PIVERT Marceau, Souverain [version ancienne]

Par Justinien Raymond

Né le 2 octobre 1895 à Montmachoux (Seine-et-Marne), mort le 3 juin 1958 à Paris (XVe arr.) ; professeur de sciences physiques ; militant du syndicalisme et du socialisme révolutionnaires.

Voir une nouvelle version, par Quentin Gasteuil, Marceau Pivert

Couverture du livre de Jacques Kergoat, Marceau Pivert, "socialiste de gauche", Éditions de l’Atelier, coll. « La part des Hommes », 1994

Au cours d’une existence traversée par deux guerres mondiales qui ont meurtri sa jeunesse et durement éprouvé son âge mûr, Marceau Pivert apparaît dans le mouvement ouvrier et socialiste, national et international, comme une figure originale et attachante qui s’est peu à peu dégagée tout au long d’une vie de combat ininterrompu et multiforme.

Il naquit dans un foyer aux solides traditions républicaines, aux revenus modestes. Ses grands-parents paternels et maternels sortaient d’une lignée de petits paysans. Sa mère, adolescente, fut “ bonne à tout faire ” comme on disait alors, chez son instituteur. Après leur mariage, ses parents prirent, près de Montereau, une de ces petites boutiques-bazars comme il en existait jadis dans tous les villages du pays : mercerie, épicerie, commerce de vins, etc. Au temps de la moisson, son père quittait la boutique pour se faire journalier agricole. Pour permettre à Marceau et à son frère cadet de poursuivre leurs études, les parents prirent, en 1904, une pension-auberge à Nemours, juste au pied du château des Ducs : des ouvriers, pionniers du syndicalisme local, diamantaires et typographes, en occupaient les six chambres. Au sortir de l’école primaire dirigée par un cousin, l’instituteur Aujard, il entra à l’école primaire supérieure de Nemours qui le dirigea vers l’École normale d’instituteurs. Admis par concours, en 1912, à l’École normale d’instituteurs de la Seine, à Auteuil, il n’y achèvera pas les trois ans de scolarité normale. Le 19 décembre 1914, il venait d’avoir dix-neuf ans, la mobilisation l’appela avec la classe 1915. Au front dès avril 1915, fantassin dans les pires conditions du début de la guerre, gazé en Lorraine, il tomba gravement malade, atteint de lésions rénales et cardiaques, frappé de paralysie pendant plus d’un an. Le 9 juillet 1915, ses parents avaient reçu le télégramme jaune tant redouté des familles de combattants. On s’était un peu hâté : Marceau Pivert, qui avait refusé la confession à l’aumônier de service, auprès de qui on avait déjà placé un cercueil, survécut, contre toute attente. Après une longue période de soins, réformé à 60 % en 1917, il fut rendu à la vie civile, à ce que, en plaisantant, il appelait les années de “ rabiot ”, inespéré au-delà de ses vingt ans. Ce fut une période d’une exceptionnelle fécondité, dans l’activité professionnelle et dans le combat politique qui durant quarante ans ont marqué la vie de Marceau Pivert.

Parallèlement à un combat socialiste toujours plus dévorant, Marceau Pivert a assuré la vie d’un foyer par une carrière professorale menée jusqu’à son terme normal, la retraite, terme que la mort suivit de près. Si cette carrière comporte des cassures, c’est que son action syndicale et politique l’exposa plusieurs fois à des mesures de répression. Nommé instituteur à Montrouge en 1917, il prépara le concours d’entrée à l’École normale supérieure de Saint-Cloud où il fut admis d’emblée en 1919 dans la section des sciences. Par curiosité d’esprit il y suivit les cours du professeur Mélinand dans la section de philosophie. Outre ses études à Saint-Cloud, il passa en Sorbonne des certificats de licence de morale et de sociologie, de psychologie et de sciences de l’éducation. Il soutint, indice d’une orientation d’esprit, un diplôme d’études supérieures consacré au socialiste “ utopique ”, Constantin Pecqueur. Admis à sa sortie de Saint-Cloud au grade de professeur des EPS et des EN en 1921 et affecté à l’EPS de Sens (Yonne), il fut traduit quelques mois après devant le conseil de discipline pour action révolutionnaire, sous la pression du patron de la droite dans l’Yonne, Pierre-Étienne Flandin, et rétrogradé à un poste d’instituteur.

