GOUGIS Henri, Gaston

Par Emmanuel Terray et Michel Carvou

Né le 7 juin 1944 à Montesson (Seine-et-Oise, Yvelines), mort le 7 janvier 2011 à Tarbes (Hautes-Pyrénées) ; ouvrier ajusteur-fraiseur ; militant CFDT à Comsip-Automation à Montesson (1967-1975), puis CGT à Montiège à Bouafle (Yvelines) (1976-2004) ; militant associatif (1967-2008) à Aubergenville (Seine-et-Oise, Yvelines), membre de l’ACO (1967-2008) ; militant politique GOP, PLC, PSU puis PS (1971-2008) ; conseiller municipal socialiste à Aubergenville (1989-2008).

Henri Gougis en 1963 (photographie du livret militaire).

Fils de Louis Gougis, maçon, et de Madeleine Chauvier, blanchisseuse, Henri Gougis était l’ainé de trois garçons. La fratrie comportait également un demi-frère, né d’un premier mariage de Louis Gougis dont l’épouse était décédée. Henri Gougis perdit son père, victime d’un accident du travail, alors qu’il avait treize ans, et se retrouva très jeune en position de soutien de famille, son demi-frère, de seize ans son aîné, ayant quitté le domicile familial avant la mort de son père.
Il fit ses études à l’école élémentaire de Montesson où il obtint le certificat d’études primaires (1958), puis au collège moderne et technique de garçons de Saint-Germain-en-Laye (Seine-et-Oise, Yvelines) où il obtint le CAP de fraiseur-mécanicien (1961).

Pendant son adolescence, il pratiqua le scoutisme dans une patrouille libre de Montesson.

Henri Gougis entra au travail le 4 septembre 1961 à Comsip-Automation à Montesson, comme ouvrier spécialisé (OS) ajusteur.
Appelé sous les drapeaux le 1er août 1963, il fut affecté au 15e régiment du génie de l’air. Il effectua un service militaire de seize mois qu’il termina avec le grade de sergent. Libéré de ses obligations militaires, fin novembre 1964, il reprit son travail à Comsip-Automation.
Passionné par son métier, fier de ses compétences, soucieux de se perfectionner, d’affronter des tâches de plus en plus difficiles, de conduire des machines de plus en plus perfectionnées, il fut reconnu pour ses qualités professionnelles et gravit sans encombre les échelons de sa profession. Il devint ouvrier professionnel première catégorie (OP1) en 1964, OP2 en 1966 et OP3 en 1969. Devenu fraiseur, il fut promu ouvrier hautement qualifié (OHQ) en 1974.

Henri Gougis commença à se poser la question de l’engagement syndical après avoir été impressionné par les convictions d’un militant de la CGT. Ce dernier, seul délégué dans l’entreprise, était présent le matin, le midi et le soir devant les portes des ateliers pour distribuer des tracts et saluer les ouvriers. Il était le seul à suivre les grèves d’une journée considérées comme « grèves presse bouton ». Début 1967, accompagné d’un collègue de travail, Henri Gougis lui demanda, d’intervenir auprès de l’employeur pour une augmentation de salaire. Celui-ci s’engagea à le faire, mais leur expliqua pourquoi il ne croyait pas à l’efficacité de la démarche. Il les invita, de façon argumentée, à « réfléchir à la nécessité d’adhérer à un syndicat ». Henri Gougis garda de cette journée le souvenir de sa première formation syndicale sur « l’obligation de la lutte des classes, la solidarité ouvrière, le combat pour la justice, la dignité et la nécessité de faire valoir ses droits ».
En juin 1967, il constitua, avec Jean Soret et deux autres salariés de l’usine, une section syndicale CFDT affiliée au syndicat de la construction électrique et électronique (SCEE-CFDT), membre de l’Union parisienne des syndicats de la métallurgie (UPSM-CFDT), deux structures dont Claude Michelot était le secrétaire général. Il fut élu aux élections des délégués du personnel et, en mai 1968, il participa à l’organisation et l’animation de la grève avec occupation des locaux qui dura trois semaines.

