Par Denis Denisov
Né en 1876 à Poltava (Empire russe, de nos jours en Ukraine) ; militant social-démocrate et bolchévique, immigré politique à Lyon et Paris à partir de 1910 ; agitateur et propagandiste à Sébastopol sous l’intervention française à partir de février 1919, président du comité militaire révolutionnaire de Sébastopol à partir d’avril 1919.
Fils d’un relieur, tailleur de profession, il commença à militer dans le POSDR à Poltava et Simféropol en 1898 – 1900 sous le pseudonyme « Solomon ». Il se trouvait en 1901 et 1902 à Odessa en qualité d’agitateur, propagandiste et membre du comité du Parti. Il fut arrêté à Odessa en février 1902 et, après 1 an et 8 mois dans les prisons d’Odessa et de Grodno, exilé dans la province d’Irkoutsk. Il fut amnistié en 1905, il travailla en 1906 – 1907 à Irkoutsk, Poltava, Kharkov (Kharkiv) sous le pseudonyme « S. Lidov » en qualité d’agitateur, propagandiste et membre du comité du Parti. Il fut arrêté et après 3 mois d’emprisonnement il fut exilé à Krasny Yar, province d’Astrakhan. Il y continua le travail clandestin au sein du comité du Parti. Il fut arrêté en 1908 et après un an dans les prisons d’Astrakhan et Kharkov, il fut condamné à l’exil le 21 février 1909 (article 102 du Code pénal de l’Empire russe). Il s’évada en janvier 1910 et gagna l’étranger.
Il travailla à Lyon, puis à Paris aux Galeries Lafayette comme tailleur. Il participa activement à une grève pour l’augmentation des salaires de 10% qui dura du 27 février au 13 mars 1913. Le 7 mars il fut élu président du comité de grève lors d’une réunion à la salle Ferrer à la Bourse du Travail réunissant 150 personnes. Ces réunions étaient souvent tenues en russe d’où une confusion dans les rapports policiers qui appellent Gorodetski « Goordski ». Gorodetski et ses camarades firent face au patronat qui lança un rumeur selon laquelle les grévistes cherchaient à mettre dehors tous les Français qui travaillaient aux Galeries. En réalité ils avaient envoyé à leurs 18 collègues qui continuaient le travail un ultimatum par un tube pneumatique : il leur faudrait rejoindre la grève, sinon, les grévistes poseraient comme condition de reprise du travail le licenciement des briseurs de grève. Le bruit lancé par les patrons fut démenti publiquement lors de la réunion de 10 mars dans la salle de Grève à la Bourse du Travail. Les grévistes remportèrent finalement la victoire.
Gorodetski fut rapatrié après la révolution de Février 1917. En novembre 1918, il fut envoyé à Sébastopol pour mener la propagande clandestine auprès des marins et soldats français ainsi que pour organiser le mouvement des ouvriers de l’Arsenal de Sébastopol. Il y arriva en février 1919. Lors du mouvement de grève en mars 1919 provoqué par l’interdiction des manifestations pour célébrer le deuxième anniversaire de la révolution de Février, Gorodetski fut élu au comité de grève. Selon le secrétaire du syndicat des métallos de Sébastopol Lyssenko, Gorodetski rédigea certains tracts en français. Peu après l’élection du comité de grève, Gorodetski devint président du comité militaire révolutionnaire de Sébastopol créé clandestinement le même mois. Il fut arrêté peu après, mais ce comité réussit néanmoins à ralentir l’envoi des munitions pour les troupes Blanches sur l’isthme de Perekop qui défendait l’accès à la Crimée. Par ailleurs, il avait réussi des actions de diversion et à prendre le contrôle de la milice ouvrière formellement aux ordres d’un menchevik. Cette dernière avait été créée à l’origine sous l’égide du commandement français (qui l’avait équipée de 800 fusils français) pour surveiller les stocks de munitions de la Marine russe.
L’arrestation de Gorodetski ne dura que trois jours car le gouvernement local lié à l’Entente tomba devant l’offensive des Rouges sur Sébastopol.
Le conseil municipal de Sébastopol céda son pouvoir au comité révolutionnaire. Le 20 mars 1919, Gorodetski prononça un discours de salut en français au nom du comité militaire révolutionnaire lors d’une manifestation commune des ouvriers locaux et des marins français. Ces derniers venaient de se mutiner en réaction à l’interdiction des permissions. Le même jour il mena les pourparlers avec les commandants des troupes et le Marine françaises.
Le 28 avril il fut élu à la tête du conseil économique (sovnarkhoz) au sein du Gouvernement provisoire ouvrier et paysan de Crimée.
Il quitta la région en juillet 1919 quand la Crimée fut reprise par les Blancs.
Dans les années 1920-1930, il travailla à Rostov-sur-Don. Il fut arrêté en 1936 et fusillé en 1937 à Rostov-sur-Don pour « avoir participé à une organisation contre-révolutionnaire ». C’est sa participation à la Société des bagnards politiques et exilés qui était visée. Comme nombre de « vieux bolcheviks » éliminés sous Staline, il fut réhabilité sous Khrouchtchev, le 10 octobre 1956.
Par Denis Denisov
SOURCES : Compte-rendu de l’entrevue de l’amiral avec le président du comité révolutionnaire de Sébastopol le 20 avril 1919, Service historique de la défense, M SS A 173, dossier « Forces navales », sous-dossier « 2° ESCADRE DIDEROT [et] JEAN BART ». — [Grève des 27 février – 13 mars aux Galeries Lafayette], Archives nationales, F 7 13881 (fonds du Ministère de l’Intérieur), dossier « Habillement ». — Lyssenko, Andrei, « Krym do vtorogo prikhoda sovetskoi vlasti [Crimée avant la deuxième arrivée du pouvoir des soviets] », Revolutsia v Krymu [Révolution en Crimée] n° 2, 1923, p. 15-28. — [Mémoires de] Gorodetski Ya. F., Archives d’État de la République Crimée [GARK], F. P-150, Op. 1, d. 334. — [Mémoires de] Semionov I. N., GARK, F. P-150, Op. 1, d. 701. — Polititcheskaya katorga i ssylka : biografithceskiy spravotchnik tchlenov o-va politkatorjan i ssyl’no-posselentsev [Bagne et exil politique : indicateur biographique des membres de la société des bagnards politiques et exilés], Vessouznoe obchtchestvo politkatorjan i ssyl’no-posselentstev, Moscou, 1934. — Vladimirskiy, Mikhail, Krasnyy Krym 1919 goda [La Crimée rouge de 1919], Izdatel’stvo Olega Pahmutova, Moscou, 2016.