Rendu à son corps, il enseigna tour à tour à l’EPS de Rambouillet, dans un cours complémentaire parisien, enfin à l’EPS de Suresnes. Reçu 10e au concours national de l’inspection primaire et de la direction des Écoles normales, alors bâton de maréchal des anciens de Saint-Cloud, Marceau Pivert n’accepta jamais d’occuper l’un de ces postes d’autorité ; en 1929, il refusa l’inspection primaire de Lannion. Dix ans plus tard, en 1939, dans l’atmosphère de répression qui précéda la Seconde Guerre mondiale, poursuivi pour propagande anti-guerre, il fut révoqué. La Libération lui rendit justice : de 1945 à sa retraite en 1955, il enseigna à Paris au collège devenu depuis le lycée Jean-Baptiste-Say.

L’enseignement fut donc pour Marceau Pivert une vocation, vocation qu’il transmit à sa fille. Il n’y avait pas deux Marceau Pivert : le professeur et le militant servaient le même idéal, avec la même foi. Lucien Weitz, qui fut son camarade à la SFIO puis au Parti socialiste ouvrier et paysan (PSOP), se souvint, trente-cinq ans après, de son arrivée dans le cours complémentaire parisien où il fut son élève. “ Marceau, écrit-il, était entré dans notre classe d’adolescents... d’un pas décidé, le regard sévère, le geste large et péremptoire, mais souriant à pleines dents. Aucun de nous ne pouvait se tromper : il ne faudrait pas broncher avec le nouveau prof’ de maths et de physique. Vite, nous devions découvrir que, chez ce maître, ce qui dominait, c’était le sourire, expression de sa bonté, de son équité, de son souci profond de nous connaître, de nous comprendre, de nous aider. Sévère et exigeant pour le travail, Marceau était le frère aîné de ses élèves : il aimait avec passion son métier ; c’était un grand pédagogue. ”

Pourtant, Marceau Pivert ne s’enfermait pas dans sa classe ni dans son bureau. Il mena tous les combats de l’enseignement public. Rescapé de la grande tuerie, il organisa les Anciens combattants de l’enseignement et assura un temps le secrétariat de leur association. Il militait à la Ligue de l’enseignement et appartint pendant dix ans à son Comité central. Affilié au Syndicat national des instituteurs, membre de son Bureau national en 1931-1933, il participa à toutes ses luttes, à toutes ses grèves et notamment à celle du 30 novembre 1938, au lendemain des accords de Munich, qui sera le vrai motif de sa révocation. À la Ligue comme dans son syndicat, Marceau Pivert fut un des promoteurs de l’idée "d’école unique ”, le combat d’alors pour la démocratisation de l’enseignement. Nous retrouvons encore Marceau Pivert dans deux organisations politiques et philosophiques où l’élite des membres de l’enseignement joua toujours un rôle primordial. Il adhéra à la Ligue des droits de l’homme et du citoyen et, au moins dans sa jeunesse, y milita activement. Initié en 1919 dans la Franc-maçonnerie, il lui resta toujours fidèle, même si son activité y fut à éclipses, par la force des choses. Il appartenait à la Loge “ l’Étoile polaire ” affiliée au Grand Orient de France et parvint à une dignité élevée (chevalier Kaddoch). Il aimait la chaleur fraternelle des loges. La libre recherche, le libre examen qui y régnaient, alliés à un messianisme humaniste convenaient à son esprit scientifique.
Il défendit avec perspicacité et énergie l’école publique, contre ses détracteurs. Le combat laïque de Marceau Pivert débordait le terrain de la lutte entre le rationalisme et la foi. Il était un aspect de son combat de classe. Il l’a défini clairement dans un écrit, L’Église et l’École que préfaça Léon Blum.