À partir de 1973, Comsip-Automation commença à connaitre des problèmes d’emploi après que le groupe financier Lebon ait décidé de fusionner cette société avec deux autres dont il avait le contrôle, l’Electro-Entreprise et Lebon-Informatique, pour fonder Comsip-Entreprise, regroupant ainsi plus de quatre mille salariés. À l’annonce du licenciement collectif de 94 salariés, une grève fut déclenchée dans l’établissement de Montesson, devenu Agence Ile-de-France de Comsip-Entreprise, qui dura trois semaines dans laquelle Henri Gougis s’investit sans compter. Malgré une mobilisation importante l’entreprise ne changea pas sa stratégie. Elle continua de connaitre une série de mauvais résultats et un nouveau plan de licenciement de 750 salariés fut annoncé en novembre1975. Il fut suivi d’un mouvement social dans les divers établissements de la Comsip, avec débrayages et occupations de certains sites, dont celui de Montesson qui comportait alors 230 salariés. Engagé dans l’animation de l’occupation qui dura trois semaines, Henri Gougis fut assigné, le 28 octobre 1975, avec sept autres militants, devant le tribunal de grande instance de Versailles qui, statuant en référé, ordonna l’expulsion des occupants. La grève ne put empêcher les licenciements, dont celui d’Henri Gougis, le 22 février 1976.

Après neuf mois de chômage, Henri Gougis retrouva du travail chez Montiège SA, entreprise de mécanique de précision d’une vingtaine de salariés, située à Bouafle, où il fut embauché le 2 novembre 1976, comme fraiseur P3. La CGT était déjà présente dans l’entreprise. Henri Gougis, compte tenu du petit nombre de salariés, choisit d’adhérer à cette organisation dans le but de ne pas affaiblir la représentation syndicale. Il devint délégué du personnel, puis délégué syndical et continua sous sa nouvelle étiquette à défendre les salariés de son entreprise de façon individuelle et collective, comme en décembre 1985 où le patron, Monsieur Fesseau, répondit à un préavis de grève illimitée par une fermeture de l’entreprise.
Fier de transmettre son savoir-faire, Henri Gougis accepta de parrainer Romaric Drezet, jeune Compagnon du Devoir en stage dans l’entreprise. Celui-ci, fils d’un industriel de Flangebouche (Doubs), avait été inscrit par son père aux Compagnons du Devoir à Epône (Yvelines) afin de parfaire sa formation en vue de reprendre l’entreprise familiale. Henri Gougis garda des relations avec lui au-delà de son stage.
Le 27 juillet 1993, la société Montiège fut placée en redressement judiciaire. Henri Gougis déploya une intense activité pour préserver les droits des salariés en matière de salaires, de congés et de treizième mois. Celle-ci fut couronnée de succès et permit une garantie des droits lors de la reprise de la société, le 8 avril 1994, par la famille Renault. L’entreprise devint Montiège Industries SA puis Montiège Précision Mécanique SARL en 1999.
Henri Gougis prit sa retraite le 30 juin 2004, à l’âge de soixante ans.

En 1967, Henri Gougis déménagea de Montesson à Aubergenville, rue de la petite côte, et, suite à la naissance de son deuxième enfant, vint habiter, en 1970, dans le quartier populaire de la Corniche, où de nombreux habitants étaient confrontés à des difficultés économiques, sociales, administratives et culturelles. Henri Gougis décida de prolonger son engagement syndical par une activité militante sur le quartier.
Il adhéra à l’Association des coopérateurs sociétaires d’Aubergenville (ACSA), en 1978, et s’engagea dans la défense des locataires de la coopérative d’habitat social Terre et famille, en particulier dans le cadre du plan de sauvetage dont elle fut l’objet avec le groupe Coopération et famille. Il engagea un travail de fond sur le calcul des charges, mit en évidence que nombre de celles-ci étaient indues et mena l’action pour leur régularisation. Il obtint le remboursement de charges, d’un montant représentant deux loyers de l’époque, pour plus de 300 familles, tant locataires que propriétaires. Avec ce travail il acquit une expertise pour laquelle il fut sollicité par de nombreuses associations de la région.

