FOURNERA Pierre, Louis, Roger

Par Élérika Leroy

Né le 5 août 1916 à Perpignan (Pyrénées-Orientales), mort le 29 juillet 1944 (ou le 1er août 1944) à Martignas-sur-Jalle (Gironde) fusillé comme otage par les Allemands au camp de Souge (Gironde) ; avocat à Montpellier (Hérault) ; commissaire de police à Toulouse (Haute-Garonne) ; déporté dans le convoi dit du « train fantôme » parti de Toulouse le 3 juillet 1944

Pierre Fournera (1916-1944)
Source : MemorialGenWeb

Fils de Paul, Roger, Marius Fournera né le 26 novembre 1889 à Montpellier, mort le 1er mai 1922 à Perpignan et de Germaine, Philomène, Marie, Anne Jammet née le 1er janvier 1893 à Perpignan, morte dans le 21 septembre 1981 à Cabestany (Pyrénées-Orientales).

Le 6 août 1937, il se maria à Montpellier (Hérault) à Yvonne, Maria, Alice Assens née le 5 août 1920 à Montpellier, morte le 21 janvier 2013 à Montpellier.

Après des études de droit, Pierre Fournera exerça la profession d’avocat à Montpellier, avant de rejoindre Toulouse (Haute-Garonne) en 1940. Il intégra à 24 ans la police d’État à Toulouse après l’armistice de juin 1940. Il fut nommé au commissariat du 17 rue du Rempart Saint-Étienne, au sein de la 8e brigade de police judiciaire, d’abord comme chef de la section spéciale, affaires politiques et antinationales et de la répression des menées terroristes (6 mars 1943-16 mars 1944), puis comme commissaire principal, chef de la section de police judiciaire à Toulouse (du 16 mars 1944 au 1er juin 1944).

Les témoignages de ses collègues révèlent une personnalité ambitieuse, prête à tout pour sa carrière et favorable à la collaboration. Pierre Fournera entretint des liens de proximité avec des chefs de la Gestapo en particulier le lieutenant SS Stubbe, chef de la section VI du Service de police de sûreté allemand, et son adjoint Schweitzer ainsi que le Capitaine SS Retzek, chef du KDS (Kommando der Sicherheitzpolizei und der SD) à Toulouse (jusqu’en août 1943, remplacé par le SS Friedrich Sühr). Le commissaire Fournera menait des enquêtes poussées contre la Résistance et transmettait les renseignements recueillis aux cadres de la Gestapo. Des témoignages de policiers ou de victimes ont confirmé le zèle du commissaire Fournera lors d’opérations communes avec la police allemande contre la Résistance. Son comportement fut signalé au réseau Morhange par les policiers résistants qui travaillaient à ses côtés à la 8e Brigade de police de sûreté, comme André Béringuier, Raymond Heim, Henri Descuns ou Jacques Combatalade.

Un concours de circonstance a donné l’occasion à Marcel Taillandier, chef du réseau Morhange, de tenter de retourner Pierre Fournera au profit de la Résistance. En novembre 1943, Marcel Taillandier et le capitaine Louis Pélissier, par l’entremise de l’inspecteur de police Raymond Heim, le firent venir au domicile de ce dernier. Ils le menacèrent d’exécution (son nom avait été cité dans les listes noires des collaborateurs par Radio Londres). Le commissaire Fournera était bien placé pour connaître les nombreuses disparitions récentes (en novembre 1943, le réseau Morhange avait déjà à son actif une vingtaine d’enlèvements d’agents de la Gestapo et de délateurs, suivis d’exécutions. La 8e Brigade de police a enquêté sur toutes ces affaires). Morhange et Pélissier n’eurent aucune difficulté à contraindre Fournera et à le convaincre de participer à une opération contre un agent de la Gestapo détenu au commissariat du Rempart Saint-Étienne.

Marcel Taillandier organisa les détails de l’opération. Il avait besoin du commissaire Fournera pour sortir le suspect du commissariat. Fournera prétexta une opération de perquisition au domicile du suspect aux Ponts-Jumeaux. Cet homme, agent de la Gestapo, aux multiples identités de Senac, Candel, Castereels ou « Lapin Blanc » avait été arrêté par la police française pour marché noir. Coïncidence, cette arrestation était survenue au moment où le réseau Morhange allait le neutraliser. L’homme avait infiltré les Mouvements unis de la Résistance et avait réussi à manipuler le chef régional des services de renseignement des MUR. Cette manipulation a permis au KDS de monter l’opération de minuit le 13 décembre 1943 contre les MUR et d’arrêter nombre de résistants, dont François Verdier.

Le 22 novembre 1943, les inspecteurs Beringuier et Rieutord, accompagnés du commissaire Fournera appliquèrent le plan élaboré par Morhange et simulèrent une bagarre entre policiers et assaillants. Beringuier menotté à Senac fut embarqué dans la Traction-avant de Morhange et jeté dans un fossé, aspergé de chloroforme, près de Lèguevin.

Dans les semaines qui suivirent cette opération, la participation du commissaire Fournera aux actions du réseau Morhange n’apparait pas dans les comptes rendus d’activités du réseau (fonds 169 J aux archives départementales de Haute-Garonne). Il semble que Fournera ait pris la menace au sérieux jusqu’en juin 1944 en mettant moins de zèle à traquer les résistants.

