LEGOY Jean, Albert, Gaston

Par Jacques Defortescu

Né le 15 novembre 1927 au Havre (Seine-Inférieure, Seine-Maritime) ; instituteur ; militant communiste ; historien du mouvement ouvrier havrais.

Jean et Gaston Legoy en 1946 à Rolleville (Collection Pierre Legoy)

Jean Legoy était le fils de Gaston Legoy, cordonnier, marchand de chaussures, puis documentaliste au Musée André Malraux du Havre, et de Laurentine Lestiboudois, couturière et commerçante avec son époux. Gaston Legoy, militant au syndicat des cordonniers, membre du Parti communiste dès 1920 et secrétaire de la Jeunesse communiste de 1920 à 1922, historien amateur, influença fortement son fils Jean.

En mai 1944, les Allemands obligèrent les hommes de 16 à 45 ans, habitant la zone interdite autour du Havre, jusqu’à 40 km des côtes, à planter des troncs d’arbres dans les champs pour y rendre impossible l’atterrissage des planeurs. Chaque jour, le travail commençait à 8 h, après un rassemblement et un appel nominatif. Devant passer les épreuves du baccalauréat au début du mois de juin, Jean Legoy refusa de se rendre au rassemblement. Dès 8h15 un Feldgendarm vint le chercher. Il fut immédiatement emprisonné dans une villa réquisitionnée. Enfermé dans une salle de bains, il fut rejoint vers midi par un jeune cultivateur qui avait été arrêté comme lui, considérant que la moisson qui approchait était plus importante. Le principal du collège de Montivilliers, alerté par les parents de Jean Legoy et soucieux de la proximité du baccalauréat, réussit, après de longs conciliabules avec la Kommandantur à le faire libérer. Quant à son compagnon d’infortune, il fut emmené à Compiègne ou il fit partie de l’un des derniers convois de déportés pour Buchenwald.

Jean Legoy adhéra dès 1944 aux jeunesses communistes dont il devint le secrétaire pour la région havraise et milita pendant trois ans avec Roland Leroy. Après avoir passé son baccalauréat, il devint instituteur dès 1945.

Il diffusait L’Avenir du Havre, journal quotidien dirigé par René Cance puis hebdomadaire de la section communiste du Havre, de 1935 à septembre 1952. Le journal fut remplacé par L’Avenir normand, hebdomadaire de la fédération communiste de Seine-Inférieure, dirigé par Fernand Chatel, qui remplaçait Le prolétaire Normand qui diffusait à 6500 exemplaires en janvier 1931. Chaque dimanche matin, de 1944 à 1947, Jean Legoy et son camarade Pierre Cance vendaient L’avenir du Havre et l’Humanité Dimanche dans la rue. Jean Legoy participa au Comité de rédaction, chargé des « faits divers ».

Syndiqué au SNI dès son entrée en fonction en 1945, il s’engagea également dans un travail d’historien du mouvement social. Sur la base de l’ensemble de ses travaux, il obtint le doctorat en histoire de l’Université de Rouen-Mont-Saint-Aignan, le 16 novembre 1990.

Après son service militaire, de 1947 à 1949, il se maria en juin 1949 avec Odette Abgrall, institutrice, fille de mineur. Il fut nommé instituteur à Nesle-Normandeuse, dans la vallée de la Bresle près du Tréport. Il milita alors avec Hilaire Perdon, député communiste de la 2e circonscription de Seine-Inférieure de 1946 à 1951. Revenu au Havre en 1956, il fut nommé instituteur à l’école Jules Ferry de Sanvic (quartier de la ville haute, Sanvic était une commune indépendante jusqu’en 1955, date de son rattachement au Havre) jusqu’à sa retraite en 1983.

Dès son retour au Havre, Jean Legoy s’intéressa aux questions culturelles havraises,
que ce soit à la Maison de la Culture, dès sa création en 1961 par André Malraux, ou à l’occasion de nombreuses initiatives. Parmi les activités de la Maison de la Culture, citons sa participation à la convention de février 1984 « Culture monde du Travail » signée entre le ministère de la Culture, la Maison de la Culture du Havre et 41 comités d’entreprises, qui aboutit notamment en 1986, à un livre très complet de 370 pages Cultures Havraises qui fit date dans l’histoire locale.

Jean Legoy participa également à la création du film de Christian Zarifian Table Rase produit en 1988. Ce film relate le traumatisme havrais des bombardements de la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui virent la ville rasée à 80 %. Le 5 septembre 1944, eut lieu au Havre le bombardement le plus meurtrier de la guerre en France, par l’aviation anglaise : 3000 morts, le cœur de ville rasé, anéanti, sans aucune justification militaire.

À la demande de la Ville du Havre, Jean Legoy participa également à de nombreuses expositions et brochures. Pour le quarantième anniversaire de la libération du Havre, en 1984, il écrivit Le Havre 1940-1944 avec une préface d’André Duroméa, alors député-maire. Et en 1994, pour les 50 ans, les Havrais dans la Guerre toujours préfacé par André Duroméa. En 1976, il confectionna à la MCH l’exposition « Un siècle de colonialisme ». En 1983, il produisit une brochure Histoire de femmes et une exposition (voir la photo de l’inauguration avec Maryvonne Rioual et André Duroméa).