En 1991, avec quelques voisins, il fonda l’Association pour la réussite scolaire (APRS), dans l’objectif d’abattre la cloison invisible qui sépare l’École de la vie réelle, d’intensifier la communication et les échanges entre les enseignants et les familles, d’amener les enseignants à prendre davantage en compte les conditions de vie réelles des enfants ainsi que d’élargir l’horizon de ceux-ci à la culture et au développement de la citoyenneté. Il mit en place une opération de soutien scolaire sur deux écoles, Jean-Moulin et Paul-Fort, du quartier de la Corniche, à Aubergenville (Yvelines), et sur deux autres, du quartier d’Élisabethville situé de l’autre côté de la nationale. Il multiplia les rencontres entre parents et enseignants et organisa des sorties pour les enfants.

Henri Gougis découvrit la Gauche ouvrière et paysanne (GOP), membre du « courant cinq » du PSU, en 1971, lors d’une réunion de présentation de celle-ci à l’Union locale CFDT de Chatou, organisée par son secrétaire Robert Rulot. Il s’engagea alors dans le groupe politique dit « de Chatou », qui devint membre de Pour le communisme (PLC) après l’exclusion de la section parisienne de la GOP du PSU, en 1972. Il y rejoignit Chantal et Jean Cranney, Nadine et Michel Guillou, Marie-Louise et Emmanuel Terray, et, avec Monique et Gérard Lechantre, il représenta la composante ouvrière de l’équipe. Il s’engagea dans le soutien à la lutte des ouvriers de LIP, apporta son expérience de syndicaliste dans les conflits des petites entreprises du secteur, comme CLESS, entreprise de la métallurgie d’une centaine de salariés, essentiellement des femmes, située à Montesson, où eut lieu une grève d’une dizaine de jours sur les salaires, ainsi qu’au dépôt de cars de l’entreprise de transport CGEA, situé également à Montesson, qui connut une grève de trois semaines sur les salaires et les conditions de travail.

Par pragmatisme et désir de participer à la construction de réalisations concrètes sur sa commune, Henri Gougis rejoignit, au PSU, Alain Pierre, qu’il connaissait par l’Action catholique ouvrière, et, après les Assises du socialisme de 1974, il adhéra au Parti Socialiste.
En 1989, il fut candidat aux élections municipales d’Aubergenville sur la liste conduite par Alain Pierre qui remporta la mairie. Réélu en 1995 pour un second mandat, il devint adjoint en charge de l’enseignement, ce qui lui permit de soutenir et développer les activités de l’APRS.

Lorsqu’aux élections de 2001, la droite reprit la mairie, Henri Gougis siégea alors comme conseiller municipal d’opposition jusqu’en 2007. En 2008, après la fin de son mandat, il quitta la région parisienne pour s’installer avec son épouse Yvonne à Galan (Hautes-Pyrénées) où la maladie finit par l’emporter en 2011.

Henri Gougis avait épousé Yvonne Charrière le 1er avril 1967, à Montesson. Originaire comme lui de Montesson, elle a été institutrice, puis professeur des écoles dans l’enseignement privé, militante CFDT. Le couple eut deux enfants : Claire, née en 1968 et Pierre né en 1971.

Le couple adhéra à l’ACO en 1967. Henri Gougis assura la responsabilité de l’équipe d’Aubergenville et celle du Secteur de la Vallée industrielle de la Seine. L’ACO fut pour le couple un lieu irremplaçable de réflexion, d’échange et de partage.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article240310, notice GOUGIS Henri, Gaston par Emmanuel Terray et Michel Carvou, version mise en ligne le 2 mai 2021, dernière modification le 2 mai 2021.

Par Emmanuel Terray et Michel Carvou

Henri Gougis en 1963 (photographie du livret militaire).
Henri Gougis en 2010.

SOURCES : Arch. UPSM-CFDT.— « COMPSIP : non aux 750 licenciements », L’Unité, n°173, 24 avril 1975. — « Une gestion approximative », Le Monde, 11 octobre 1975. — « L’hommage à Henri Gougis », Le Courrier de Mantes, 21 janvier 2011. — Entretiens avec Yvonne Gougis en mars 2020, février et mars 2021.

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