LE DRET Marcel

Par Gilles Pichavant

Né le 22 mai 1897 au Havre (Seine-inférieure, Seine-Maritime), mort le 3 octobre 1942 à Auschwitz (Pologne) ; marin, puis ouvrier métallurgiste ; syndicaliste CGTU puis CGT ; communiste ; résistant, mort en déportation.

Marcel Le Dret naquit le 22 mai 1897 au Havre (Seine-inférieure, Seine-Maritime), chez ses parents, Christophe Le Dret, 29 ans, marin, et Anne Guillou, 22 ans, son épouse, au 41, quai de Saône.

Inscrit maritime au quartier de Morlaix, il fut mobilisé dans la marine le 22 décembre 1916, et affecté comme chauffeur sur un navire de guerre. Mais, suite à un quiproquo, il était également inscrit au bureau du Havre. Appelé à l’activité militaire le 10 janvier 1916 dans le 28e régiment d’infanterie, il manqua donc à l’appel et fut déclaré insoumis le 17 mars. Ce n’est que le 12 février 1926 qu’il fut rayé des contrôles de l’insoumission pour avoir « fait l’objet d’une double inscription ».

Renvoyé dans ses foyers après 36 mois de service, il se retira à Plougasnou (Finistère). Il fut rayé de l’inscription maritime en 1928, mais, depuis 1923, il était retourné au Havre .

Installé à Grand-Quevilly depuis au moins 1928, en 1932 Marcel Le Dret travaillait comme ouvrier perceur aux Chantiers de Normandie à Grand-Quevilly. Membre du Parti communiste, dirigeant la cellule de son entreprise aux côtés d’Eugène Vauchel, Marcel Le Dret fut l’un des dirigeants du Syndicat des Métaux dans sa ville. Après les grèves de 1936, il fut licencié, puis finalement réintégré.

Après l’interdiction du parti communiste, et la dissolution des syndicats dirigés par eux, le 10 novembre 1939, le commissaire de police de Grand-Quevilly adressa au préfet de la Seine-Inférieure un rapport sur les menées communistes dans les principales usines de première catégorie. Pour les Chantiers de Normandie, il désigna Désiré Marchand et Marcel Le Dret – mobilisés dans leur entreprise comme « affectés spéciaux » – comme ouvriers présumés communistes.

Le 14 décembre suivant, Marcel Le Dret fut arrêté sur dénonciation pour distribution de tracts aux Chantiers de Normandie. Il fut écroué, mais la procédure judiciaire se clôtura par un non lieu, « les témoins à charge s’étant rétractés ». Libéré, il fut licencié des Chantiers de Normandie, à la demande du préfet.

En avril 1940, ayant été embauché par une entreprise du Nord, il travailla un temps sur un chantier de cette entreprise à Grand-Quevilly. Mais cela ne dura pas, et, au début mai, il fut affecté comme riveur aux établissement Maillard, fabricant de cycles à Incheville (Seine-Maritime, Seine-Inférieure), à 100 km de chez lui, tout au nord du département.

Au début de l’occupation, revenu à Grand-Quevilly, il fit l’objet d’une notice individuelle établie par le commissariat central de Caen, le 3 octobre 1940, qui nota : « Élément suspect à tous égard. À surveiller ». Mais malgré plusieurs perquisitions, la police ne trouva rien de compromettant à son domicile, au 226, rue Alfred-de-Musset, à Grand-Quevilly.

Le 4 mars 1941, suite à la découverte de papillons communiste apposés à Petit-Quevilly, près des établissements Bozel-Malétra, puis rue Jean-Jaurès, et place Waldeck-Rousseau, il fut soupçonné de les avoir collé. Les papillons portaient divers entêtes, comme « à bas la presse vendue, boycottez-là », « Le parti communiste veut une retraite pour les vieux », avec les mentions « Adhérez au parti communiste », et « Lisez l’Humanité (clandestine), reproduisez-là, faites-là circuler ». Ils étaient préencollés, ce qui rendait leur pose rapide. Le policier arriva à la conclusion que Marcel Le Dret procédait ainsi : Au cours de son trajet pour se rendre au travail, il s’arrêtait dans un bistrot où aux vespasiennes. Il déposait sa bicyclette dans un coin sombre, et, au moment du départ, il procédait au collage. A cette époque il était employé en qualité de charpentier à l’aérodrome de Boos (Seine-inférieure, Seine-Maritime, par les autorités allemandes