Une vie universitaire et para-universitaire aussi pleine, témoigne assez que la politique ne fut pas, pour Marceau Pivert, une carrière. Mais l’action politique fut certainement sa passion, le domaine où il se réalisa pleinement. C’est par son action politique qu’il appartient à l’histoire. Pendant les trois ans qui suivirent sa sortie de Saint-Cloud, il borna sa vie militante à l’action laïque et syndicaliste. En 1924, dans le prolongement de cette double activité, dans le droit fil de ses traditions familiales (un de ses grand-oncles avait été banni après le coup d’État du 2 décembre, son grand-père paternel était un militant radical de la région de Provins), mûri par une cruelle expérience de la guerre, par des études polyvalentes, Marceau Pivert adhéra au Parti socialiste SFIO, mais aussi à la Ligue de la République que présidait Paul Painlevé et qui était, selon le vocabulaire politique du temps, d’esprit cartelliste. Cette dernière appartenance ne préjugeait en rien de ses futures positions dans le mouvement socialiste.

À vingt-neuf ans, c’est à un Parti socialiste convalescent que Marceau Pivert apporta son adhésion, à un Parti socialiste qui, ayant à peine fondu les courants unifiés en 1905 dans la SFIO, venait de se briser, en décembre 1920, au congrès de Tours, en écho à la Révolution russe de 1917. Marceau Pivert avait donc choisi la “ vieille maison ”. Mais il y entra à la Fédération de l’Yonne, qu’il allait réorganiser, fédération encore toute imprégnée de l’apostolat antimilitariste et insurrectionnaliste de Gustave Hervé. Sans faire le moins du monde de Marceau Pivert un “ hervéiste ”, nous y reviendrons, ne peut-on voir là une des racines de son socialisme pacifiste ? Nommé à Paris, Marceau Pivert s’inscrivit à la section de son domicile, celle du XVème arr. Elle deviendra, en grande partie grâce à lui, une des plus fortes, une des plus actives et la plus prolétarienne de la Fédération de la Seine dans les années qui précédèrent la Seconde Guerre mondiale. Elle était, pour les socialistes, comme pour l’opinion, la section de Marceau Pivert. Il en fut de longues années le secrétaire et l’un de ses candidats aux deux dernières élections législatives de la IIIème République. Dans la 3ème circonscription du XVème arr., il recueillit 1 409 voix sur 12 212 électeurs inscrits en 1932 et 2 351 sur 13 095 en 1936, assurant alors, par son désistement, le succès du Front populaire sur le nom du candidat communiste, Charles Michels*.

Dans ces années trente, années de crise, Marceau Pivert atteint à la notoriété. Ses traits et son allure physique, sa personnalité morale lui composaient un personnage distingué et séduisant. Grand et svelte, une figure au regard à la fois fulgurant et bon et encadrée d’une belle chevelure brune qui restera abondante en prenant la teinte de l’âge, ardent, courageux, généreux, doué d’une éloquence entraînante qu’il savait ne point trop encombrer de théorie, devant les grands auditoires, Marceau Pivert a suscité beaucoup d’amitié et de dévouement parmi les militants, mais aussi agacé l’appareil d’un parti vieillissant que sa rigueur doctrinale encombrait.

Marceau Pivert s’imposa d’abord, dans un Parti socialiste renaissant, par sa valeur personnelle, par sa culture marxiste supérieure à celle de la moyenne des cadres du parti, et aussi par les résultats de son action militante. Déjà membre de la direction fédérale de la Seine (il a longtemps été secrétaire administratif), il entra en 1933 dans l’organisme dirigeant du Parti socialiste, la commission administrative permanente (CAP), composée à l’image des courants idéologiques du parti. Aux côtés de Jean Zyromski* (voir ce nom), Pivert fit figure de chef de file de la gauche du Parti socialiste appelée, comme l’organe qui en exprimait la pensée, la “ Bataille socialiste ”. Avec elle, il voulait maintenir le Parti socialiste sur le terrain de classe. Il combattit fermement le “ ministérialisme ”, l’idée de la participation socialiste à un gouvernement bourgeois que préconisait la tendance de droite, celle de “ la Vie socialiste ”, menée par Pierre Renaudel* et Marcel Déat* .

