PIVERT Charles, René

Par Jacques Girault, Gilles Morin, Justinien Raymond

Né le 7 avril 1899 à Montmachoux (Seine-et-Marne), mort le 17 février 1981 à Paris (XVIe arr.) ; instituteur ; militant syndicaliste et socialiste de la Seine ; conseiller syndical du SNI, secrétaire de l’UL-CGT du XIVe arrondissement ; membre de la CAP de la SFIO (1937-1940) ; collaborateur du Comité France-Europe durant l’Occupation.

Fils d’un marchand de vins et d’une épicière de Montmachoux, devenus propriétaires d’un café-hôtel à Nemours (Seine-et-Marne), Charles Pivert, fut uniquement baptisé. Frère cadet de Marceau Pivert, il entra dans le même cycle d’études primaires et d’études primaires supérieures à Nemours, qu’il poussa moins loin. Entré à l’Ecole normale d’instituteurs de Paris (Auteuil) en 1916, il fut mobilisé en 1918, et devint instituteur à Billancourt, puis brièvement professeur au lycée d’Alexandrie (Egypte) où il fut initié à la Franc-maçonnerie. Il enseigna ensuite longtemps comme instituteur à Paris (école de la rue Corbon dans le XVème arr.) comme sa femme qu’il avait épousé uniquement civilement en août 1925 à Paris (XVe arr.).

Membre du Syndicat national des instituteurs depuis 1924, il entra au conseil syndical de la section de la Seine en 1925 et en demeura membre jusqu’en 1940. De 1927 à 1940, il fut élu dans la circonscription comprenant les XIIIe, XIVe, XVe et XVIe arrondissements au conseil départemental de l’enseignement primaire de la Seine. En 1925, secrétaire du comité d’études et d’action pour l’école unique, il écrivit dans ce cadre deux brochures sur l’école unique et sur l’enseignement technique. En 1934, il fit partie de la délégation des instituteurs invités en URSS. En outre, il fut secrétaire, de 1929 à 1934, de l’union locale des syndicats CGT du XIVe arr. de Paris où il habitait, boulevard de Vaugirard. Il approuva le mouvement des « 22 » pour l’unité syndicale et sympathisait avec les idées de La Révolution prolétarienne.

Dès son entrée au Parti socialiste SFIO en 1925, Charles Pivert se rangea dans la tendance de la Bataille socialiste. Il se sépara d’elle en 1937, sur le problème de l’unité ouvrière. Il s’opposait à la tendance Gauche révolutionnaire dirigée par son frère Marceau. Critiquant lors d’une réunion socialiste « la gauche dite révolutionnaire », il s’attira la réplique immédiate de René Lefeuvre : « Ta gueule, Charles dit Pivert ! ».

Il assura pendant plusieurs années le secrétariat de la 14e section. Depuis 1925, il appartenait également à la commission exécutive fédérale. Il fut longtemps représentant de la Fédération auprès du groupe socialiste à l’Hôtel de Ville. Aux côtés de Suzanne Buisson et de Bracke, il administra l’École supérieure socialiste qui tenait séance tous les mardis salle des Sociétés savantes. Il appartint, avant la Seconde Guerre mondiale, au secrétariat de la Fédération socialiste de la Seine et, en cette qualité, fut jusqu’en février 1939 secrétaire du Comité d’entente socialiste-communiste. En 1937-1938, il siégea comme suppléant à la CAP du Parti socialiste et, les mêmes années, fut détaché aux ministères de l’Intérieur de Roger Salengro, de Marx Dormoy puis chargé de mission au deuxième gouvernement de Léon Blum. Il fut encore secrétaire aux relations extérieures de la fédération Seine, après sa dissolution en février 1938. Il fut gréviste le 30 novembre 1938.