Pierre Fournera fut arrêté le 1er juin 1944 par la Gestapo. Selon les témoignages recueillis en 1945 (en particulier de Raymond Heim, policier résistant, qui avait eu l’occasion d’interroger Pierre Fournera dans le wagon de déportation), la Gestapo reprochait à Fournera d’appartenir à l’équipe Morhange. Lors des interrogatoires qu’il subit au siège de la Gestapo, 2 rue Maignac, il révéla tout ce qu’il connaissait. Jacques Combatalade, policier du réseau Morhange (X5), arrêté le 2 juin 1944 par la Gestapo, a témoigné du fait que le commissaire Fournera avait révélé tout ce qu’il savait de l’équipe Morhange. Il donna tous les noms qu’il connaissait comme ceux de ses collègues, Heim et Subra. À l’issue des interrogatoires, il fut écroué à la prison Saint-Michel de Toulouse, côté allemand.

Le beau-père de Pierre Fournera, René Beille, tenta de faire intervenir l’un de ses anciens camarades de 1917 en sa faveur, en la personne de Joseph Darnand (courriers conservés dans le dossier de la commission d’épuration aux Archives nationales).

Le 3 juillet 1944, Fournera rejoignit le convoi de déportation constitué de centaines de prisonniers et d’internés du camp du Vernet-d’Ariège (Ariège), de la caserne Compans-Cafarelli et de la prison Saint-Michel. Dans son wagon, il retrouva ses collègues, Raymond Heim et le commissaire divisionnaire Germain Subra qu’il avait dénoncés. Raymond Heim parvint à s’évader du train le 20 août 1944 à Sorgues (Vaucluse) et à rejoindre Toulouse. Germain Subra fut déporté au camp de Dachau et succomba au camp de Mauthausen en mai 1945, peu avant son rapatriement. Le convoi de déportation fut stoppé à Angoulême par les bombardements alliés et fit demi-tour pour retourner à Bordeaux (Gironde). Après quelques jours, les déportés furent enfermés à la synagogue de Bordeaux transformée en prison.

À la synagogue, Pierre Fournera fut reconnu par les personnes qu’il avait traquées dans les années précédentes, notamment des républicains espagnols et les résistants étrangers communistes, fort nombreux dans ce convoi (comme les résistants de la 35e brigade FTP-MOI (Franc-tireurs et partisans – Main d’œuvre immigrée), livrés aux Allemands par l’intendant de police Pierre Marty). Il semble que Fournera ait été transféré à l’infirmerie du fort du Hâ après quelques règlements de compte (témoignage de Raymond Heim en 1945 et livre de Jürg Altwegg cité dans les sources).

Bien qu’absent de la synagogue, Pierre Fournera fit partie d’une liste d’otages désignés par les Allemands fin juillet 1944. Dix ou douze personnes dont les résistants toulousains Albert Lautman, David Litman Nadler et Robert Borios furent conduits au fort du Hâ.

Pierre Fournera fut fusillé au camp de Souge à Martignas-sur-Jalle aux côtés de 47 autres personnes. Un doute existe sur la date de sa mort. Le dossier d’archives conservées à Caen (21P344283) mentionne le décès de Pierre Fournera le 29 juillet 1944, mais les recherches historiques ultérieures ont montré que les exécutions avaient eu lieu le 1er août 1944. Son corps a été découvert dans une fosse commune le 10 octobre 1944. Récupéré par sa famille, il fut, en novembre 1944, inhumé dans le caveau familial à Montpellier. Son nom figure sur le mémorial de camp de Souge.

Voir : Camp de Souge (1940-1944)

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article239085, notice FOURNERA Pierre, Louis, Roger par Élérika Leroy, version mise en ligne le 2 mars 2021, dernière modification le 5 décembre 2022.

Par Élérika Leroy

Pierre Fournera (1916-1944)
Source : MemorialGenWeb

SOURCES : Archives départementales de Haute-Garonne, fonds du Service régional de police judiciaire 5795 W (archives de la 8e Brigade de police de sûreté), fonds Pierre Rous – réseau Morhange 169J ; fonds Latapie (dossiers réseau Morhange). — Archives nationales, dossier de la commission d’épuration de la police, ministère de l’Intérieur, procès-verbaux des policiers Raymond Heim, Jacques Combatalade, Alfred Walter, François Rémy, Georges Dopler ; note datée du 8 juin 1945 de JF Sirinelli, secrétaire général à la police, Toulouse ; note de renseignements du 21 août 1945 qui précise que Fournera aurait « dénoncé aux Allemands 54 Français dont certains ont été fusillés » ; courriers des 15 et 17 juin 1944 adressés à Joseph Darnand, secrétaire d’État à l’Intérieur de Vichy et réponse de Darnand du 21 juin 1944 ; arrêtés du Conseil d’État du 9 décembre 1947 (dossier 19850671/35). — Mémorial du camp de Souge, archives du Service Historique de la défense. — Rémy, Morhange les chasseurs de traîtres, Flammarion, 1975. — Jürg Altwegg, L’odyssée du train fantôme, éditions Robert Laffont, 2003 (évoque Pierre Fournera, pages 109-124). — Site internet : www.fusilles-souge.asso.fr — Site internet de l’Amicale des 800 déportés du Train fantôme : www.lesdeportesdutrainfantome.org — Site Internet MemorialGenWeb consulté le 13 avril 2021.

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