FRÉCHARD Charles. Pseudonyme : ALEXANDRE Albert, Ernest Marius Ricard, André Giroud

Par René Lemarquis, Jean Maitron, Claude Pennetier, Marie-Cécile Bouju

Né le 15 mars 1898 à La Petite-Raon (Vosges), mort le 21 juillet 1981 à Clamecy (Nièvre) ; tourneur sur métaux ; syndicaliste confédéré puis unitaire ; militant socialiste (1920), puis communiste des Vosges, de Haute-Marne, de l’Aube puis de Paris, secrétaire de la Région troyenne du Parti communiste (1929-1930), secrétaire d’André Marty (1934-1947), dirigeant communiste du XIIIe arr. de Paris ; déporté en Allemagne.

Charles Fréchard vers 1950, SHD.
Charles Fréchard vers 1950, SHD.

Les parents de Charles Fréchard, le père garde forestier, la mère tisserande, avaient connu des conditions de vie « très misérables ». Ils avaient eu quatre enfants et ne possédaient que « quelques lopins de terre, restes d’une faillite survenue dans le commerce du bois ». Dans son autobiographie, Charles Fréchard expose longuement les activités et opinions des membres de sa famille : ses deux sœurs, son frère, ses grands-parents, oncles, tantes, etc. Il fréquenta l’école primaire jusqu’à l’âge de treize ans et obtint le certificat d’études primaires.

Charles Fréchard commença à travailler en 1912 comme apprenti mécanicien à Senones (Vosges) chez un cousin, puis fut bucheron au début de la guerre. En 1915 il vint travailler dans la région parisienne comme tourneur sur métaux en particulier chez Renault et Salmson. Il fit son service militaire de 1917 à 1920 pendant trois ans et demi dans l’artillerie de campagne et servit au front huit mois. Il affirmait avoir refusé, en 1919, de faire partie d’un corps expéditionnaire formé à Cherbourg pour Arkhangelsk. En 1918-1919, Charles Fréchard était au Palatinat dans l’armée française d’occupation. En 1920 il fit, une « active propagande » auprès des ouvriers du Parc d’artillerie de Marseille. À sa libération, il reprit un travail de contremaître dans l’entreprise de Senones où il avait été apprenti mécanicien, puis il partit à Joinville (Haute-Marne) durant deux années et enfin à Troyes (Aube) comme tourneur-ajusteur. Il épousa le 13 août 1921 Jeanne Adam, fille unique d’ouvriers de filature, qui exerçait la même profession avant de devenir sténodactylo puis de retourner, victime de la répression à l’égard de son mari, travailler à la filature. Ils eurent un fils en 1929.

Charles Fréchard adhéra en juillet 1920 au Parti socialiste unifié dès sa libération du service militaire en s’adressant directement au siège national du parti. La fédération des Vosges le mit en contact avec la section de Moyenmoutier qui resta à la SFIO après le congrès de Tours. Ayant décidé d’adhérer à la SFIC, il passa à la section de Saint-Dié et tenta de faire vivre une section communiste à Senones pendant six mois avant son départ en Haute-Marne. À Joinville il fut secrétaire de la section et membre du comité fédéral jusqu’à son arrivée à Troyes. Il y fut alors secrétaire de la cellule de son usine, membre du comité fédéral de l’Aube et du comité régional où il était secrétaire de la commission syndicale régionale de 1925 à 1929. En 1929, il devint secrétaire de la région troyenne du PC et le resta jusqu’en septembre 1930, date à laquelle il partit comme étudiant à l’ecole léniniste internationale (ÉLI). En même temps que secrétaire régional il était responsable politique de La Dépêche de l’Aube et de l’Agit-Prop. À l’intérieur du parti, il fut impliqué dans les péripéties qui aboutirent à l’exclusion de René Plard* de 1928 à 1930.

Dans son autobiographie Charles Fréchard déclarait avoir « résisté avec la majorité du comité régional de l’Aube à l’application de la tactique classe contre classe et voté le retrait de notre candidat (pour) le radical Robert » en 1928. Bien que n’ayant participé alors à aucun travail fractionnel il avait « suivi les responsables Oudin, Plard et Cuny » (voir aussi Justin Oudin* et Marcel Cuny*) qui, eux, menaient selon lui un tel travail. Il reconnut son erreur lors d’une conférence départementale présidée par André Ferrat. Déchargé de ses fonctions à la commission syndicale, il resta au comité régional et en devint secrétaire en août 1929. Il figurait sur la liste des candidats communistes aux municipales de 1929. Après les élections sénatoriales d’octobre 1929, Charles Fréchard, au nom de la direction nationale du parti, demanda à René Plard* la remise de son mandat de conseiller général mais il échoua (février 1930). En juillet 1930, une première exclusion de Plard provoqua des réactions violentes des communistes troyens contre Fréchard, et lorsqu’en août eut lieu la discussion à Paris sur cette exclusion ; celle-ci fut annulée. Sylvan (voir Sylvan Péronnet*) remplaça Fréchard au secrétariat régional et ce dernier fut nommé pendant quatre mois secrétaire de la 21e Union régionale unitaire.

