WEISS Adolphine

Par Patrick Bec

Née le 4 avril 1898 à Paris (XVIII arr.), massacrée le 23 juin 1944 au Pourrou, commune de Saint-Sixte (Lot-et-Garonne) ; Tsigane, marchande foraine ; victime civile.

Adolphine Weiss (parfois dénommée Adolphine Wenderstein) était la fille de André Weiss, né à Compiègne (Oise) en 1865, dans une famille d’artistes Tsiganes Manouches, acrobate dans les années 1892-1898, marchand forain entre 1910 et 1920, et décédé à Meaux (Seine-et-Marne) en 1924, et de Rosalie Landauer. Mariée à Mérignac (Gironde) le 1er octobre 1925 avec Pierre Winterstein (né en 1897 à Saint-Saëns, Seine-Maritime), fils des artistes lyriques et acrobates Antoine Winterstein et Marie Clémence Wolmann), ils ont six enfants nés entre 1916 et 1927 dont trois voyagent encore avec eux, Paul, Anne et Antoinette. Marchands forains, ils se rendent à la foire de Valence-d’Agen (Tarn-et-Garonne) et font une dernière halte le 22 juin 1944 au soir près du village de Saint-Sixte, en compagnie de la mère d’Adolphine, de l’un de ses frères, Paul Weiss avec sa femme Marie Bouillon, leurs enfants et petits-enfants.

