LLUSCA Madeleine, Jeanne, Marie, épouse de Jean, André AYLMER

Par Gérard Larue

Née le 16 février 1924 à Paris (Xe arr.), morte le 19 juin 2012 à Paris (VIIe arr.) ; membre de l’Organisation Civile et Militaire (OCM) et du réseau Hector (Cincinnatus) des Forces Françaises Combattantes (FFC), déportée-Résistante à Ravensbrück (Allemagne), où elle donna naissance à une fille.

De gauche à droite : Pierrette Poirot, X... et Madeleine Aylmer (D.R.)
De gauche à droite : Pierrette Poirot, X... et Madeleine Aylmer (D.R.)

Fille de Guillaume Llusca négociant et de Suzanne Guignard, Madeleine Llusca aurait voulu poursuivre ses études « mais sa mère s’y étant opposée … estimant que les filles devaient travailler tôt, et que les études ne leur servaient à rien », elle trouva un emploi « chez Caffin », une librairie proche de la gare du Nord.
Elle fréquentait une bande de copains du temple protestant de la rue des Petits hôtels à Paris (Xe arr.). Elle ne tarda pas à tomber très amoureuse de Jean Aylmer. Celui-ci voulant rallier les Forces Françaises Libres à Londres (Angleterre), fut arrêté par des gendarmes français à Vierzon (Cher), lors du passage de la ligne de démarcation, et aussitôt emprisonné.
Par l’intermédiaire d’une employée du magasin de porcelaine de son oncle, rue de Paradis (Paris Xe arr.), Madeleine, accepta de « transporter clandestinement des messages codés ». Elle fut bientôt contactée par « Christian Pineau, et rallia l’Organisation civile et militaire (OCM) en février1943 ».
Lors de son transfert depuis la prison de Vierzon, par la gare d’Orsay Paris (Xe arr.), Jean Aylmer réussit à s’évader « grâce à la complicité d’un agent de la SNCF ». Il se réfugia dans un premier temps à Paris, chez sa grand-mère rue Oberkampf, ravitaillé par Madeleine, en liaison avec l’OCM qui lui attribua le pseudonyme de « Loiseau » et lui fournit des faux-papiers. Il trouva une « couverture » chez Truffaut à la Jardinerie de Versailles (Seine-et-Oise, Yvelines). Le jeune couple s’installa dans un hôtel de la ville et rejoignit « un réseau chargé de faire repartir les aviateurs anglais ou américains. »
Madeleine et Jean étaient agents P1 (1er février 1943), puis P2 (3 août 1944) dans le réseau des Forces françaises combattantes (FFC) Hector (Cincinnatus), avec le grade de sous-lieutenants au sein de l’OCM.
Le 19 avril 1944, « Ils se marièrent sans pouvoir faire publier les bans sous leurs vrais noms, grâce à la complicité d’un camarade, officier d’état-civil à la mairie de Versailles ».
Le 26 juin 1944, alors que Jean était absent, Madeleine échappa au bombardement de la gare des Chantiers à Versailles, « dont le bilan fut de 225 morts, 250 blessés graves et 270 blessés légers ».
Le 30 juillet 1944, Jean Aylmer et son camarade Pierre avaient reçu de l’OCM, « l’ordre d’attaquer le dépôt d’armes légères de l’Intendance militaire de Versailles ». Le « cambriolage », fort bien préparé, fut réalisé sans difficultés particulières, les armes cachées chez le gendarme Lebourgblanc. Jean et Madeleine, Pierre et sa femme Fernande, durent par sécurité, se « planquer » dans les bois de Neauphle-le-Château (Seine-et-Oise, Yvelines).
Le 3 août 1944, dénoncés par L., membre de la milice, tous furent arrêtés par la Gestapo.
Madeleine Aylmer, interrogée par la Gestapo de Versailles, fut incarcérée à Fresnes (Seine, Val-de-Marne), condamnée à la déportation par un tribunal militaire allemand, puis déportée à Ravensbrück (Allemagne) depuis la gare de l’Est, le 11 août 1944, dans un convoi de 102 femmes (dont 73 rentrèrent). Elle reçut le matricule 61162.
Enceinte de quelques mois, elle y donna la vie à leur fille Sylvie, le 21 mars 1945. Olga Wormser-Migot évoqua comment Madeleine Aylmer, aidée par ses camarades de concentration, réussit à sortir vivante de Ravensbrück avec sa fille : « …Au camp, … Sylvie vint au monde onze jours après Guy, le petit garçon de Pierrette Poirot … Le 22 avril un convoi de la Croix-Rouge devait partir sous les auspices du Comte Bernadotte. Deux Françaises munies de deux paquets de linge se glissent dans le groupe des cinq cent Françaises désignées, groupe dont elles avaient été brutalement éliminées quelques jours plus tôt. Dans la fièvre du départ, pendant les appels ‘’Zü funf’’[par cinq] , les vérifications de dernière heure, les deux colis de linge passent de main en main, dissimulés de rang en rang… elles sont bien montées dans les camions avec les précieux ballots, puisque trois jours plus tard, à Triberg (Allemagne ) , un pédiatre stupéfait examinait les deux miraculés de Ravensbrück … »