Sur le plan syndical, Charles Fréchard avait été en 1921 à l’initiative de la création d’un syndicat du textile à Senones. En Haute-Marne en 1923, il adhéra au syndicat confédéré où il mena « un travail d’opposition », puis, à partir de 1924, fut membre du Syndicat unitaire des métaux de Troyes. Par ailleurs Fréchard eut l’occasion de faire, dit-il, un « travail de fraction » dans la Fédération troyenne des mutilés du travail contre l’opportunisme de sa direction ainsi que dans le Syndicat des locataires où, membre du bureau, il put « déloger les réformistes et pupistes ». Il participa au « travail anti » illégal lors des manœuvres de réservistes en juillet 1929 au camp de Mailly. Appréhendé par la police le 1er août 1930 il n’eut qu’une contravention.

Désigné comme élève à l’École léniniste internationale, Charles Fréchard remplit, à son arrivée à Moscou le 1er septembre 1930, un questionnaire sous le pseudonyme d’Albert Alexandre. Les appréciations portées sur Fréchard à l’École ne furent pas très enthousiastes. On y reconnut certes son assiduité, sa bonne élaboration de matériel, son attachement et son dévouement, mais on déplorait ses difficultés à « tirer de justes conclusions lesquelles ne sont pas toujours suffisamment réfléchies », l’incompréhension de « certains points de construction du socialisme (particulièrement en ce qui concerne les conditions de vie de la classe ouvrière) ». Auguste Havez* parle « d’intelligence moyenne » et Henri Barbé « d’intelligence au-dessous de la moyenne ». Il n’aurait « pas de grande capacité pour l’organisation ni pour le travail de masse ». Barbé juge qu’ayant commis « dans sa région des fautes sectaires… il ne s’est pas complètement débarrassé de ses faiblesses ». Sans « spécialité définie, il pourrait être un dirigeant de rayon industriel ou d’une région de moindre importance ». Pendant l’Occupation, la police connaissait sa participation à l’ELI de 1930 à 1933.

Après l’ÉLI, Charles Fréchard s’installa à Paris en 1933 et devint, dès février 1934, le secrétaire d’André Marty. Il l’aida dans ses travaux municipaux jusqu’en juin 1936, puis dans ses travaux parlementaires. Domicilié dans le XIIIe arr. – fief de Marty* – il fut secrétaire à l’organisation de la section communiste. En 1937, le comité de section était ainsi composé (Arch. Marty) : secrétariat politique : Ferdinand Destrem, Le Rohic* ; secrétariat à l’organisation : Louis Le Corre*, Charles Fréchard ; finances : Alphonse Dubois*, Gabriel Bigot ; Agit-Prop. : Abel Demory ; Agit-Prop. pour les entreprises : Debauve*, Cozic*, Marcel Imbert*, Genty*, Hureau Bascher* ; action municipale : René Le Gall*, André Marty*, Lucien Monjauvis*, Jean Ferrandi*, Barre*, Charles Fréchard ; organisations de masse : Moucaus* (ou Moucais), Barre*, Cozic*, Debauve* ; Front populaire : René Le Gall* ; comité d’entente : Ferdinand Destrem ; éducation : Pokorski* ; contrôle de la presse des cellules : Chiquois*, Abel Demory, Lucas* ; comités de défense de l’Humanité : Lucas* ; Vie du 13e : Lucien Monjauvis*, Debauve*, Abel Demory, Lucas* ; mutations, adhésions : Peschard* ; édition, ronéo : Lafosse* ; archives : Chaput*, Peschard* ; diffusion, collages, distribution, correspondance : Suzanne Chaput ; littérature : Valy* ; enfance : Jean Ferrandi* ; femmes : Michel Louis* , Souriau*, Binier ; jeunes filles : Dherbise*, Fanalette* ; Jeunesses communistes : Dugué* ; coloniaux : Aitamer*, Azzopardi* ; relations avec l’Eure-et-Loir : Dudal* ; Espagne : Amiot*, Azzopardi* ; gestion des locaux : Michel Louise*, Barre*, Lafosse*, Alphonse Dubois* ; responsable du quartier Maison-Blanche : Jean Ferrandi* ; Croulebarbe : Trosset* ; Gare : Roland Carcas ; Salpêtrière : Azzopardi*.

Non mobilisé en septembre 1939, Charles Fréchard travailla dans diverses usines. Son domicile, situé 14 rue Lahire, subit plusieurs perquisitions, en particulier le 27 septembre 1939, mais Fréchard avait caché ses documents chez un voisin mobilisé, le militant communiste Louis Chaput. Un habitant de l’immeuble signala ses va-et-vient d’un appartement à l’autre à la police, qui perquisitionna et l’arrêta au début de l’année 1941. Il s’évada du camp de Fort-Barraux (Isère) le 7 juin 1941.

