ETHÈVE Jeanne, Raymonde

Par Jean Maitron, Claude Pennetier

Née le 31 décembre 1890 à Arrènes (Creuse), morte le 24 mars 1981 à Ballainvilliers (Essonne) ; institutrice dans la Creuse puis dans la Seine ; syndicaliste de la Fédération unitaire de l’enseignement (FUE) puis du SNI ; militante communiste.

Fille de deux instituteurs (Antoine et Victorine née Jabely), Jeanne Ethève fit ses études au lycée de Guéret (Creuse), d’où elle sortit titulaire du brevet supérieur et du diplôme de fin d’études secondaires. Nommée institutrice stagiaire en 1912, elle adhéra aussitôt au Parti socialiste et, en 1917-1918, participa dans la Creuse au mouvement contre la guerre qui bénéficia du concours de Paul Bouthonnier et de Louis Fournet, alors professeurs à Périgueux (Dordogne). Dès 1919, elle soutint dans la Creuse le Comité de la IIIe Internationale.

On ignore la date de son adhésion au syndicat de l’enseignement. Sans doute prit-elle sa carte dès 1912. Les militants de la Creuse la déléguèrent au congrès de Tours de la Fédération de l’enseignement (7-10 août 1919) et au congrès de Bordeaux (11 au 15 août 1920). Elle était responsable pour l’enseignement des Comités syndicalistes révolutionnaires (CSR) de la Creuse. Lorsque le gouvernement décida la dissolution des syndicats de l’enseignement jugés illégaux, J. Ethève conserva ses mandats départementaux, ce qui lui valut une condamnation en 1921. À cette occasion la préfecture et l’inspection académique découvrirent ses activités. Dans un rapport du 13 juillet 1921 le préfet écrivait : « Avant d’avoir reçu votre dépêche du 6 juillet courant, j’ignorais, comme M. l’Inspecteur d’Académie du reste, que Mlle Ethève ait adhéré au parti révolutionnaire. C’est une institutrice très bien notée, qui semble se consacrer exclusivement à sa classe, et qui ne s’est jamais fait remarquer par aucune manifestation d’aucune sorte jusqu’à ce jour. Il est probable que son adhésion a dû être entraînée par l’ascendant qu’avait pris sur elle, l’année dernière, Mme Montégudet, lorsque celle-ci était institutrice à Arrènes » (Arch. Nat. F7/13744). Adrienne Montégudet et Jeanne Ethève s’étaient en fait trouvées en communion d’idées sans que l’une influençât l’autre. Le Populaire du Centre du 15 mai 1921 annonça sa désignation comme déléguée suppléante à la conférence nationale du Parti communiste convoquée à Paris. Elle était correspondante départementale du Secours rouge international, écrivait à l’occasion dans L’Ouvrière, journal du PC destiné aux femmes et, en 1926-1927, fut secrétaire du syndicat de l’enseignement de la Creuse. Si l’on en croit un rapport préfectoral du 11 décembre 1926, « la population de sa commune (Arrènes) en majorité réactionnaire ne se plaint d’elle ni au point de vue travail, ni au point de vue mentalité » (Arch. Nat. F7/13106). La volonté d’intensifier son action militante eut peut-être une part dans sa décision de demander un poste dans la région parisienne. Toujours célibataire, elle avait perdu son père et succédé à sa mère comme directrice de l’école d’Arrènes.

En octobre-novembre 1927, elle était vice-présidente de l’Union fraternelle des femmes contre la guerre (BMP, bobine 256, Arch. Dép. 93). À l’automne 1928, Jeanne Ethève obtint son changement pour Drancy (Seine), mais, aussitôt mêlée à la vie du syndicat unitaire de l’enseignement de la Seine, elle fut déplacée par mesure disciplinaire le 1er janvier 1930 et affectée à l’école des garçons, avenue Saint-Denis, à Pierrefitte. Le syndicat lui confia en 1931, le poste de secrétaire adjointe et, en avril 1932, le secrétariat de rédaction et l’administration des Semailles, organe syndical de la région parisienne. Dans la Fédération unitaire de l’enseignement, Jeanne Ethève appartenait à la Minorité oppositionnelle révolutionnaire (MOR) hostile au bureau fédéral. Aucun délégué désigné par la FUE ne put assister au congrès de l’Internationale des travailleurs de l’enseignement (ITE) convoqué à Hambourg en août 1932, le gouvernement ayant refusé tous les passeports (Le syndicalisme dans l’enseignement, t. III, p. 224). Cependant des militants de la MOR, dont Jeanne Ethève, purent gagner Hambourg. Pendant le même été 1932 le couple Delanoue (Paul Delanoue et Marianne Delanoue), Spinelli, Jeanne Fanonnel et Jeanne Ethève firent un voyage en URSS et rédigèrent au retour une brochure intitulée : Un groupe d’instituteurs au pays des soviets. Jeanne militait alors au 2e rayon communiste de la région parisienne, sous-rayon du XXe arr. et, à l’Union fraternelle des femmes contre la guerre impérialiste (elle était membre du Comité central de cette organisation). Après l’unité de 1935, elle siégea au conseil syndical du SNI de la Seine. Très liée à Victorien Barne dirigeant des enseignants de Paris, elle s’éloigna de lui en 1939, lorsqu’il rompit avec le Parti communiste avant de rejoindre le RNP.

Mise à la retraite d’office en 1941, Jeanne Ethève milita clandestinement pour le Parti communiste et entra dans la Résistance. Liée depuis septembre 1940 à Danielle Casanova, elle participa à la constitution du Front national universitaire avec Jean et Geneviève Roulon*, Madeleine Marzin* et André Voguet*. Elle passa dans la clandestinité en 1942 puis fut partie prenante de la reconstitution du SNI comme membre du comité national. Sous le pseudonyme de « Marie-Louise », elle fit partie du comité directeur du syndicat clandestin qui lança dans le numéro de septembre 1944 de L’École libératrice, un appel à la reconstitution du SNI.

Après la guerre, Jeanne Ethève, quand se constitua la société éditrice de L’Ecole laïque, le 22 mai 1945, en était une des quatre administratrices et possédait 20 actions de la société. Elle se consacra à l’Union française universitaire née du Front national universitaire. Toujours militante du PCF, elle prit sa retraite en 1950. Sa signature apparaissait encore dans L’École laïque et dans L’École et la Nation.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24030, notice ETHÈVE Jeanne, Raymonde par Jean Maitron, Claude Pennetier, version mise en ligne le 30 décembre 2008, dernière modification le 27 août 2022.

Par Jean Maitron, Claude Pennetier

SOURCES : Arch. Nat. F7/13106, F7/13744, F7/13747. — Arch. PPo. 306, 77 W 947. — L’Ouvrière, 23 octobre 1924. — Les Semailles, novembre-décembre 1928. — A.-M. Sohn, Féminisme et syndicalisme, thèse, op. cit. — Renseignements fournis par P. Delanoue. — État civil d’Arrènes. — Presse syndicale.— Notes de J. Girault.

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