JALABERT Émile, Paul

Par Jean-Marie Guillon

Né le 1er janvier 1908 à Montagnac (Gard), exécuté en mai 1944 à Marseille (Bouches-du-Rhône) ; représentant de commerce, commerçant ; agent du Sipo-SD de Marseille.

Agent d’Ernst Dunker Delage de la section IV du Sipo-SD de Marseille et exécuté par ses employeurs, Jalabert a été identifié avec difficulté après la Libération. Police et gendarmerie, en le recherchant, ont tâtonné, l’ont confondu avec d’autres Jalabert dans l’Hérault, la Corrèze ou la Seine, avant que son identité ne soit assurée en 1946. Originaire du Gard, il aurait vécu à Avignon (Vaucluse) où ses parents auraient tenu un commerce de fruits et légumes, puis à Châteaurenard (Bouches-du-Rhône) avant de s’établir à Marseille, rue Saint-Jacques. Si les renseignements de la Surveillance du territoire sont exacts, il aurait travaillé comme acheteur de fruits et légumes dans le Midi pour des grossistes parisiens (la maison Chastaignier et, pour une affaire de noix, les maisons Demoy et Potin en 1941-1942). D’après Louis-Frédéric Ducros, il serait devenu marchand des quatre-saisons à Charleval (Bouches-du-Rhône). La police ne lui a pas connu pas d’engagements politiques, mais, en revanche, il avait à son casier quatre condamnations pour escroquerie et abus de confiance, dont la dernière par le tribunal d’Aix-en-Provence, le 10 novembre 1936, pour chèque sans provision. Mais, son dossier judiciaire ayant été réclamé par les Allemands le 26 juin 1943, la police ne possédait pas d’autres précisions. C’est sans doute peu après son entrée au service de la section IV (Gestapo) du Sipo-SD de Marseille qu’il prit contact en mai 1943 avec Yvette Coustal, chanteuse de cabaret à Marseille. Se disant juif cherchant à passer en Afrique du Nord, elle le mit en relation avec Jean-Marie Fournier, membre du réseau de Fred Brown de l’OSS (Office of Strategic Services). S’infiltrant dans le réseau, connu comme « Jean le Marseillais », il dénonça le groupe de résistants (appartenant aussi aux Francs-tireurs et partisans) envoyé au hameau de Tastevin, commune de Thines (Ardèche) en juillet en attente de parachutage et conduisit le détachement allemand chargé de le circonvenir, le 4 août 1943. Cette attaque qui se solda par la mort de six maquisards fut l’un des premiers affrontements sanglants entre Allemands et maquisards. À Marseille, Jalabert faisait partie des hommes de Ernst Dunker dit Delage, membre le plus actif de la section IV du KdS. Immatriculé Me 129 d’après la fiche du SD qui a été retrouvée, il faisait équipe avec Léon Brown alias Brunet, ancien responsable des Groupes francs des Mouvements unis de la Résistance, arrêté dans le cadre de l’affaire Flora et passé au service de Dunker. Léon Brown n’avait aucun rapport avec Fred Brown. C’est ensemble que Brown et Jalabert infiltrèrent peu après le groupe de l’abbé Louis Blanc qui faisait passer des résistants en Espagne en liaison avec le réseau américain Wi Wi. Se prétendant parachutés, les deux hommes jouèrent ce double jeu un mois durant et introduisirent Marcel Pavia, responsable des Français – en fait des PPF exfiltrés de Tunisie - du Sonderkommando AS à Marseille, auprès de l’abbé en le faisant passer pour le lieutenant-colonel Bonetto, parachuté lui aussi par Alger. Ce Sonderkommando était une équipe spéciale chargée de la lutte contre les réseaux alliés. Pavia demanda à l’abbé d’organiser une réunion avec ses hommes et des responsables de la Résistance. Cette réunion permit l’arrestation d’une douzaine de membres de la filière et d’éléments de l’Armée secrète (AS), le 27 août. Jalabert participa aux interrogatoires. Leur exploitation entraina d’autres arrestations en septembre au sein de l’AS, une douzaine, dont celle du chef départemental de l’organisation, que Jalabert effectua avec Pavia notamment. Mais il continuait aussi à traquer le réseau américain de Fred Brown. Il put connaître la boite aux lettre de Raymond Vincent alias Dick, ce qui permit son arrestation le 10 septembre 1943 et, au début octobre, il était à Montélimar (Drôme) avec d’autres éléments du Sonderkommando AS pour arrêter plusieurs membres du réseau (André Issartial, le comte d’Andigné, le garagiste Lattard, etc.). Il participa aussi à l’arrestation du capitaine Morange, chef du poste du contre-espionnage à Marseille, le 11 décembre, avec Jean Multon dit Lionel et Charles Olivieri en décembre 1943. Le poste que dirigeait Morange était connu par les services du colonel Paillole, dont il faisait partie, comme le poste TR ancien Glaïeul. Morange rejoignit le colonel Mollard, patron du CDM (Camouflage du matériel) dans les geôles du 425 rue Paradis. Il affirma avoir convaincu Brown et Jalabert, associés à Blanche Dimeglio, de les faire évader moyennant finances. Le projet fut sans doute éventé et les deux hommes prirent la fuite le 29 janvier 1944. Jalabert fut arrêté à la frontière espagnole. Prévenu, Dunker vint le récupérer à la prison de Perpignan (Pyrénées-Orientales). Jalabert proposa de dire où se trouvait Brown à Paris. Il s’y rendit avec Dunker, Tortora et Olivieri. Les diverses adresses qu’il avait se révélèrent fausses, mais il se souvint du bureau des postes, boulevard Haussmann, où Brown retirait son courrier. C’est ainsi que Brown fut arrêté. Jalabert tenta de fuir pendant la perquisition chez lui. Les deux hommes furent ramenés à Marseille. Interrogés par les policiers Pfanner, chef en titre de la section IV, et Hellwing, qui lui succèdera, ils furent passés par les armes fin mai 44 ou début juin 1944. Leurs corps ne furent pas retrouvés, peut-être avaient-ils été jetés dans le Vieux-Port comme le fut quelques temps après celui du résistant Jean Grimaldi ?

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article239986, notice JALABERT Émile, Paul par Jean-Marie Guillon, version mise en ligne le 13 avril 2021, dernière modification le 13 avril 2021.

Par Jean-Marie Guillon

SOURCES : SHD GR 28 P 9 1083, dossier Léon Brown. — Arch. dép Bouches-du-Rhône 55 W 115 (dossier Dimeglio), 58 W 20 (dossier Dunker). — Louis-Frédéric Ducros, Montagnes ardéchoises dans la guerre, tome II, Valence, 1977, p. 111 et suiv. — Sylvain Villard, 1943, Les sacrifiés de La Fournache, Coux, ex-libris A∑, 2011. — Guillaume Vieira, La répression de la Résistance par les Allemands à Marseille et dans sa région (1942-1944), Aix-en-Provence, Université d’Aix-Marseille, 2013. — renseignements et notes François Le Goarand de Tromelin.

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