CHALMEY Joseph, Albert dit Albert

Par Jean-Marie Guillon

Né le 18 mars 1889 à Réchésy (Territoire de Belfort), abattu le 25 octobre 1944 à Lugnez (Suisse) ; employé des Ponts et Chaussées ; résistant, passeur dans le Territoire de Belfort..

Fils de Jean-Baptiste Chalmey, charpentier, et de Marie-Louise Chevrolet, sans profession, Albert Chalmey était le troisième d’une famille de neuf enfants.
Il fit son service militaire au 11e régiment de chasseurs de Vesoul (Haute-Saône) de 1910 à la fin de 1912. Son sérieux le fit embaucher par les Ponts-et-Chaussées comme cantonnier. Il fut envoyé à Moval (Territoire de Belfort). Il fut mobilisé en 1914 au 11e chasseurs, puis affecté à la 14e division d’infanterie comme agent de liaison. Il prit part à la bataille de Verdun, ce qui lui valut d’être inscrit sur le Livre d’or des soldats de Verdun sous le numéro D 3851. Il prit part ensuite aux combats de la Somme, de La Malmaison (Aisne) et de l’Argonne avec le 9e régiment de cuirassés. Ses quatre frères qui avaient été également mobilisés sortirent comme lui indemnes de la guerre. Dans l’Argonne, il avait fait connaissance d’Eugénie Mathieu avec laquelle il se maria à Joinville (Haute-Marne), une fois la guerre terminée. Le couple eut sept enfants. Albert Chalmey avait été nommé cantonnier dans sa commune natale de Réchézy, frontalière de la Suisse, où il s’employait aussi comme journalier agricole et bûcheron.
Il fut décoré de la Médaille d’honneur le 15 novembre 1937. Mobilisé dans la territoriale en 1939, il mit sous l’occupation sa parfaite connaissance du terrain au service de ceux qui cherchaient à passer en Suisse, en particulier des prisonniers évadés, des Alsaciens, certainement des juifs, puis des réfractaires au travail obligatoire en Allemagne. Son fils, voulant s’engager dans l’armée française, en bénéficia en septembre 1944. Albert Chalmey n’appartenait pas à une filière organisée, ni à un mouvement clandestin. Les témoignages collectés par son petit-fils attestent de son entier bénévolat. Il arrivait aussi à son épouse et lui de donner à manger aux candidats au passage de la frontière. Il aurait ainsi fait passer via le Mont-de-Lugnez des dizaines de personnes, peut-être des centaines. Il est certain en tout cas que son dévouement était bien connu dans les environs. C’est ce qui provoqua sa perte. Il fut piégé à l’automne 1944 par des éléments du groupe du caporal Heinrich de la 8e compagnie Brandebourg, alors repliée en Alsace (et non par la Milice avec laquelle elle n’a aucun rapport). Les éléments de ce groupe qui opéraient en civil stationnaient à Altkirch (Haut-Rhin). Ils furent chargés de repérer les filières de passage de la frontière. L’un d’eux, Gilbert Lamblin, se faisant passer pour maquisard (ce qui était la spécialité des hommes de la compagnie), obtint à Delle (Territoire de Belfort) l’adresse de Chalmey, chez qui il se présenta, le 25 octobre 1944, avec Armand Castro dit Teddy, pendant qu’Heinrich, Harriot et une jeune femme attendaient à l’extérieur. Albert Chalmey accepta de leur faire passer la frontière. Arrivé à proximité, alerté par leur comportement, il tenta de fuir et traversa les barbelés. Il fut tué à coups de revolver, notamment par Lamblin, en territoire suisse où il agonisa plusieurs heures. Ses assassins allèrent ensuite piller sa maison, volant argent, linge, vivres. Son épouse fut arrêtée et gardée quarante-huit heures en prison. Son corps fut repéré le 29 octobre, mais, d’après Le Nouvelliste Valaisan du 10 novembre, c’est le 2 novembre qu’il fut signalé par des chasseurs à soixante mètres de la frontière. Il fut formellement identifié les 8 et 10 novembre. Albert Chalmey fut enterré à Porrentruy (Suisse). Ses restes furent transférés à Réchésy le 23 décembre 1949.
Son nom figure sur le monument aux morts de cette commune. Il fut homologué DIR. La Croix de guerre avec palme et, le 27 mars 1960, la Médaille militaire lui furent décernées à titre posthume. Son petit-fils et la société d’histoire locale C.S.V. (Coeuvatte, Suarcine, Vendeline) se sont efforcés récemment de faire sortir son nom de l’oubli.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article240863, notice CHALMEY Joseph, Albert dit Albert par Jean-Marie Guillon, version mise en ligne le 8 juin 2021, dernière modification le 10 juin 2021.

Par Jean-Marie Guillon

SOURCES : SHD, Vincennes, GR 16 P 117341 et AVCC, Caen, AC 21 P 724677 avec une erreur sur la date de décès (nc). — Presse locale : Le Nouvelliste Valaisan, 10 novembre 1944, Le Pays 25 avril 2004, Les Dernières Nouvelles d’Alsace, 9 mars 2021, etc.). — Anne Kleiber, Michel Schmitz, « Albert Chalmey, passeur à Réchésy, assassiné par la Milice en 1944 », Bulletin annuel Association C.S.V. n°13, 2018. — Olivier Pigoreau, Sanglante randonnée. Les Français de la division « Brandebourg » et des formations de chasse SS, Paris, Histoire & Collections, 2013, p. 139. — Informations aimablement fournies par Anne Kleiber.

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