FEDEL Albert, Denis

Par Alain Dalançon

Né le 12 novembre 1870 à Auch (Gers), mort le 29 décembre 1961 à Paris (XIVe arr.) ; professeur agrégé des lettres ; militant syndicaliste, fondateur en 1905 de la Fédération nationale des professeurs de lycées de garçons et de l’enseignement secondaire féminin.

Fils naturel de Françoise Mathieu, couturière de 32 ans, il fut reconnu par Sylvère Fedel, négociant, né en 1836, huit ans plus tard, à l’occasion du mariage de ses parents, le 25 mai 1878. Après sa scolarité au lycée d’Auch, Albert Fedel prépara l’École normale supérieure au lycée Lakanal à Sceaux (Seine) et réussit le concours d’entrée (lettres) en 1891. Par la suite, il assuma durant des décennies, jusqu’à sa mort, la fonction de trésorier de l’Association amicale des anciens élèves de l’ENS.

Agrégé des lettres en 1894, reçu second derrière Edouard Herriot, il fut professeur aux lycées de Moulins (Allier, 1894-1896), de Bordeaux (Gironde, 1896-1899), d’Avignon (Vaucluse, 1899-1900), de Nîmes (Gard, 1900-1901), de Lyon (Rhône, 1901-1904) avant d’obtenir une chaire au lycée Rollin à Paris en 1904. Enseignant dans les classes secondaires aux lycées Henri IV (1906-1913), Louis-le-Grand (1913-1914), il professa ensuite en première supérieure aux lycées Lakanal (1914-1923) puis Henri IV (1923-1934). Après sa retraite, il enseigna le latin au collège Sévigné à Paris jusqu’en 1961. Latiniste émérite, passionné par son enseignement, nombreux furent ses élèves de plusieurs générations à faire son éloge après son décès dans diverses revues de l’association des anciens élèves de l’ENS, de la Franco-ancienne et le bulletin de la Société des agrégés, L’Agrégation.

En 1896 à Bordeaux, Albert Fedel, républicain et socialiste, appela, avec deux autres collègues, à la constitution d’une fédération d’amicales de professeurs « en vue d’étudier en commun les améliorations morales et matérielles que comporte leur situation ». Aux congés de Pâques 1897, la Fédération tint son premier congrès à la faculté de Droit de Paris mais elle ne réussit pas à se développer. Le ministre Rambaud avait en effet interdit aux amicales « toute ingérence dans les affaires administratives et dans toutes les questions relatives aux intérêts, droits et obligations des fonctionnaires de l’enseignement secondaire, qui font l’objet des lois, décrets et règlements en vigueur ». Fedel lui-même fut victime d’un déplacement d’office en 1899 au lycée de Gap. Il avait en effet manifesté son hostilité à la remise des copies des élèves au recteur de Bordeaux, et écrit directement au ministre pour défendre la dignité professionnelle des professeurs.

L’adoption de la loi de 1901 sur les associations et la reconnaissance aux professeurs de leur indépendance et de leur liberté de pensée par le ministre Georges Leygues donnèrent la possibilité légale de regrouper les associations de personnels du secondaire en fédérations régionales. Ainsi put se tenir à Paris, les 2 et 3 janvier 1905 à l’École des Hautes études sociales, un congrès préparatoire des fédérations régionales des associations du secondaire puis, le 21 avril 1905, le congrès constitutif de la Fédération nationale des professeurs des lycées de garçons et de l’enseignement secondaire féminin, dont Fedel fut le premier président, responsabilité qu’il conserva jusqu’en 1920.

Les préoccupations matérielles, professionnelles et morales qui s’exprimaient alors avaient des accents singulièrement modernes. Fedel écrivait en 1906 : « On sait assez que plusieurs des réformes entreprises depuis quelques années dans l’enseignement secondaire n’ont pas eu d’autre cause que des raisons pécuniaires, et une préoccupation excessive d’économies à réaliser, au détriment de la légalité, de la valeur de l’enseignement et des intérêts les plus légitimes du corps enseignant ». Et en 1911 : « C’est parce qu’on a cru qu’on pouvait tout se permettre contre nous, qu’on pouvait dépouiller l’enseignement secondaire, le modifier impunément, défaire l’œuvre de la veille pour la rétablir peut-être le surlendemain sous un autre nom, traiter les professeurs comme des rouages inertes et leur imposer les théories pédagogiques les plus extravagantes que l’on a créé parmi nous l’état d’esprit qui a fait naître notre Fédération ».

En 1920, la Fédération nationale des professeurs, au congrès de Strasbourg, formula le vœu de se transformer en syndicat, se montra favorable à l’union avec les autres organisations de l’enseignement secondaire et des autres ordres d’enseignement mais n’approuva pas l’adhésion à la Fédération des syndicats de fonctionnaires et, soucieuse avant tout de sauvegarder l’unité corporative, repoussa toute affiliation directe ou indirecte à la CGT. Albert Fedel se retira alors. Paul Fouquet, élu pour lui succéder, décéda accidentellement au cours des vacances et fut remplacé par Victor Cope.

Albert Fedel présida en 1920-1921 le Bureau international des fédérations nationales du personnel de l’enseignement secondaire public. À partir de 1921 et jusqu’à son décès, il fut le président d’honneur de la Fédération nationale (puis du Syndicat national) des professeurs des lycées de garçons et du personnel de l’enseignement secondaire féminin, puis du Syndicat national des lycées et collèges. Il siégea au Conseil supérieur de l’Instruction publique au titre des agrégés des lettres, du 9 novembre 1927 jusqu’en janvier 1938. Ses interventions pour la défense de l’enseignement secondaire classique avaient du poids dans cette instance consultative, au point qu’il y demeura en fonction quatre années encore après avoir pris sa retraite en 1934.

Albert Fedel présida le congrès du SNALC les 17 et 18 mars 1940 qui vota une motion condamnant "les agressions commises successivement contre l’Autriche, la Tchécoslovaquie, la Pologne et la Finlande par les gouvernements allemand et soviétique" et appelant la FIPESO à "condamner sans équivoque les nations qui foulent au pied les droits de l’intelligence et de l’humainté."

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Albert Fedel s’employa pour fournir des faux papiers aux Juifs et aux réfractaires du Service du travail obligatoire.

À la veille de sa mort, à son domicile de vieux garçon, il reçut en 1960 la cravate de Commandeur de la Légion d’honneur des mains de son ancien élève, Louis Joxe, alors ministre de l’Éducation nationale.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article23936, notice FEDEL Albert, Denis par Alain Dalançon , version mise en ligne le 18 décembre 2008, dernière modification le 10 février 2020.

Par Alain Dalançon

ŒUVRE : En collaboration avec Julien Girard, Contiones latinae. Sive orationes. Ex Tito Livio, Sallustio, Caesare, Tacito, Q. Curtio, Ammiano Marcellino, Paris, Delagrave, 1901, 869 p.

SOURCES : La quinzaine universitaire, L’Agrégation, Bulletin des anciens élèves de l’ENS .— Notice DBMOF.— Yves Verneuil, Les agrégés. Histoire d’une exception française, Belin, 2005. — Notes de Jean-Christophe Vayssette.

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