ROUSSEAU-JOGUET René, Jean, Pierre, Marie

Par Pierre-François Chêne

Né le 3 juin 1943 à Nantes (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique) ; commis boucher puis manutentionnaire puis gardien d’immeuble ; militant CFDT aux Transports Drouin puis à l’Office Public HLM de Nantes, secrétaire adjoint du syndicat départemental Interco CFDT de Loire-Atlantique (1979-2000), membre du conseil fédéral Interco CFDT (1983-2001), membre du Conseil économique et social puis du Conseil économique social et environnemental (1994-2004).

René Rousseau-Joguet en 1994
René Rousseau-Joguet en 1994

À sa naissance, René Rousseau fut rapidement confié à sa grand-tante maternelle Élise Robin, épouse Joguet, dont le mari était alors en captivité en Allemagne.
Les parents de René Rousseau, Pierre Rousseau et Anne-Marie Robin, se séparèrent en 1946. Pour cette raison René Rousseau fut placé en nourrice à Nort-sur-Erdre (Loire-Inférieure) où se trouvait déjà sa sœur Annick née en 1945.Il y resta jusqu’en juillet 1948. À cette date il fut recueilli définitivement par sa grand-tante et son grand-oncle René Joguet qui l’ont élevé comme leur propre enfant. En 1987, après une procédure d’adoption simple, René Rousseau ajouta le nom de Joguet à son nom de famille pour s’appeler désormais René Rousseau-Joguet. René Rousseau passa son enfance à La Baule Escoublac (Loire-Inférieure) où son oncle était chauffeur dans une entreprise de transport.
René Rousseau fut d’abord scolarisé à l’école publique de Nort-sur-Erdre entre 1946 et 1948 puis, de 1948 à 1955, à l’école privée catholique de La Baule. Il fut élevé dans la foi catholique bien que son grand-oncle et sa grand-tante aient une faible pratique religieuse. À la suite de leur emménagement à Nantes, il termina sa scolarité à l’école publique et obtint son certificat d’études primaires en juin 1957.
En novembre 1957, René Rousseau signa un contrat d’apprentissage boucherie de trois ans, « nourri-logé » », qui le mena au CAP, obtenu en 1960. Il découvrit les dures conditions de la vie d’apprenti entre horaires extensibles, hébergement plus que spartiate, multiplicité des tâches pas toujours en lien avec le métier… Faute de trouver un emploi stable, il choisit de suivre une formation professionnelle de chauffagiste, qui ne déboucha pas sur une embauche. En octobre 1961,René Rousseau décida alors de signer un engagement de trois ans dans l’armée de terre.
Il fut affecté au Centre d’Instruction des Blindés à Trèves en Allemagne. À la suite d’importants problèmes de santé, il fut longuement hospitalisé. Il en garda des séquelles auditives importantes. La mauvaise gestion de son dossier médical par l’institution militaire ne lui permit pas de rompre son contrat. Cela provoqua chez lui un fort sentiment d’injustice et de révolte.Le 3 octobre 1964, René Rousseau quitta définitivement l’uniforme.
Le 22 octobre 1964, René Rousseau embaucha en qualité d’ouvrier de production à l’usine Beghin-Say (industrie sucrière) de Nantes. Le 19 juillet 1965, il entra comme manutentionnaire dans l’entreprise de transport Drouin Frères à Nantes, entreprise où travaillait son oncle.
En novembre 1965, René Rousseau fut victime d’un accident du travail qui entraina quinze jours d’hospitalisation, causé par un véhicule aux freins défectueux, ce qui engageait la responsabilité de l’entreprise. Du fait des liens anciens entre son oncle et l’employeur et du climat alors paternaliste de l’entreprise, René Rousseau n’engagea pas d’action en justice et ne demanda pas à suivre un plan de réinsertion professionnelle.
À sa reprise, René Rousseau fut affecté à un emploi administratif au service des expéditions. Son sentiment d’injustice se renforça après une mise à pied de trois jours pour avoir pointé à la place d’un collègue, pratique de solidarité ouvrière pour les petits retards.Pour lui, ce fut le déclic d’une réflexion qui le conduisit progressivement vers l’adhésion syndicale.
En 1967, René Rousseau participa à sa première manifestation à l’appel de l’Union départementale (UD) CFDT de Loire-Atlantique pour la défense de la Sécurité sociale.
En mars 1968, la section CFDT de l’entreprise lança un appel à la grève de 24 heures pour les salaires. René Rousseau démarcha les chauffeurs-livreurs et les manutentionnaires du dépôt mais seul le personnel des bureaux-expédition, son service, se mobilisa. FO, syndicat majoritaire, ne participa pas à cette action, mais deux mois plus tard,il appela à l’occupation de l’entreprise et au blocage du dépôt puis à la reprise fin mai sans qu’aucun accord d’entreprise n’ait été conclu.
Une assemblée générale fut alors organisée, à laquelle participèrent environ 300 salariés sur 1400. Le représentant CFDT, Claude Boulo, appela à la poursuite de la grève du fait de l’absence de tout accord. FO incita à la reprise du travail et obtint un vote largement majoritaire.
Dès la fin de l’assemblée, révolté, René Rousseau alla voir Claude Boulo pour adhérer à la CFDT.
En 1969, la CFDT devint première organisation syndicale dans l’entreprise et René Rousseau fut mandaté en tant que délégué syndical et élu au comité d’entreprise (CE).
Les conflits se poursuivirent les années suivantes. Celui d’avril 1973, à propos des salaires, fut particulièrement dur. Pour pousser la direction à négocier, la CFDT appela à la grève tous les samedis et dimanches et obtint au bout de plusieurs semaines un accord pour les 1400 salariés.
Cependant,prenant prétexte d’une altercation entre René Rousseau et un salarié du secteur routier pendant le conflit, la direction engagea contre lui une procédure de licenciement. Le comité d’entreprise vota contre mais l’inspection du travail donna un avis favorable, confirmé en appel. Ni la mobilisation ni le débrayage massif et spontané du personnel du service de René Rousseau n’y changèrent rien. Le 16 août1973 il fut licencié.
Le licenciement rendit très difficiles les recherches d’emplois de René Rousseau, qui fut finalement embauché comme ouvrier spécialisé (OS) chez Saunier-Duval (chaudière/chauffe-eau) grâce à l’aide du syndicat Métaux CFDT Nantes. Pendant son passage dans l’entreprise, réduisant son activité syndicale, René Rousseau se contenta de payer ses cotisations et de suivre quelques débrayages.
En janvier 1975, René Rousseau et son épouse Hélène furent recrutés comme couple de gardiens non titulaires par l’Office Public HLM Nantes Habitat. Ils étaient logés à titre gratuit mais les horaires étaient extensibles et ils travaillaient un dimanche sur trois. René contacta rapidement la section CFDT qui dépendait du syndicat CFDT des communaux de Loire-Atlantique. Il demanda que cette section composée pour l’essentiel d’administratifs prenne en charge les revendications des gardiens. Lors d’une rencontre avec la direction de l’Office, René Rousseau défendit de façon particulièrement ferme ces revendications, ce qui occasionna des difficultés avec certains membres de la section peu habitués à un syndicalisme aussi combatif. René Rousseau favorisa ainsi l’organisation des gardiens d’immeubles dans la section syndicale.