Se rendant à Dunes pour des représailles à la suite d’une dénonciation, une section de la Division Das Reich, unité n°29955 commandée par le capitaine Hermann et le lieutenant Dwuret, arrive à Saint-Sixte vers 5 heures du matin.
Guy Penaud, historien, reprenant l’écrit de Jacques Brissaud (directeur du service des crimes de guerre au tribunal d’Agen après 1945), relate cet épisode tragique : « Les chevaux et les mulets paissaient en liberté. Le feu de campement allumé la veille pour le repas du soir fumait encore. Dix-sept personnes, hommes, femmes et enfants des familles Vaise, Landauer et Wenderstein, dormaient dans ces deux modestes véhicules. En un rien de temps, les portes des roulottes volèrent en éclat sous les coups de crosse et toutes les personnes présentes furent jetées dehors. Les voitures furent fouillées, et les pauvres hardes ou humbles objets ménagers furent éparpillés sur le chemin. Les soldats ne découvrirent que quelques carabines et pistolets à air comprimé. Ces jouets ne projetaient que des bouchons et servaient à la petite baraque de tir que ces forains exploitaient dans les fêtes locales. „Terroristes, terroristes !“ hurlèrent les SS à la vue de ces armes. Les cinq hommes, les six femmes et les six enfants (...) furent alors poussés dans un pré voisin. Deux hommes furent tués les premiers, puis six femmes furent abattues à coups de mitraillettes. Six autres cadavres gisaient bientôt auprès d’elles : ceux d’enfants de 14 ans à 19 jours. Cependant, il y eut des survivants dont Marie Vaise (Marie Bouillon) et peut-être Fernand Landauer (né en 1905 à Bacqueville-en-Caux (Seine-Maritîme), neveu de Rosalie Landauer, forain à Carcassone, qui entreprend des démarches auprès de la municipalité pour les formalités administratives inhérentes aux décès des membres de sa famille. Peut-être figure également parmi les rescapés Pierre Winterstein le mari de Adolphine Weiss, mais assurément leur fils Paul Winterstein (né à Tartas (Landes) en 1932, aîné de Anne et Antoinette, deux des plus jeunes victimes). Âgé de 12 ans, il avait réussi à se cacher derrière un rang de vigne. Selon Jacques Brissaud qui a transcrit son témoignage, il a tout vu et raconté : « Les Allemands ont fait aligner les adultes et ils les ont arrosés avec leurs mitraillettes. La dame Marie Vaise est tombée à côté de son mari qui lui a recommandé : - Fais la morte. Elle a aussitôt replié les bras sur son visage. Les Allemands les ont achevés avec la crosse des fusils et ont ouvert le ventre de la fille Vaise qui tenait un bébé dans ses bras. Les victimes hurlaient ». Tombés les premiers à terre, et en quelque sorte protégés par les corps de leurs parents, deux hommes et une femme sont blessés : Les deux frères André Weiss, né en 1923 à Eymoutiers (Haute-Vienne) et Louis Weiss, né en 1925 à Paris, seront blessés par balle à la cuisse. Ils seront hospitalisés à Agen du 23 juin au 21 juillet 1944. Leur sœur Philippine Weis, née en 1932 à Saint-Maixent (Deux-Sèvres), est blessée par balle à la tête et présente une fracture ouverte du tibia gauche. Elle restera à l’hôpital d’Agen jusqu’au 9 novembre 1944. Simulant la mort, ils échappèrent ainsi au massacre.
Les soldats se présentèrent ensuite à la mairie. Là, le commandant de l’unité déclara que les forains possédaient des armes à feu, ce qui justifiaient à ses yeux la mort de quatorze personnes. (…) Aussitôt les Allemands partis, le maire Laffont fit conduire les trois forains blessés à l’école publique où ils furent soignés par le docteur Roger Escudier, de Lamagistère. Une ambulance de la Croix Rouge vint ensuite prendre ces blessés à 11 heures pour les conduire à l’hôpital d’Agen. D’autre part, le maire de Saint-Sixte réquisitionna des charpentiers pour faire des cercueils ainsi que des hommes pour creuser des fosses dans le cimetière. L’inhumation des quatorze victimes eut lieu le même jour, à 20 heures. »
Une enquête fut ouverte en août 1950 pour tenter d’établir la responsabilité de l’adjudant Willi Goymann, chef de la première section de la deuxième compagnie du bataillon de pionniers de la division Das Reich. Jacques Brissaud a recueilli le témoignage de Marcelle chef de gare à Saint-Nicolas-Saint-Romain (Lot-et-Garonne), l’épouse du résistant Pierre Marcadet dit Youk. Elle a rencontré un jour à la sortie du train, Pierre Weiss (ou Vaise, né en 1921, fils de Paul Weiss et Marie Bouillon) et sa famille qui venaient porter des fleurs au cimetière de Saint-Sixte. Selon lui, « les forains étaient couchés dans leurs roulottes fermées lorsque les Allemands les ont réveillés à coups de crosse. Un premier groupe d’Allemands ne leur a pas fait de mal et s’est contenté de demander s’ils n’avaient pas d’armes. C’est le second groupe qui a commis des crimes ayant trouvé des carabines pour tirs de fêtes foraines. (...) Les Allemands les ont fait sortir tous des roulottes, les ont amenés dans un pré. Les enfants disaient : - Monsieur, ne nous faites pas de mal ! Les Allemands les ont tués aussitôt pour ne plus les entendre crier ».

Adolphine Weiss avait 46 ans.
Son nom est inscrit sur la stèle commémorative de Saint-Sixte érigée en hommage aux Tsiganes massacrés le 23 juin 1944 et inaugurée le 16 juillet 2016.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article240459, notice WEISS Adolphine par Patrick Bec, version mise en ligne le 12 mai 2021, dernière modification le 20 septembre 2021.

Par Patrick Bec

SOURCES : Jacques Brissaud, Crimes de guerre en Agenais, Imprimerie moderne, Agen, 1949 (extraits transmis par Gilles Alfonsi). — Article du blog La résistance en Tarn-et-Garonne . — Guy Penaud, La « Das Reich » 2e SS Panzer Division, préface d’Yves Guéna, introduction de Roger Ranoux, Périgueux, La Lauze, 2e édition, 2005, [pp. 449-450, p. 545]. — Arch. nationales, note n°001040 du 18 août 1950 (copie transmise par Gilles Alfonsi). — Arch. départ. en ligne. — Généanet. — Commission Départementale de l’Information Historique pour la Paix, Contre l’oubli, Plaques et stèles de la Résistance et de la Déportation en Tarn-et-Garonne, 2000. — Mémorial GenWeb.

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