HUBER François, Jacques, Henri

Par Clotilde Bigot

Né le 21 mai 1913 à Paris, fusillé le 15 août 1944 à Nant (Aveyron) ; directeur des Établissements Brun à Arre (Gard) ; résistant de l’ORA (Organisation de Résistance de l’Armée).

François Huber (1913-1944)
Portrait de François Hubert (©Collections École polytechnique). Photographie Paul Darby)

François Huber (que l’on peut trouver orthographier Hubert, mais l’acte de décès l’orthographie bien Huber) était issu d’un milieu très favorisé. Il était le fils de Julien, Charles, Armand Huber, né en 1885 dans la Somme, médecin des hôpitaux de Paris, et de Cyprienne, Alphonsine Fournier, née en 1886 en Seine-et-Oise (aujourd’hui les Yvelines), sans profession. La famille Huber est recensée en 1931 au 36 rue du Colisée, dans le 8e arrondissement de Paris, non loin de l’avenue des Champs-Élysées. François Huber était alors étudiant à l’École polytechnique. Son frère aîné Jean, né en 1911 à Paris, faisait des études de médecine, et son petit frère Pierre, né en 1914 à Paris, était également étudiant. Le 1er octobre 1933, François Huber entra comme élève à l’École polytechnique et devint engagé volontaire pour trois ans. Il y côtoya Max Barel résistant communiste, fondateur de l’Union des cadres industriels de la France combattante, mort sous la torture le le 11 juillet 1944 à Lyon (Rhône) et Maurice Rousselier qui devint chef régional FFI de la R 5 au printemps 1944. Le 25 novembre 1935, il fut nommé sous-lieutenant et affecté dans les services de l’artillerie à l’École d’application de l’Artillerie et du Génie. à Fontainebleau (Seine-et-Marne), l’école militaire de l’École polytechnique. La famille employait une gouvernante, un valet de chambre et une cuisinière. En 1936, François Huber était recensé chez ses parents, il était alors toujours sous-lieutenant d’artillerie à l’École d’application de l’Artillerie et du Génie. Il s’installa ensuite dans le département de la Manche où il se maria le 18 août 1937 avec Françoise Peyre à Bréville-sur-Mer. Selon Gaston Laurans, le couple aurait eu quatre enfants.

François Huber arriva entre 1937 et 1944 à la direction des établissements Brun d’Arre, entreprise de fabrication de bas au rayonnement international, situés dans le village d’Arre (Gard), à quelques kilomètres du Vigan (Gard) et non loin de Mandagout (Gard) où le pasteur Georges Gillier fonda en 1943 le maquis des Corsaires (qui s’appelait alors maquis de Mandagout). Il fut placé en congé d’armistice ke 22 septembre 1940 et promu capitaine le 25 juin 1942.

Selon Georges Gillier, cité par Gaston Laurans dans Nant au mois d’août 1944, le contact aurait été pris avec François Huber immédiatement après l’installation des Corsaires à Nant : « Le 6 août, je pars avec Dalmas à La Selve, rendre compte au Colonel du mouvement exécuté. Nous sommes accompagnés du Capitaine Huber que j’ai contacté au Vigan et qui voudrait entrer dans le bain ; comme nous n’avons pas de place pour lui aux Corsaires, il vient offrir ses services au Colonel ». Ce témoignage pourrait laisser supposer que des contacts antérieurs avaient pu être établis entre François Huber et les Corsaires, ce qui paraît plausible étant donné la proximité géographique de Mandagout et d’Arre. Par ailleurs, il pose la question du statut du capitaine Huber : puisqu’il ne vit pas au Mas des Pommiers il ne peut être considéré comme un membre du maquis des Corsaires. Le colonel mentionné par Georges Gillier est certainement le colonel Schumacher (ORA) qui fit partie de l’état-major FFI à partir du 14 août (il devint adjoint à Gilbert de Chambrun, dit « colonel Carrel », qui représentait les MUR, Mouvements Unis de la Résistance, issus de la fusion décidée le 26 janvier 1943 des trois grands mouvements de la résistance non communiste de zone sud : Combat, Libération et Franc-Tireur). Se rendant à La Selve (village situé au sud de Rodez, à la limite de l’Aveyron et du Tarn et quartier général de l’ORA), François Huber passa-t-il dans l’illégalité ou conserva-t-il une couverture légale en gardant ses fonctions de directeur des établissements Brun d’Arre ? C’est ce que semble suggérer Gaston Laurans qui le présente à ce poste lorsqu’il relate sa mort : « il [Georges Gillier] reconnait le Capitaine Huber, ancien élève de l’École Polytechnique, marié, 4 enfants, directeur des Établissements Brun à Arre ». Il est difficile d’aller plus loin en l’état actuel de la documentation. À défaut de ne pouvoir définir son rôle précis, on peut tout de même affilier François Huber à l’ORA, organisation qu’il a intégré avec le grade de capitaine (ou qu’il a pu aussi obtenir à titre posthume par homologation).

