CESARACCIO Paul [CESARACCIO Paolino, francisé en Paul]

Par Renaud Poulain-Argiolas

Né le 18 mai 1894 à Busachi (province d’Oristano) en Sardaigne (Italie) ; boulanger ; militant socialiste et laïc de Marseille (Bouches-du-Rhône).

Le père de Paolino Cesaraccio, Giovanni Cesaraccio, était originaire de Sassari, ville côtière du Nord de la Sardaigne. Sa mère, Maria Sionis, naquit à Zeppara (dépendant de la commune d’Ales) dans la province d’Oristano (Sardaigne). Le couple avait trois garçons et quatre filles, dont Baptistine (voir Battistina Cesaraccio), qui fut elle aussi militante. De source familiale, les parents Cesaraccio arrivèrent en France avec leurs enfants. Comme leur fille Battistina travaillait déjà en 1917 à l’usine Kuhlmann de L’Estaque (rattaché aujourd’hui au XVIe arrondissement de Marseille), on peut supposer que Paolino aurait suivi ses parents à la même époque. Au début des années 1920, ces derniers étaient domiciliés au 2, place de l’Église, une adresse que la famille conserva bien après que les parents eurent quitté la région. Les Cesaraccio tenaient une cantine à L’Estaque dans laquelle venaient manger les ouvriers des tuileries et de chez Kuhlmann. Dans cette zone à l’activité industrielle intense, les travailleurs immigrés avaient formé des communautés selon leur culture d’origine : corse, algérienne ou italienne. Les Italiens étaient donc nombreux à fréquenter la cantine.

En mai 1923 l’adresse du 2, place de l’Église connut une triste célébrité. Une affaire de cambriolage défraya la chronique locale et fut évoquée dans les colonnes du journal Le Petit Provençal, qui couvrait Marseille et le sud-est de la France. Dans les environs de la gare de L’Estaque, une mystérieuse bande dévalisa des wagons de marchandises en échangeant une quinzaine de coups de feu avec la police ferroviaire. Les cambrioleurs réussirent à s’enfuir, semant derrière eux trois ballots de chaussures d’un poids total de 270 kilos. La brigade de sûreté effectua plusieurs perquisitions, dont une à l’Estaque-Plage chez les parents Cesaraccio. On y découvrit « un lot important de marchandises : bicyclettes, draps, linge, parapluie etc. ». Une partie de ces objets provenait d’un cambriolage. Louise Chessa (née Cesaraccio - sœur de Paul), assistant à la perquisition, aurait couru aussitôt chez elle pour déposer devant la maison une magnéto de valeur. Plusieurs personnes furent arrêtées, dont Maria Sionis (la mère), Louise Chessa et Francesco Chessa, son mari.

En novembre 1923, le Tribunal correctionnel prononça des peines pour recel : quatre ans de prison et cinq ans d’interdiction de territoire français pour un certain Pierre Cesaraccio, présenté comme le mari en fuite de Maria Sionis [Il doit s’agir d’une confusion, car son mari s’appelait Giovanni. En revanche, un de ses fils s’appelait Antoine Pierre], deux ans de prison pour Maria et des peines plus légères pour leurs complices, un couple qui vivait chez eux. Les Chessa avaient été quant à eux relâchés.

On peut se demander si cette affaire influença une partie de la famille dans son choix de quitter la région. Quelques années plus tard, on retrouvait Maria Sionis et deux de ses enfants dans le nord-est de la France. Il semble que le père ne resta pas sur le territoire français. Paul, Louise et Baptistine Cesaraccio demeurèrent toutefois à Marseille. C’est d’ailleurs toujours au 2, place de l’Eglise que cette dernière mit au monde son fils Jean-Marie Argiolas en 1924.

On trouve plusieurs traces de Paolino ou Paul Cesaraccio vivant à Marseille dans les publications de l’époque. On peut faire l’hypothèse qu’il s’agirait d’une seule et même personne : naturalisé français en janvier 1926 (annonce publiée dans le Journal officiel le 12 janvier 1926) et militant socialiste, bien qu’on ignore s’il le fut longtemps. Investi dans la SFIO lors des élections législatives de 1928, Paul Cesaraccio était l’un des nombreux secrétaires-adjoints de la Commission de propagande de Bernard Cadenat, candidat pour la 2e circonscription de Marseille. Celle-ci correspondait aux quartiers populaires de la banlieue Nord de Marseille, dont L’Estaque faisait partie.

Un Paul Cesaraccio milita activement pendant de nombreuses années pour la promotion de la culture et de la laïcité au sein des Amis de l’instruction laïque à Marseille. Le Petit Provençal s’en fait l’écho. En 1929, il était délégué aux cours de broderie (en binôme avec un certain Maurice Cadenat). En 1931, il occupait la même fonction avec un certain Gautier, dans le quartier de la Belle-de-Mai. Membre de la commission des fêtes en 1932, il cumulait les fonctions de délégué aux cours de broderie (avec Gautier) et de délégué aux activités sportives des garçons. En 1935, il partageait la fonction de trésorier adjoint des Amis de l’enfance de la Belle-de-Mai, était trésorier de la commission des fêtes, membre de la commission de la limonaderie et de celle des élections, et, avec d’autres, délégué aux cours de broderie et au cinéma. En 1936, il était toujours trésorier de la commission des fêtes.

À l’occasion de la fête nationale, Le Petit Provençal envoya en 1942 un colis à 400 prisonniers de guerre originaires de la région et détenus par l’occupant. Ces envois faisaient suite à un tirage au sort et furent effectués par la Croix rouge française. Bernard Cesaraccio, frère de Paul et adjudant du 171e RIF, était prisonnier en Allemagne au Stalag VII A, dans les environs de Moosburg (aujourd’hui Moosburg an der Isar, Bavière) sous le matricule 44.116. C’est l’adresse de Paul qui apparaissait comme contact de la famille, le 49, rue Hoche (Marseille, IIIe arr.), près du boulevard National. D’après les souvenirs de sa nièce Élisabeth Argiolas, c’est dans cette rue qu’aurait été située sa boulangerie. [Cette adresse n’existait plus en 2021, le pont de l’autoroute A7 passant à cet endroit.]

On perd par la suite la trace de Paul Cesaraccio.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article239678, notice CESARACCIO Paul [CESARACCIO Paolino, francisé en Paul] par Renaud Poulain-Argiolas, version mise en ligne le 30 mars 2021, dernière modification le 27 février 2022.

Par Renaud Poulain-Argiolas

SOURCES : Journal officiel de la République. Lois et décrets, 12 janvier 1926 (57e année, N°187), p. 493. — Le Petit Provençal, 6 mai 1923 ; 28 novembre 1923 ; 23 mars 1928 ; 22 janvier 1929 ; 26 janvier 1931 ; 19 janvier 1932 ; 15 février 1935 ; 7 février 1936 ; 13 juillet 1942. — Données du site Filae. — Propos recueillis auprès d’Élisabeth Brocca, née Argiolas (nièce de l’intéressé) et Paulette Argiolas.

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