DELVAU Alfred (pseudonyme Louis Sylvain)

Par François Gaudin

Né le 7 avril 1825 à Paris, mort le 3 mai 1867 ; journaliste et écrivain ; acteur de la Révolution de février 1848, dont il se fit l’historien et le mémorialiste.

Fils d’un maître-tanneur, Alfred Delvau se lança très tôt dans le journalisme en écrivant dans La Réforme à partir de 1846, puis dans le Triboulet et La Canaille. En 1848, il fit ses débuts d’écrivain avec Grandeur et décadence des grisettes. Après la Révolution de février, il fut le secrétaire particulier d’Alexandre Ledru-Rollin, ministre de l’Intérieur, dont il était le protégé et auquel il consacra une brochure, Ledru-Rollin. Sa vie politique. Il était avec Chassin, Vallès, Ranc, et Rambert, un des meneurs de la jeunesse républicaine qui manifesta, en mars, contre la nouvelle interdiction du cours de Michelet au Collège de France.
Avec Auguste Poulet-Malassis et Antonio Watripon, tous deux employés, comme lui, au ministère de l’Intérieur, il fonda, en juin, l’Aimable faubourien. Journal de la canaille. C’est avec ces deux amis que, le 23 juin, il se rendit place de la Sorbonne, au rassemblement de la batterie d’artillerie de Watripon, et y trouva une barricade. Il gagna la rue du Cloître-Saint-Benoît par la rue des Mathurins où il franchit une barricade en construction. Le combat, commencé à 4 heures de l’après-midi, se continua toute la nuit et il fallut le canon pour débusquer les insurgés des barricades de la rue des Mathurins.
Delvau lança alors seul l’éphémère Conspiration des poudres, journal fulminant, qui n’eut qu’un numéro. Désargenté, au mois d’août 1848, il sollicita des secours auprès du ministre de l’Instruction publique : « La Révolution de février m’avait arraché à la misère ; un changement de ministère va m’y replonger : l’emploi que j’occupais au Ministère de l’Intérieur m’a été enlevé. » Fin automne 1848, à l’approche des élections présidentielles, il collabora à la Révolution démocratique et sociale de Delescluze et rédigea La Présidence, s’il vous plaît !, virulente charge contre les conservateurs.
En 1850, Alfred Delvau fonda, avec Benoît-Jean, l’éphémère Jacques Bonhomme, journal des mansardes et des chaumières, qui ne vécut pas ; il donna une Histoire de la révolution de Février, qu’il dédicaça à Ledru-Rollin, et rédigea une brochure au titre paradoxal, A bas le suffrage universel ! L’année suivante vit la parution des Murailles révolutionnaires où il rassemblait affiches, proclamations et tracts de 1848, et dont la version complète ne vit le jour que l’année de sa mort. En 1851, il prit part, aux côtés d’Arthur Arnould, Ch. Barbara, Castagnary, L. Davyl, Collineau, le chansonner Charles Gille, Arthur Ranc, Eugène Spuller, Jules Vallès, etc., aux réunions du Comité des jeunes contre le prince-président, puis au mouvement de résistance au coup d’État du 2 décembre.
Après 1851, Delvau persévéra dans la bohème, mais s’éloigna de la politique. Cherchant des ressources, il s’essaya, avec l’aide de sa femme, à la traduction de l’allemand, adaptant Gottfried Kinkel, en 1852, et Gustave Henri Gans de Putlitz, en 1853. Puis il publia Au bord de la Bièvre, ses souvenirs de jeunesse, en 1854. Durant cette période, il rejoignit ses amis Jules Levallois, Suzanne Melvil-Bloncourt et Antonio Watripon, tous proches de Baudelaire, ainsi que Jules Vallès, dans l’équipe du Dictionnaire universel de l’éditeur socialiste Maurice Lachâtre. Le premier article qu’il signa est ivrognerie. Pour échapper au pire, il s’adonna à d’obscurs travaux de lexicographie et d’écriture. Sans logement fixe, il écrivit à son ami Poulet-Malsassis, à propos du Dictionnaire : « Cela rapporte deux liards la ligne, petit texte, grande justification. Ce qui fait que je continue, comme tu le supposes si bien, à nomadiser ; or, comme les nomades n’ont pas d’adresse, je suppose, tu peux m’écrire à « M. Delvau, homme de lettres, dans le désert ! ». Il collaborait aussi à des journaux tels que Cadet Roussel, donnant des chroniques qu’il reprit en volumes, sans sortir de la gêne pour autant puisqu’en 1856, il sollicitait à nouveau une aide ministérielle. Il devint rédacteur en chef du Rabelais où il défendit Baudelaire et, avec Watripon, il collabora au Triboulet et à la revue L’Ami du peuple. En 1857-58, ses écrits lui valurent un an de prison. Il passa en Belgique. Il se mit à écrire des romans populaires, notamment de chevalerie.
Son nom commençait à s’imposer en dehors de la bohème, et, de 1860 à sa mort, il publia une dizaine d’ouvrages consacrés souvent à Paris, ses cafés, ses cabarets, ses barrières, etc., dont un Dictionnaire érotique moderne qui subit le même sort que ceux de Maurice Lachâtre auxquels il avait contribué : il fut condamné à la destruction totale en juin 1865. Toujours impécunieux, ces travaux multiples ne l’empêchèrent pas de devoir solliciter le concours financier de la Société des gens de lettres qui dut, par la suite, aider également sa veuve. Alfred Delvau mourut à 42 ans, ne laissant que des manuscrits et des projets en grand nombre.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article240320, notice DELVAU Alfred (pseudonyme Louis Sylvain) par François Gaudin, version mise en ligne le 3 mai 2021, dernière modification le 3 mai 2021.

Par François Gaudin

ŒUVRE : La liste des nombreuses œuvres littéraires d’Alfred Delvau figure dans l’ouvrage que lui a consacré René Fayt.

SOURCES : Arch. Nat., Fonds Société des gens de lettres 454, AP, 205. — F 17/3141, lettre du 6 août 1848. — Jules Levallois, Milieu du siècle. Mémoires d’un critique, Paris, A la Librairie illustrée, 1896, XIX-314 p. — René Fayt, Un aimable faubourien, Alfred Delvau (1825-1867), « The Romantic Agony » et Emile Van Balberghe Librairie, 1999, p. 159. — Alfred Delvau, Histoire de la Révolution de février par Alfred Delvau, secrétaire intime de Ledru-Rollin, Paris, Blosse et Garnier frères, 1851, 481 p. — Alfred Delvau, Les Murailles révolutionnaires de 1848. Collection des décrets, bulletins de la République, adhésions, affiches, fac-simile de signatures, professions de foi, etc., Paris, E. Picard, 16e éd., 1868 [1851], 2 vol. , 539 p. — Alfred Delvau, Les Lions du jour. Physionomies parisiennes, Paris, Ed. Dentu, 1867, 330 p. — François Gaudin, Maurice Lachâtre (1814-1900), éditeur socialiste, Limoges, éd. Lambert-Lucas, 2014.

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