Sussac (Haute-Vienne), du 19 au 24 juillet 1944

Par Dominique Tantin

Du 19 au 24 juillet 1944, dix résistants et un civil périrent sur le territoire de la commune Sussac (Haute-Vienne) lors des affrontements opposant les colonnes de répression allemandes appuyés par des miliciens et les maquisards FTPF placés sous les ordres du colonel Guingouin. Ces combats s’inscrivent dans le cadre de ce qu’il est convenu d’appeler la bataille du Mont-Gargan (17-24 juillet 1944).

Sussac se trouvait au cœur de la zone d’action du maquis FTP de Châteauneuf-la-Forêt fondé et commandé par Georges Guingouin, et devenu la 1ère Brigade de marche limousine, structuré en compagnies et bataillons. C’est à Sussac (la Villa) que Guingouin installa son PC. Son maquis représentait en juillet 1944 la principale menace pour les Allemands en Haute-Vienne. Il bénéficiait de l’aide d’une mission interalliée (Mission Hamlet) pilotée par le SOE, parachutée dans la nuit du 7 au 8 juin. Si Violette Szabo fut vite arrêtée, le major Staunton (Philippe Liewer), son adjoint Robert “Bob” Maloubier et le radio John Claude Guiet épaulèrent l’action du colonel Guingouin jusqu’à la Libération en coordination avec les Alliés qui procédèrent à d’importants parachutages d’armes. Ce maquis se renforça aussi avec le ralliement d’éléments de l’école de la Garde de Guéret et la mobilisation de ”légaux” armés grâce au parachutage du 25 juin (72 appareils larguèrent 800 containers). Par ailleurs, le même jour, le PCF nomma Guingouin chef des FTP de la Haute-Vienne, la principale force de guérilla dans le département, avec comme perspective de devenir le commandant des FFI de Haute-Vienne. Guingouin avait désormais l’autorité et les moyens d’amplifier l’action des maquis, et, selon les plans alliés, de couper la circulation sur la RN20 et l’axe ferroviaire Paris-Toulouse, un risque majeur pour les Allemands. Il intensifia son action à partir de la fin du mois de juin.

Les Allemands tentèrent à la mi-juillet de parer à cette menace. La bataille du Mont-Gargan fut le point culminant de l’opération contre le maquis de Guingouin décidée le 10 juillet à Limoges par le général Ottenbacher, chef des troupes allemandes pour la R5, le général Gleiniger commandant la place de Limoges et Jean de Vaugelas, chef de la Milice et des troupes du maintien de l’ordre pour la région. 

Les Allemands tentèrent un encerclement en faisant converger vers le secteur du Mont-Gargan où Guingouin avait concentré des forces importantes (2 ou 3000 h), trois colonnes réunissant 2500 à 3000 soldats et 500 véhicules disposant d’un armement lourd, ce qui leur assurait une nette supériorité en cas d’affrontement frontal. Vinrent de l’Ouest des régiments de police de Limoges, du sud-est une partie de la colonne Jesser et du sud-ouest, le 95e régiment de sécurité. 200 francs-gardes de la Milice eurent pour tâche le renseignement et la sécurisation de l’attaque.  

Dès la fin juin, des vols de reconnaissance furent menés, l’un des appareils – un avion de fabrication italienne Reggiane RE 2002 Ariete - étant abattu par le maquis, trophée aujourd’hui exposé au musée de la Résistance de Limoges. Les 11 et 12 juillet, Sussac fut bombardé.

Auparavant, Guingouin, conformément aux principes de la guérilla, avait évité toute action pouvant entrainer un choc frontal avec les forces allemandes, forcément supérieures à celles des maquisards. Il avait ainsi évité d’affronter dans une bataille rangée la division Brehmer en avril et en juin la division Das Reich. Il avait de même exclu toute libération prématurée de centres urbains qui provoquait inévitablement de sévères représailles allemandes, meurtrières pour les civils et nuisibles à la popularité des maquisards (cf. Tulle).