Le 31 mars 1941, un inspecteur principal adressa au commissaire divisionnaire de police spéciale de Rouen un rapport sur l’ « Activité communiste dans le canton de Grand-Couronne », selon lequel ce parti, « un des plus importants et des mieux organisés n’a de cesse, malgré sa dissolution, son activité clandestine dans les localités de Petit-Quevilly, Grand-Quevilly, Petit-Couronne et Grand-Couronne ». Parmi les éléments communistes désignés, le chapitre concernant Marcel Le Dret reprenait les informations du rapport du 4 mars. L’analyse de l’activité clandestine se concluait ainsi : « …les éléments communistes du parti dissous s’emploient par tous les moyens et sous toutes les formes clandestines à entraver l’action gouvernementale du maréchal Pétain. C’est ainsi que les chefs de l’ancien parti ont le mot d’ordre de faire une propagande « Degaulliste » en la développant sous des formes ou des actes les plus divers ».

Le 4 août suivant, répondant à une note du préfet de Seine-Inférieure datée du 22 juillet, le commissaire principal de police spéciale de Rouen transmit à celui-ci une liste nominative de 159 militants et militantes communistes de son secteur dont il préconisa de prononcer l’internement administratif dans un camp de séjour surveillé, tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et « par tous les moyens ». Dans cette liste il y avait Marcel Le Dret. Le 22 octobre 1941, il fut arrêté lors de la grande rafle des adhérents communistes et syndicalistes de l’agglomération rouennaise.

Il fut interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), où il fut enregistré sous le matricule n° 1894. Depuis ce camp, il écrivit trente-cinq lettres à sa famille. D’après une signature portée sur un menu du repas de Noël 1941, Marcel Le Dret était assigné au bâtiment A2, chambre 8, avec Émile Billoquet, Jean Binard, Michel Bouchard, Honoré Brieu, Albert Champin, Émile Fromentin et Julien Villette. Lors de ce réveillon, il chanta en breton dans la chorale, faisant bien rire ses camarades.

Entre fin avril et fin juin 1942, Marcel Le Dret fut sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler. Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus furent conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train partit une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Le voyage dura deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrirent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Marcel Le Dret fut enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I), peut-être sous le numéro 45757, selon les listes reconstituées. Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants furent entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passèrent la nuit. Le lendemain, vers 7 heures, tous furent conduits à pied au camp annexe de Birkenau.

Marcel Le Dret mourut à Auschwitz le 3 octobre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

À Grand-Quevilly, le nom de Marcel Le Dret est inscrit parmi les morts en déportation sous la plaque de la rue des Martyrs de la Résistance. Il fut homologué comme « Déporté politique » (26 juin 1963, carte n° 1176 0020).

Le 23 août 1923, au Havre, Marcel Le Dret s’était marié avec Jeanne Mahé, née le 24 juillet 1900 à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). Ils eurent cinq enfants : Jean, né le 25 juillet 1923, Marcel Aimé, dit « Mémé », né le 24 août 1925, tous deux au Havre, ensuite René, né le 9 octobre 1928, Marc, né le 12 juin 1930, et Micheline, née le 3 août 1940, tous trois à Grand-Quevilly (76), au sud-ouest de l’agglomération de Rouen, dans la boucle de la Seine.

La mention « Mort en déportation » est apposée sur l’acte de décès de Marcel Le Dret (J.O. du 9-04-1994).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article239736, notice LE DRET Marcel par Gilles Pichavant, version mise en ligne le 2 avril 2021, dernière modification le 2 avril 2021.

Par Gilles Pichavant

SOURCES : Site Mémoire Vive sur les “45000” et “31000”, biographie de Marcel Le Dret. — Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 375 et 410. — Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Seine-Maritime (2000). — Archives départementales de Seine-Maritime (AD 76), archives en ligne : registre des naissances du Havre pour le 1er semestre 1897, cote AE 13045, acte n° 1724 (vue 444/624) ; registre matricule du recrutement militaire, bureau du Havre, classe 1917 (cote 1 R 3425), matricule 2118 ; cote 1M 305. — Arch. Dép. du Finistère, archives en ligne, registre matricule 4262, classe 1917. — Catherine Voranger, petit-fille de Louis Jouvin : témoignage de Pierre Jouvin messages (02-2013) ; copie d’un rapport de police ayant été conservé par Louis Jouvin, message (04-2013) ; témoignage de Marc Le Dret, petit-fils de Marcel Le Dret recueilli le 20-11-2015). — Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 238 (34124/1942), « Dret Le ».

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