Argentine (Savoie), 24 et 25 août 1944

Par Michel Aguettaz

Le 24 août 1944, les troupes allemandes en repli massacrèrent quatorze civils, dont deux femmes et une fillette, dans quatre hameaux de la commune d’Argentine.

Le 25 août 1944, le massacre du Pont de la Pouille (Argentine) : 17 hommes furent arrêtés dans différents hameaux des communes d’Aiguebelle, Montgilbert, Bourgneuf, Saint-Georges d’Hurtières et Saint-Alban d’Hurtières pour transporter des explosifs devant servir au minage du pont routier de la Pouille puis malgré la promesse de libération furent mitraillés à proximité du pont et à 300m de celui-ci.
L’unité responsable de ce massacre appartenait à la 90e Panzer-division de L’Africa Korps.

Argentine, exécutions du 24 août 1944
Le 24 août si les FFI tiennent la rive droite de l’Isère dans la Combe de Savoie, les Allemands contrôlent encore le Val Gelon et l’entrée de la vallée de la Maurienne. Cette vallée est un axe vital pour eux puisqu’elle est leur principale voie de repli vers l’Italie du nord. Des unités quadrillent donc le secteur du verrou d’Aiguebelle protégeant les convois arrivant de Grenoble des embuscades FFI et se livrant a des actes de représailles sanglants.
Vers 17 heures, des tirs FFI partent sur la commune d’Argentine.
La réaction allemande est immédiate et brutale. Un détachement d’une trentaine d’hommes fonce sur la commune. Ils vont se livrer à un véritable massacre, incendiant les habitations, tuant le bétail et abattant 14 personnes.
Ils investissent dans un premier temps le hameau de Gemilly où ils tuent sur le pas de leur porte Jean-François Villiot, 60 ans et Marcel Guillermand, 30 ans. Leurs maisons sont incendiées et leurs corps en partie carbonisés.
Puis la rage des militaires se tourne vers les hameaux voisins du Château, des Bottets et de la Roche. Sept habitants des Bottets sont abattus. La plus jeune victime n’a que neuf ans. Alors qu’elle fuit avec sa mère, Raymonde Viallet est mortellement touchée. Un peu plus tard les Allemands incendient la maison dans laquelle repose son corps. Marie, Antoinette et Victor Germanaz, 48, 51 et 54 ans, frère et sœurs, sont brûlés vifs dans leur maison.
Alexandre Hamm 36 ans, Barthélémy Pitton, 63 ans, Lucien Raymond, 31 ans, sont abattus dans le même temps.
Au hameau du Château, Joseph Guillermand, 59 ans ignore que son fils Marcel est tombé sous les balles allemandes quand il se réfugie avec son autre fils René, 25 ans, dans une écurie. Ils sont en compagnie de leur ouvrier agricole, Jean Picton, 20 ans, et de Stéphane Rochette, industriel parisien de 32 ans, propriétaire du château.
Découverts, ils sont mitraillés tous les quatre.
Enfin au hameau de la Roche ce sont Joseph Fournier, 56 ans, et Francisque Germanaz, 43 ans qui tombent. Ce sont en tout 14 habitants d’Argentine qui ont été assassinés en l’espace d’une heure.
Le lendemain, 25 août, Argentine va connaître un nouvel épisode sanglant.
Victimes du massacre :
Joseph Fournier
Antoinette Germanaz.
Joséphine Germanaz
Francisque Germanaz
Victor Germanaz
Joseph Guillermand
Marcel Guillermand
René Guillermand
Alexandre Hamm
Jean Picton
Barthélémy Pitton
Lucien Raymond
Stéphane Rochette
Raymonde Viallet
Jean-François Villiot
Leurs noms sont gravés sur le monument aux morts d’Argentine.

Les tragiques évènements qui se sont déroulés à Argentine le 24 août 1944 aux hameaux de Gemilly, des Bottets, du Château et de la Roche sont le premier acte d’une tragédie qui va se poursuivre jusque dans l’après-midi du 25 août.