En 1976, René Rousseau participa à la création du syndicat départemental CFDT Interco 44 (communaux, HLM, personnels du département et de la préfecture se regroupant dans un seul syndicat) dont François Boucherie devint le premier secrétaire. René Rousseau fut élu au conseil syndical où il siègera jusqu’en 2004. Réélu au conseil lors du deuxième congrès de 1977 il intégra la commission exécutive durant la mandature et devint secrétaire adjoint du syndicat. Il le resta jusqu’en 2000.
Pendant ces années, il porta au sein de la section CFDT Nantes Habitat les revendications des gardiens et des cantonniers (chargés de l’entretien des espaces verts des HLM) non titulaires : titularisation et reconnaissance du travail des épouses de gardiens. Environ 500 agents étaient concernés. En 1980, au motif d’une réduction d’effectif, le poste de René Rousseau fut supprimé et il fut déplacé sur une des cités réputées difficiles de la ville.
En 1982, les revendications finirent par aboutir à la signature d’un protocole local sur la titularisation des gardiens. La titularisation devint effective. Elle se fit cependant sans perspective d’évolution de carrière ce qui resta une revendication nationale portée par la fédération IntercoCFDT.
En 1983, René Rousseau fut membre de la délégation du syndicat CFDT Interco 44 au congrès fédéral de Bombannes (Gironde). Il intervint avec succès pour contrer un amendement sur l’échelle mobile des salaires déposé par des syndicats en opposition à la ligne fédérale. Lors de ce congrès il fut élu au conseil fédéral.
En décembre 1986, René Rousseau participa au congrès fédéral du Pradet (Var). Ce congrès se déroula dans un climat d’actualité sociale électrique : les manifestations massives d’étudiants et de lycéens contre la loi de réforme de l’université dite loi Devaquet sont marquées par des interventions violentes de la police et la mort de Malik Oussekine.
Une partie des congressistes poussait à rejoindre la manifestation qui devait se dérouler à Marseille, ce qui risquait de compromettre le déroulement du congrès. L’intervention de René Rousseau à la tribune puis celle d’Edmond Maire, firent basculer la décision dans le sens de la poursuite des travaux, une délégation participant à la manifestation.
Cette même année il adhéra au Parti socialiste. Il y resta jusqu’en 2017.
En 1984,à la suite du changement de majorité municipale, René Rousseau, se sentant menacé du fait de son activité syndicale,décida de prendre quelques précautions. Pour ne plus dépendre du logement de fonction, Hélène, son épouse,rechercha et obtint un poste à la mairie de Saint-Herblain (Loire-Atlantique) comme concierge d’école. René Rousseau fut affecté par Nantes Habitat à l’entretien des espaces verts. En juin 1984, Jacques Nodin, secrétaire général de la fédération Interco CFDT, lui proposa de travailler à la branche HLM fédérale. Il bénéficia d’ une décharge syndicale à temps complet ce qui lui permit un engagement militant plus sécurisé.
Par son activité, ses contacts, René Rousseau acquit la conviction que les problèmes d’éducation, de santé, de sécurité et de cohésion sociale étaient en lien direct avec les questions de logement, d’habitat et de cadre de vie. Il défendit cette opinion tout au long de son engagement militant pour aboutir à la création de la commission fédérale Ville Habitat Exclusion (VHE) en 1991.
Son activité entraina un développement de la branche HLM par l’investissement de nouveaux militants. L’arrivée, en 1992, d’Alexis Guénégo comme secrétaire généralde la Fédération permit la mise en œuvre d’une véritable pratique revendicative tant sur la politique du logement que sur les problématiques statutaires, au premier rang desquelles figurait la question du statut des gardiens d’immeubles. Cette revendication débouchera sur la création d’un cadre d’emploi reconnaissant leur métier en 1999 (JO du 21 mai 1999).
L’action fédérale se développa en direction des fédérations et offices de l’habitat (OPHLM et OPAC), des ministères concernés et aussi de la confédération CFDT.
En septembre 1994 René Rousseau-Joguet fut nommé dans la délégation CFDT au Conseil économique et social (CES).
Du 21 au 24 mars 1995, il assista au congrès confédéral de Montpellier. Le congrès fut tendu. Un amendement fut déposé contre l’activité confédérale. René Rousseau-Joguet au nom du syndicat CFDT Interco de Loire-Atlantique intervint pour le contrer mais malgré la vigueur de son intervention l’amendement fut adopté.
En 1997, il participa au congrès fédéral de Guidel (Morbihan). Il intervint pour défendre un amendement du syndicat CFDT Interco 44 concernant « la responsabilité de la Fonction Publique et de ses agents dans la défense des droits et libertés individuelles ». L’amendement fut adopté avec 97,3% des suffrages exprimés.
Il débuta un deuxième mandat au Conseil économique et social (CES) en 1999. Lors de cette mandature il participa au rapport du CES« Accès au logement. Droits et réalités ».
Lors du congrès du syndicat CFDT Interco 44 à Nantes en 2003,il quitta la commission exécutive tout en restant au conseil. Il prit sa retraite en 2004. Il participa toutefois aux débats du syndicat lors du referendum sur l’Europe de 2005 et il contribua à la rédaction de la motion d’actualité « Défendre le secteur public de l’habitat c’est défendre le droit au logement, c’est défendre les conditions de la démocratie » présentée par le syndicat lors du congrès fédéral de 2005 avant de se retirer définitivement.
René Rousseau-Joguet milita aussi dans deux associations : Nantes la bleue créée en 1986, un peu avant la fermeture du chantier naval Dubigeon, pour une redynamisation de la ville de Nantes et Droit de cité sur le droit au logement, droit à la ville.
René Rousseau-Joguet se maria avec Hélène Vaillant le 12 août 1968. Hélène travailla d’abord en tant qu’employée de maison puis serveuse dans la restauration avant d’occuper avec René le poste de couple de gardiens à Nantes Habitat. Recrutée à la mairie de Saint-Herblain, en tant qu’agent chargé de la conciergerie des écoles puis de la mairie centrale, elle adhéra à la CFDT.
René et Hélène eurent deux enfants : Serge né en 1970 et Sylvie née en 1972.
René Rousseau-Joguet est titulaire de l’Ordre National du Mérite.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article239639, notice ROUSSEAU-JOGUET René, Jean, Pierre, Marie par Pierre-François Chêne, version mise en ligne le 1er juillet 2022, dernière modification le 1er juillet 2022.