Militant à la puissante carrure et à la voix bien timbrée (Barthélémy Mayéras l’appelait “ le camarade Stentor ”), il joua souvent le rôle de garde du corps de Blum et fut de tous les services d’ordre des grandes manifestations. À quatre reprises, la Fédération socialiste le présenta aux élections municipales de Paris, dans des batailles perdues d’avance : en 1925, alors qu’il revenait de son séjour en Égypte, il défendit les couleurs socialistes dans le quartier de Montparnasse où il obtint plus de 900 voix ; en 1929, il se battit dans le quartier de la Santé et se désista pour le candidat communiste ; en avril 1937, puis le 20 juin 1937, candidat dans le quartier de la Porte Saint-Denis du Xe arr. au siège d’Oscar Dufresne, il se désista pour Alban Satragne, en compagnie du communiste Lucien Sampaix ; le 22 mai 1938, c’est dans le quartier de Plaisance où il tenta, en vain, de conquérir le siège libéré par la démission de Marcel Paul.

Venu au socialisme à cause de ses origines populaires et par l’étude, il écrivit avoir été surtout conquis par les thèses sur le “ refus de parvenir ” d’Albert Thierry, ce professeur à l’École normale d’instituteurs de Melun qu’il avait connu et qui trouva la mort sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale. À son exemple, Charles Pivert fut aussi un militant défenseur de la laïcité : pendant cinq ans, de 1926 à 1930, il présida l’œuvre des patronages laïques des VIIe et XVe arr. de Paris. S’il collabora à la presse syndicale et, épisodiquement, à quelques organes socialistes, il fut surtout dans l’action au jour le jour. Cependant, avant la Seconde Guerre mondiale, il publia à son compte et sous le titre Ennemis du peuple, une brochure donnant le nom de deux cents adhérents au Francisme de Bucard, une des ligues néo-fascistes.

Après sa mobilisation en 1939-1940, il fut révoqué et mis à la retraite d’office par le gouvernement de Vichy de ses fonctions dans l’enseignement, le 4 octobre 1941. Il n’était plus franc-maçon depuis 1937. Cette mesure sanctionnait son action passée car il avait rompu avec le Parti socialiste. En juillet 1941, Charles Pivert appartenait au bureau de l’organisation France-Europe créée par François Desphelippon. Il fut désigné par le Comité France-Europe, secrétaire à la commission des liaisons et de l’organisation internationale. Il entreprit des études de droit et, à quarante-deux ans, conquit la licence. Il devint alors ingénieur au Bureau d’étude pour l’application du salaire proportionnel. Il écrivit en 1944 un dépliant de quatre pages, Le SP et les comités sociaux.

Il fut poursuivi en 1945, au titre de l’article 75 du code pénal, on lui reprochait d’avoir collaboré à L’Œuvre de Marcel Déat puis à Germinal, et d’avoir milité dans les rangs du RNP, mais ce dernier fait ne put être établi. Le conseil académique proposait par ailleurs de le révoquer de sa fonction d’instituteur. Il fut remis en liberté, bénéficiant d’une procédure de classement de son dossier en décembre 1945, entériné le 8 février suivant par la Cour de Justice de la Seine.

Divorcé en 1942, il se remaria en janvier 1944 à Paris (XIème arr.).

Charles Pivert, après avoir appartenu au Parti socialiste démocratique de Paul Faure, adhéra au Rassemblement du peuple français créé par le général de Gaulle. Il y fut chargé de l’organisation ouvrière dans la région parisienne et assura le secrétariat d’une commission d’études sur les problèmes de l’association capital-travail. Il fut candidat Républicain social aux élections législatives de 1956 en Charente.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24149, notice PIVERT Charles, René par Jacques Girault, Gilles Morin, Justinien Raymond, version mise en ligne le 3 janvier 2009, dernière modification le 9 avril 2021.

Par Jacques Girault, Gilles Morin, Justinien Raymond

ŒUVRE : Le Parti socialiste et ses hommes. Souvenirs d’un militant, France-Éditions, Paris, s.d. [1951].

SOURCES : Politische Archiv des Auswärtigen Amtes (Bonn). — Réponses à l’enquête de J. Girault en 1975. — Rens. mairie Montmachoux. — Jacques Kergoat, Marceau Pivert, “socialiste de gauche”, Paris, Éditions de l’Atelier/Éditions ouvrières, coll. « La part des hommes », 1994.

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