Le massacre du Pont de la Pouille :
En effet, vers 21 heures une trentaine d’hommes de la Wehrmacht appartenant à la 90e Panzer-division de L’Africa Korps investissent le hameau de La Pouille (commune d’Aiguebelle). Mitraillant les habitations, ils se livrent au pillage, emportant jusqu’au draps, et mettent le feu aux maisons et aux bâtiments agricoles. Les famille Falcoz et Christin dont les maisons sont attaquées parviennent à s’enfuir et à se réfugier dans un abri à l’orée de la forêt. Découverts un peu plus tard, les deux hommes, Eugène Falcoz et François Christin sont emmenés. Dans la nuit du 24 au 25 les pillages continuent dans Aiguebelle où 12 otages sont retenus toute la nuit dans l’hôtel Thurel.
Le 25 au matin, des hommes sont arrêtés en différents lieux des environs d’Aiguebelle. À Montgilbert au moins 9 hommes sont raflés :
- Jean-François Anselme (21 ans), Félicien Durand (46 ans) et son fils Aimé (14 ans), Jean Rosset (33ans), Maurice Rechu (41 ans) et son fils Joseph (17 ans) tous habitants de la Croix d’Aiguebelle hameau de la commune de Bourgneuf.
- Fernand David (18 ans) habitant de Montgilbert.
- Armand Meriguet et Jean Malartre, tous deux employés de la SNCF travaillant à la remise en état de la voie ferrée.
Arrêtés vers 7 heures du matin, ils sont emmenés en camion en milieu de matinée dans la direction d’Aiguebelle.
- Fernand Vinit (17 ans) et Félicien Georges (55 ans) sont arrêtés à Saint-Georges d’Hurtières tandis qu’Anselme Fournier est pris à Saint-Alban d’Hurtières.
- André Longin (42 ans) habitant de la Pouille a sans doute été pris lors de l’attaque du hameau.
- Antoine Lambert (60 ans) quincaillier à Aiguebelle a peut-être été pris dans la nuit lors du pillage de la petite ville.
- Élie Bouclier, membre de l’Armée secrère (AS), capturé alors qu’il était coupé de sa section en embuscade vers Épierre.
Ces 17 hommes sont requis pour transporter des explosifs devant servir au minage du pont routier de la Pouille qui permet de franchir l’Arc quand on remonte la vallée de la Maurienne.
Vers 18 heures, alors que les otages avaient reçu promesse d’être relâchés une fois le travail fait, ils sont mitraillés. Le massacre se fait en deux lieux.
François Christin, Eugène Falcoz, Félicien Georges et Fernand Vinit sont abattus en bordure d’un champ de maïs à proximité du pont.
Les autres corps sont retrouvés 300 mètres en amont du pont. Ils sont dans l’eau au pied de la petite cascade que forme le ruisseau de la Roche quand il verse dans le canal de l’usine hydroélectrique de la Pouille.
Ils sont découverts par le curé d’Aiguebelle et le jeune Rosset le dimanche 27 août vers 17 heures quand les lieux sont devenus accessibles après le départ définitif de l’arrière garde allemande. Ils sont accompagnés par quatre FFI dont un médecin.
La description des cadavres faite par les témoins témoigne de la sauvagerie de l’exécution. Les mutilations observées indiquent l’utilisation de balles explosives tirées à très courte distance. Selon certains témoins certaines blessures auraient été faites à l’arme blanche.
Aujourd’hui un monument situé au bord du canal de l’usine hydroélectrique rappelle la mémoire des victimes. Sur ce monument n’apparaissent pas les noms de François Christin, Eugène Falcoz, Félicien Georges et Fernand Vinit. En revanche on y trouve le nom de Lucien Raymond tué le 24 août au hameau des Bottets sur la commune d’Argentine.
Sur la commune de Bourgneuf, un monument a été érigé en mémoire des six habitants de la commune exécuté le 25 août 1944. Il a été érigé le long de la route des diligences à 1,5 km du hameau de la Petite Croix d’Aiguebelle.

Victimes du massacre :
Anselme Jean
Bouclier Élie
Christin François
David-Mollandruz Fernand
Durand Aimé
Durand Félicien
Falgoz Eugène
Fournier Anselme
Georges Félicien
Lambert Antoine
Longin André
Malartre Jean
Mériguet Armand
Rosset Jean
Vinit Fernand

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article239374, notice Argentine (Savoie), 24 et 25 août 1944 par Michel Aguettaz, version mise en ligne le 22 mars 2021, dernière modification le 22 septembre 2021.

Par Michel Aguettaz

SOURCES : Arch. Dép. Rhône, 3808W 1193.— État civil, commune d’Argentine. — État civil, commune d’Aiguebelle.

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