Quoi qu’il en soit, le capitaine Huber fut l’une des victimes de la répression allemande lors des journées des 14-15 août 1944 à Nant. Il fut arrêté par les Allemands le lendemain de l’accrochage avec le groupe de Corsaires qui rentraient d’une mission de sabotage au Pas de l’Escalette (Hérault) alors qu’il revenait à motocyclette d’une mission, peut-être de liaison, à Rodez (Aveyron). Selon Christian Font et Henri Moizet, il aurait été fait prisonnier au mas des Pommiers, c’est-à-dire sur le lieu du cantonnement du maquis attaqué par les Allemands le 15 août très tôt le matin. D’après les témoignages recueillis par Gaston Laurans, François Huber assista vers 16 heures au passage du cortège funèbre de Charles Causse, fusillé devant sa maison le 14 août avec Paul Pagès. Il aurait alors tenté de rentrer en contact avec la population présente en tambourinant sur le véhicule près duquel il était gardé et en jetant un bout de papier sur lequel il aurait noté quelques mots (il convient de rester prudent quant à la véracité de ces faits puisque Gaston Laurans recueille ces témoignages à la fin des années 1960, soit presque vingt ans après les faits). Toujours selon les témoignages d’un couple d’habitants, François Huber fut exécuté dans la soirée du 15 août, vers 21 heures, de deux balles dans leur jardin. Sa dépouille fut enterrée dans ce même jardin et son corps fut retrouvé le lendemain matin par le villageois. Ce fut Georges Gillier qui l’identifia le 17 août en revenant à Nant pour prendre connaissance des événement des 14-15 août 1944. Le même jour, le sous-préfet de Millau transmit au maire de Nant, sur autorisation des autorités allemandes, le droit d’inhumer les corps des victimes dans le cimetière communal de Nant. En 1952, son corps fut rapatrié au cimetière de Chérence (Val-d’Oise) dans le caveau familial.

Son nom est inscrit sur la plaque commémorative des victimes des 14-15 août 1944, place du Claux à Nant ainsi que sur le monument des résistants de Sainte-Radegonde, situé à l’emplacement du lieu d’exécution de trente prisonniers de Rodez (Aveyron) le 17 août 1944. Dans le Gard, son nom figure à Arre sur une plaque offerte par les Établissements Brun, située dans l’église, et sur le monument aux morts du village ainsi que sur celui du Vigan. Il figure également sur deux monuments commémoratifs de l’École polytechnique, dans le 5e arrondissement de Paris et à Palaiseau (Essonne), et sur le monument aux morts de Chérence (Val-d’Oise). Il a obtenu la mention Mort pour la France.

Voir : Nant (Aveyron), 14 et 15 août 1944

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article240000, notice HUBER François, Jacques, Henri par Clotilde Bigot, version mise en ligne le 13 avril 2021, dernière modification le 31 mars 2022.

Par Clotilde Bigot

François Huber (1913-1944)
Portrait de François Hubert (©Collections École polytechnique). Photographie Paul Darby)
Nant. Plaque commémorative des victimes des 14 et 15 août 1944, place du Claux ;
Photo : Clotilde Bigot, 24 février 2021

SOURCES : Arch. Dép. Aveyron : 1493 W 170, 217 W 6. — Arch. Dép. Paris : 8 N 165 (acte de naissance n°892), D 4 M 2 442, D 2 M 8 386 (recensement 1931), D 2 M 8 571 (recensement 1936). — Arch. com. Nant : acte de décès n°21 (registre état civil 1936-1945). — Service historique de la Défense, Vincennes : GR 16 P 297590 (non consulté). — Christian Font et Henri Moizet, Construire l’histoire de la Résistance. Aveyron 1944, CDDP Rodez – CDIHP Aveyron, CRDP Midi-Pyrénées, 1997, pp. 212-213. — Gérard Bouladou, Les maquis du Massif Central méridional : Ardèche, Aude, Aveyron, Gard, Hérault, Lozère, Tarn, 1943-1944, Nîmes, Éd. C. Lacour, 2006, pp. 402-405. — Gaston Laurans, Nant au mois d’août 1944, 1969, Rodez, Imprimerie Carrère, pp. 41-43. — Aimé Vielzeuf, Ardente Cévenne, Nîmes, Imprimerie Bené, 1973. — Notice François Huber parue dans Mémorial de la promotion 1933, École polytechnique, 1997. — Sites internet : monumentsmorts.univ-lille.fr, consulté le 22 février 2021 ; memorialgenweb.org, consulté le 22 février 2021.

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