Dans la clandestinité, il a travaillé comme porteur de charbon et manœuvre dans le bâtiment. Politiquement, il fut chargé de la diffusion de la propagande du PCF et du Front national dans la région lyonnaise, sous le pseudonyme de Ricaud, puis dans la vallée de la Garonne sous le nom de Giroud. Puis il fut travaillant dans une imprimerie clandestine, au Hameau du Chassis, dans la Drôme, dirigée par André Aversenq.

Arrêté le 2 septembre 1943 à La Roche-du-Glun près de Tain-l’Hermitage (Drôme), avec Aversenq, Louis Imbert et Michèle Domenech, il séjourna dans plusieurs prisons avant d’entrer le 18 août 1944 au camp de Compiègne d’où il partit en déportation en Allemagne, à Dachau. L’avance américaine le libéra le 30 avril 1945. Il rentra en France par la Suisse le 2 juin 1945.

Charles Fréchard redevint secrétaire parlementaire d’André Marty* qu’il jugeait « exigeant et brutal » (entretien du 25 août 1976). De son côté, Marty* le qualifiait sévèrement et trouvait son comportement « ultra sectaire ». Aussi se sépara-t-il de lui en 1946 (Arch. Marty, note du 1er juin 1956). Charles Fréchard affirme qu’il quitta lui-même Marty pour être secrétaire du groupe parlementaire du Conseil de la République. Marty lui demanda de travailler à nouveau à son service en 1947 mais cette nouvelle expérience ne dura que quelques mois. Retourné à l’usine, il assura le secrétariat de la section communiste et du comité d’entreprise de la SNECMA jusqu’à son licenciement en 1950. Après un passage de deux ans chez Renault, Charles Fréchard entra dans une entreprise qui devint Thomson CFS et y travailla jusqu’à sa retraite en 1963.

Charles Fréchard resta trente-quatre jours à la prison de la Santé après la manifestation du 28 mai 1952 contre le général américain Ridgway. L’ancien secrétaire de Marty* approuva et alimenta par son témoignage les accusations portées contre André Marty* à partir de mai 1952, comme il se félicita de la subtilisation par son successeur Jacques Kahn* de « plusieurs valises de documents ayant trait à l’activité du PCF que Marty comptait sans doute utiliser contre le Parti » (lettre du 26 août 1976). Mais, à la différence de Kahn* qui écrivit dans ses souvenirs : « Ce qu’on aurait absolument dû éviter à son égard [de Marty], ce furent les imputations calomnieuses, le qualifiant de policier, sans rapport avec les faits établis » (Persiste et signe, p. 131), Charles Fréchard affirmait encore en août 1976 à Jean Maitron : « Toute sa carrière politique [de Marty] a donc été basée sur le mensonge, sur une gloire non méritée après qu’il se fut désolidarisé de la révolte. Sur ce piédestal usurpé, étant entre les mains de la police, il est monté jusqu’à la direction du PCF et de la IIIe Internationale. Belle carrière d’un pauvre type. »

Retiré à La Chapelle-Saint-André (Nièvre), Charles Fréchard cultiva son jardin tout en assurant le secrétariat de la cellule communiste locale et de la section FNDIRP (Fédération nationale des déportés, internés, résistants et patriotes) de Clamecy. Après sa mort, son corps fut inhumé dans son village natal.

Son épouse, Jeanne Adam, avait été arrêtée en 1941 et internée jusqu’à la Libération. Elle travailla comme sténodactylo au service de publicité des journaux communistes.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article23993, notice FRÉCHARD Charles. Pseudonyme : ALEXANDRE Albert, Ernest Marius Ricard, André Giroud par René Lemarquis, Jean Maitron, Claude Pennetier, Marie-Cécile Bouju, version mise en ligne le 27 décembre 2008, dernière modification le 6 août 2021.

Par René Lemarquis, Jean Maitron, Claude Pennetier, Marie-Cécile Bouju

Charles Fréchard vers 1950, SHD.
Charles Fréchard vers 1950, SHD.

ŒUVRE : « Les compagnies spéciales de travailleurs indésirables durant la drôle de guerre », Notre Musée, n° 41, décembre 1970 (Association pour la création d’un Musée de la Résistance).

SOURCES : Arch. A. Marty (J. Maitron, B XIX, P. VI et note Marty, 1er juin 1956). — RGASPI, 495.270.672 : Questionnaires biographiques des 16-08-1930 et 1-09-1930 ; Dossier ELI ; Autobiographie du 1-06-1932. — SHD GR 16 P 234217. - La Dépêche de l’Aube, 1926-1932. — L’Humanité, 26 mai 1956. — Le XIIIe arrondissement de Paris du Front populaire à la Libération, Paris, 1977. — Danielle Tartakowsky, Écoles et éditions communistes, 1921-1933. Essai sur la formation des cadres du PCF, thèse de 3e cycle, Paris VIII, 1977, 2 vol. — Lettre de Ch. Fréchard à Jean Maitron, La Chapelle-Saint-André, 26 août 1976. — Entrevue avec Jean Maitron, La Chapelle-Saint-André, 25 août 1976.

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