Par Pierre-François Chêne

René Rousseau-Joguet en 1994
René Rousseau-Joguet en 1994

Sources : Entretiens avec René Rousseau-Joguet les 2 février 2019 et 18 janvier 2020. — « Conversation : Rousseau (René) et le contrat social », Ouest France (édition nantaise), 20 octobre 1993. — « Solidarité à l’échelon du district », Ouest France (édition nantaise), 30 mai 1995. — « Coupables et responsables : le drame de l’exclusion sociale », Syndicalisme Hebdo n°2345 supplément n°64, 14 janvier 1993. — « Service public de l’habitat : un enjeu de société », Syndicalisme Hebdo n°2449 supplément n°78, 22 avril 1993. — « Amendement du syndicat Interco CFDT de Loire-Atlantique : la responsabilité de la fonction publique et de ses agents dans la défense et la promotion des droits et libertés individuels », Syndicalisme Hebdo n°2674 pages spéciales n° 303, 4 décembre 1997. — Tracts commission Ville Habitat Exclusion, non datés,« Construire la ville solidaire » et « État d’urgence ». – Romain Villa, Histoire de la Fédération Interco CFDT. Du Front populaireau début du XXIe siècle, Nancy, l’Arbre Bleu Éditions, 2014. — Nicole Prud’Homme, Accès au logement. Droits et réalités, avis et rapport du Conseil Économique et Social, les éditions du Journal Officiel n°2004/2.

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