Mais en l’occurrence, les circonstances l’obligèrent à accepter un affrontement avec le gros des Allemands. En effet, un parachutage massif d’armes devait avoir lieu en plein jour le 14 juillet au Clos de Sussac, et il fallait ensuite pouvoir évacuer et distribuer les armes et les munitions aux différents groupes de combat. Il dut par conséquent livrer combat pour retarder, sinon arrêter, les unités allemandes le temps que les armes fussent mises en sécurité.

Le 14 juillet, au Clos de Sussac, 35 forteresses volantes américaines parachutèrent un millier de conteneurs. Jusqu’au 17, les maquisards les récupérèrent et les mirent en sûreté dans une course contre la montre pour devancer les colonnes allemandes et miliciennes.

Les combats commencèrent le 17 au matin. Les Allemands progressèrent en direction de Sussac et du Mont-Gargan (731 m) sur la commune de Saint-Gilles-les-Forêts. Guingouin tenta de les ralentir en concentrant ses forces sur cet axe. Il dirigea les combats depuis son PC de La Villa à Sussac. En dépit d’une défense acharnée de la position par les FTP de la section du lieutenant Dupuy, les Allemands parvinrent dès le 18 au sommet du Mont-Gargan. Guingouin dut décrocher le 20 lorsque les colonnes allemandes firent leur jonction dans le bourg de Sussac. Les FTP se dispersèrent après que les armes eurent été mises à l’abri. Les Allemands procédèrent à des ratissages jusqu’au 23, occupant notamment Eymoutiers, avant de se retirer le 24.
Pour les Allemands et les Miliciens ce fut un coup d’épée dans l’eau. Guingouin parvint à conserver l’armement parachuté le 14 et il fut de retour dans son fief le 25 juillet. Si les FTP avaient dû céder devant un ennemi militairement supérieur, ce dernier n’avait pas atteint ses objectifs tandis que Guingouin avait préservé l’essentiel de ses effectifs et de son équipement et sortait donc renforcé de cet affrontement, en termes de potentiel militaire et de prestige. Ce fut au moins un succès relatif du chef des FTP obtenu avec des pertes limitées. Selon Fabrice Grenard (Les maquisards, op. cit. p. 481), les pertes des résistants s’élèveraient à 38 morts, 5 disparus et 54 blessés. Selon l’enquête du Maitron, le bilan des maquisards tués s’établit à 45 morts.
Guingouin, nommé le 15 août chef des FFI de Haute-Vienne, put reprendre l’offensive et obtenir le 21 la reddition de la garnison de Limoges. Succès stratégiquement important puisque l’axe Toulouse-Paris était désormais fermé aux Allemands dont les troupes en repli du sud-ouest durent contourner le Massif Central par Poitiers.


Liste des victimes
À Sussac du 19 au 24 juillet 1944
Dix résistants

BELLOT Joseph

BOURISSOU Charles, Pierre

FRAISSEIX François

GENESTÉ Jean-Baptiste

JUILLE Jean, Simon

LACOUR Roger

LALEUF Henri, Marcel

LERECLUS André

QUÉRET Robert, François

TEYSSIER Marcel

Un civil

ARNAUD Frédéric, Blaise


Autres victimes inscrites sur la stèle commémorative à Sussac
BARLET Albert, François, tué le 1er juillet 1944
BRACHET Roger, Paul, tué le 7 juillet 1944
MOHLER Lucien, Jean, tué le 26 juin 1944
NARDOUX Henri, Jean, tué le 12 juin 1944



Voir aussi les monographies suivantes
Domps
Eymoutiers
Saint-Gilles-les-Forêts

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article240541, notice Sussac (Haute-Vienne), du 19 au 24 juillet 1944 par Dominique Tantin , version mise en ligne le 22 mai 2021, dernière modification le 22 mai 2021.

Par Dominique Tantin

SOURCES : Fabrice Grenard, Les maquisards, Combattre dans la France occupée, Paris, Vendémiaire, 2019, pp. 478-483. — Fabrice Grenard, Une légende du maquis, Georges Guingouin, du mythe à l’histoire, Paris, Vendémiaire, 2014, pp. 249-272. — Georges Guingouin, 4 ans de lutte sur le sol limousin, Saint-Paul, Le Puy Fraud éditeur, 2011-2015, pp. 192-199.

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