Jean Aylmer, pseudonyme « Loiseau » dans la clandestinité, fils de Richard Louis, ingénieur du son de nationalité anglaise et de Marguerite Sophie Wagner, naquit le 27 septembre 1920 à Paris (Xe arr.). Il habitait 22 rue Château-Landon Paris (Xe arr.). Diplômé de l’école d’Horticulture de Chamigny près de la Ferté-sous-Jouare (Seine-et-Marne), il était sous-chef de serre au muséum d’histoire naturelle du jardin botanique d’Angers, puis chef de culture au château d’Audricourt dans l’Oise.
Réfractaire au service du travail obligatoire (STO), « ...il assuma la responsabilité d’agent permanent OCM sur Paris auprès de Maître Christian Pineau (Jean Vandel), chargé des contacts et du convoyage des renseignements pour le réseau Hector (Cincinnatus) en Seine et Seine-et-Oise, de la responsabilité du service des boites aux lettres, particulièrement sur Versailles et ses environs (Argenteuil, Conflans-Sainte-Honorine, Gonesse et Paris), à partir du début 1944 ».
Lors de son arrestation, il fut conduit avenue Foch, Paris (XVIe arr.), au siège de le Gestapo, puis déporté le 15 août 1944 au camp de concentration de Buchenwald (Allemagne), par le dernier train parti de la région parisienne, dans un convoi de 1654 hommes et de 543 femmes. Immatriculé sous le N° 76933, il fut transféré dans le terrible kommando de Dora (usine souterraine de construction des V1 et des V2), puis, évacué vers Nordhausen et Ellrich (Allemagne) le 3 mars 1945, d’où il fut porté disparu.
Le Directeur des Régions et des affaires militaires de l’OCM attesta le 20 juillet 1946, que Jean Aylmer avait été « un très bon élément, d’un esprit et d’un dévouement dignes de tous éloges, [avait accompli] de nombreuses missions de liaisons qui nécessitaient du sang-froid et de l’intelligence. Mort des suites de sa déportation ».
Reconnu officiellement « Mort pour la France », Jean Aylmer fut homologué à titre posthume , au grade fictif de sous-lieutenant et reçut la médaille de la Résistance française.
Le 29 avril 1945, Madeleine Aylmer fut rapatriée par la Suède avec sa fille Sylvie. Homologuée au grade fictif de sous-lieutenant, elle fut ultérieurement nommée officier de la Légion d’honneur, reçut la Croix de guerre 1939-1945 avec palmes, la médaille de la Résistance et la Croix de combattante volontaire de la Résistance.
Elle se remaria en 1948 avec Roger Roubenne. La famille habitait 6 avenue Fontaine à Champigny-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne). Elle était mère de trois filles, Sylvie née en 1945, Sophie née en 1949, Sonia née en 1953, et d’un garçon, Emmanuel né en 1955.
Après la guerre et jusqu’à sa retraite, Madeleine Aylmer travailla comme secrétaire au ministère de l’Education Nationale.
Une déportée de Stains (Seine, Seine-Saint-Denis), Marcelle Fourmond, déclara en 1947, « qu’elle était restée en correspondance avec plusieurs de ses compagnes d’internement en Allemagne, notamment avec Lise Corjon à Nogent-sur-Vernisson (Loiret) et Mady [Madeleine] Aylmer, 15 rue Chaudron à Paris (Xe arr.), desquelles elle produisit diverses lettres relatant des souvenirs de captivité ».
En 2003, Madeleine Aylmer/Roubenne résidait à l’Institution Nationale des Invalides, où elle mourut à 88 ans. Ses obsèques furent célébrées le 23 juin 2012 en la cathédrale Saint-Louis des Invalides.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article240729, notice LLUSCA Madeleine, Jeanne, Marie, épouse de Jean, André AYLMER par Gérard Larue, version mise en ligne le 3 juin 2021, dernière modification le 5 juin 2021.

Par Gérard Larue

De gauche à droite : Pierrette Poirot, X... et Madeleine Aylmer (D.R.)
De gauche à droite : Pierrette Poirot, X... et Madeleine Aylmer (D.R.)
Jean Aylmer clandestin
Jean Aylmer clandestin

SOURCES : SHD GR 16P 374375 Madeleine Llusca épouse Aylmer ; GR 16P 24829 Aylmer Jean André. – Fondation pour la Mémoire de la Déportation, liste N°I.262 et N°I.264 – Madeleine Aylmer/Roubenne J’ai donné la vie dans un camp de la mort préface de Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Éd. Lattès 1997 et J’ai lu 1999. – Sophie Aylmer/Laurent Wirth La République en héritage ou le fil de Marianne, Éd. L’Harmattan, 2019. – Olga Wormser-Migot Le Retour des déportés, préface d’Annette Wieviorka pages 312-313, 447, Éd. Archidoc, 2020. – France Culture : émission Hors Champs » de Laure Adler 18 avril 2011. – AFP 21 juin 2012, journaux : Le Monde, Libération, l’Observateur, l’Humanité, La Montagne.
Nos remerciements à Sylvie Aylmer/Bonnet, fille de Madeleine Llusca/Aylmer.

Photographies : D.R.

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