En 1984, il collabora aux activités de la bibliothèque municipale du Havre sur « Gustave Doré illustrateur » et en 1986 sur « Victor Hugo et Le Havre ». En 1985, Jean Legoy participa également à un colloque consacré au projet d’Armand Salacrou d’un théâtre expérimental au Havre. Jean Legoy publia sur demande de la Ligue des Droits de l’Homme en 1998 le livre Un Siècle citoyen préfacé par Madeleine Rebérioux.

Jean Legoy fut également délégué cantonal pour la Ligue de l’enseignement pendant dix ans. En 1959, il participa activement au Comité de défense laïque contre la loi Debré.

Adhérent au Centre Havrais de Recherche Historique (CHRH) dont il fut le vice-président de 1975 à 1999, Jean Legoy fit beaucoup pour l’histoire du Havre et de ses classes populaires, il publia de nombreux ouvrages à ce sujet. Adhérent à France-URSS dès 1956, il joua un rôle non négligeable notamment avec son complice Jean Gustinianni, le président de France-URSS, aux côté de Marthe Duroméa. Membre du Comité d’histoire de la Révolution, Jean Legoy fut également membre de l’Institut de recherches et de documentation de l’Université de Rouen-Mont-Saint-Aignan.

Son œuvre havraise la plus complète fut sans contexte les livres écrits sous le titre Le peuple du Havre et son histoire.

En 1999, Jean Legoy partit habiter La Rochelle (Charente-Maritime), où il fut membre de la Société rochelaise d’Histoire moderne et contemporaine. Il y poursuivit ses travaux consacrés à la traite des Noirs. En 2015, il partit pour Lille (Nord), où il fit encore quinze conférences notamment sur l’histoire du 1er mai, des évènements de Fourmies, ainsi que l’histoire des ports de la côte de la Manche.

Avec Odette Abgrall, Jean Legoy eut un fils Pierre qui fut secrétaire de la Fédération CGT des Services publics.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article240382, notice LEGOY Jean, Albert, Gaston par Jacques Defortescu, version mise en ligne le 7 mai 2021, dernière modification le 12 juillet 2022.

Par Jacques Defortescu

Jean et Gaston Legoy en 1946 à Rolleville (Collection Pierre Legoy)
Jean Legoy, Maryvonne Rioual et André Duroméa lors de la présentation de l’exposition en 1983. (Photo Eric Levilly- Ville du Havre)
JEAN LEGOY (10 ans) sortant de la visite du pavillon de l’Union Soviétique à l’exposition internationale de Paris en juillet 1937 (collection J.Legoy)

ŒUVRE : Le peuple du Havre et son histoire. Des origines à 1800, tome 1, EDIP, 1980 — Le peuple du Havre et son histoire. 1800-1914, Le cadre de vie, tome 2, EDIP, 1982. — Le peuple du Havre et son histoire . Du négoce à l’Industrie, tome 3, EDIP, 1984. — Le peuple du Havre et son histoire – 1914-1940, tome 4, Éditions de l’Estuaire, 2002 . — Cultures Havraises, EDIP, 1986. — avec Philippe Manneville, Martine Liotard, Henri Dulaurier et Eric Levilly, Le Havre 1517-1986, Éditions du p’tit normand, 1986. — avec Philippe Manneville, Jean-Pierre Robichon et Eric Levilly, Les Havrais et la mer – le port-les transatlantiques -les bains de mer, Éditions du p’tit normand, 1987. — Le Havre 1940-1944, postface d’André Duroméa, édité par la Ville du Havre, 1984. — Les Havrais dans la Guerre – Le Havre 1939-1945, postface d’André Duroméa, édité par la Ville du Havre,1994. — Histoire de la section havraise de la ligue des droits de l’homme 1898-1998, préface de Madeleine Rebérioux, édité par la LDH, Le Havre, 1998. — Le Havre dans la révolution – 1787 -1802, EDIP, 1989. — Participation à l’ouvrage collectif Le Havre, Volonté et Modernité, Éditions La Galerne, 1992. — Collaboration à l’ouvrage collectif La Révolution en Haute-Normandie, Éditions du P’tit Normand, 1988. — Collaboration à l’ouvrage collectif : Dictionnaire de la Musique en France au XIXe siècle, Paris, Arthème-Fayard, 2003. — Quarante-cinq articles publiés dans les Recueils de l’Association des Amis du Vieux Havre, puis dans la revue du Centre Havrais de Recherche Historique (CHRH), les Annales de Normandie, La Société d’ Études Diverses du Havre, Les congrès Nationaux et Régionaux des « Sociétés Savantes.

SOURCES : Questionnaire rempli par Jean Legoy. — Marie-Paule Dhaille Hervieu, Communistes au Havre. Histoire sociale, culturelle et politique (1930-1983), PURH, 2009. — Notes de l’auteur. — Entretien avec Jean Legoy en janvier 2020. — Notes de Pierre Legoy.

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