier ; Raymond Broucksaux alias « le Chtimi », de Calais ; Gregori Filatov, prisonnier russe évadé, originaire des environs de Moscou. Les quatre derniers furent déportés en Allemagne. Brouckseaux, interné à Eysses (Lot-et-Garonne), fut libéré par des maquisards. Il intégra un maquis de ce département et fut tué en action de combat le 17 août 1944. Un septième homme du maquis, agent de liaison, Yves Roudière, de Lavelanet, fut également capturé par des gardes le 20 septembre 1943.
Il y eut une victime parmi les assaillants, le garde Legru.

L’appartenance de Louis Massa à la Résistance fuxéenne demeura ignorée des autorités vichyssoises et des forces d’occupation, mais était bien connue de ses camarades de l’AS qui savaient en quoi consistait la mission dont il était chargé le 20 septembre1943. Dans le roman du collaborationniste Saint-Loup (1908-1990), (Nouveaux cathares pour Montségur, Paris, Presses de la cité, 1968, 381 p.) où sont abordés les thèmes de l’ésotérisme prétendument « cathare » et de l’identité occitane avant et après la Seconde Guerre mondiale, l’affiliation du garde Massa à la Résistance est également ignorée. Toutefois, Saint-Loup qui mêle personnages réels et de fiction a imaginé dans son roman un récit de l’assaut de la grotte de la Caunha par les forces de Vichy.

Vichy en fit un martyr, victime du terrorisme. La presse le présenta comme tel, au même titre que le garde Legru. Jean-Marc Berlière (op. cit., 2018, p. 417) le comptabilisa parmi les gardes et gendarmes victimes des affrontements avec les résistants. Il eut droit à des obsèques nationales dans la capitale de l’État français, en présence de six colonels de gendarmerie provenant des six régions de l’ancienne zone libre.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article238914, notice MASSA Louis, Max par André Balent, version mise en ligne le 26 février 2021, dernière modification le 10 octobre 2021.

Par André Balent

SOURCES : Arch. dép. Ariège, 64 J 120, fonds Claude Delpla, maquis de Montségur, fiches diverses, tapuscrites et manuscrites. — Jean-Marc Berlière, Polices des temps noirs 1939-1945, préface de Patrick Modiano, Paris, Perrin, 2018, 1357 p. [p. 417]. — Claude Delpla, La libération de l’Ariège, Toulouse, Le Pas d’oiseau, 514 p. [p. 44, p. 428]. — André Laurens, Une police politique sous l’Occupation. La Milice française en Ariège 1942-1944, Nîmes, Lacour, 1997, 251 p. [p. 103, note 6].

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