Dans les années précédant immédiatement la Seconde Guerre mondiale, dans un monde marqué par la grande crise des années trente et ses conséquences sociales et politiques, intérieures et extérieures, la pensée de Marceau Pivert s’affermit et le situa à l’extrême gauche du Parti socialiste. Le danger fasciste qui culmina dans le coup de force des ligues le 6 février 1934, le projeta sur le devant de la scène, tant son rôle fut grand dans la riposte. Il mit sur pied une organisation défensive, une sorte de milice ouvrière, les TPPS (Toujours Prêts pour Servir) qui, durant deux ans, tint la dragée haute aux groupes de combat d’extrême droite. Dans les contacts qui conduisirent au front commun des deux partis ouvriers, l’action de Marceau Pivert, aux dires de Zyromski, son plus proche partenaire socialiste, fut capitale. Mais, d’accord sur la nécessité de l’unité d’action, Zyromski et Pivert n’en faisaient pas le même usage. Pour Zyromski, elle devait permettre la lutte contre le fascisme en France et, au dehors, l’alliance des démocraties bourgeoises et de l’URSS contre l’Allemagne hitlérienne, la Révolution étant provisoirement écartée au profit du front de lutte antifasciste. Pour Marceau Pivert, au contraire, une situation révolutionnaire mûrissait en France ; l’unité d’action devait permettre d’en cueillir les fruits et c’était le meilleur moyen de défendre l’URSS et de combattre le fascisme hitlérien. Il fondait ses espoirs sur un Front populaire de combat et non sur une coalition hétéroclite plus préoccupée de tactique électorale que d’action de masses. Il mettait sa confiance dans les masses, en elles seules et, lui qui ne ménageait pas le “ stalinisme ”, croyait à la vertu de l’unité d’action du Parti socialiste et du Parti communiste, pour chacun des partis ouvriers et pour atteindre à un niveau supérieur de la lutte des classes.

La menace de guerre se profilant à l’horizon provoqua donc un clivage au sein de la gauche du Parti socialiste. Marceau Pivert ne croyait pas pouvoir combattre le fascisme en abandonnant le terrain de classe ni au dedans, ni au dehors. Le glissement qui s’amorçait vers l’Union sacrée le fit se cabrer. Le 30 septembre 1935, il décida d’organiser la “ Gauche révolutionnaire ” au sein du Parti socialiste. S’y retrouvaient, bien sûr, des militants de la “ Bataille socialiste ” partageant ses convictions, mais aussi des rescapés d’une ancienne extrême gauche socialiste, le CSAR (Comité socialiste d’action révolutionnaire), le groupe Spartacus de René Lefeuvre, des communistes d’opposition, quelques anciens de la tendance “ Révolution constructive ”, mouvement d’intellectuels se réclamant du socialiste révisionniste et du “ planiste ” belge Henri de Man, en définitive, beaucoup d’intellectuels, beaucoup de jeunes. Le 9 octobre 1935, dans la tribune libre du Populaire, il en appela au parti pour entreprendre “ un effort de restauration des valeurs révolutionnaires et de liquidation des idéologies pacifistes et réformistes ”.

Dès sa naissance, la Gauche révolutionnaire se situa dans la mouvance d’un courant socialiste original, distinct tout autant de l’Internationale ouvrière socialiste que de la IIIème Internationale et du mouvement trotskyste : le Bureau international d’unité socialiste révolutionnaire (BIUSR), plus connu sous le nom de Bureau de Londres. Formellement créée depuis quelques mois, cette organisation regroupait un certain nombre de partis socialistes européens qui, depuis le début des années trente, avaient rompu avec l’IOS sur sa gauche. Ils étaient désireux de mener une politique de lutte plus active contre le fascisme, ne refusaient pas dans ce but l’éventualité de l’unité d’action avec le Komintern, prônaient enfin un socialisme révolutionnaire tout en privilégiant l’action de masse. Appartenant à la SFIO et donc à l’IOS, la Gauche révolutionnaire ne pouvait bénéficier d’une double affiliation internationale, aussi n’adhéra-t-elle pas formellement au Bureau de Londres, contrairement au Parti ouvrier d’unification marxiste (POUM) espagnol créé au même moment. L’ILP britannique, des groupes allemands, suédois, italiens, polonais, etc... faisaient partie de cette organisation. Ces liaisons internationales marquèrent et expliquèrent toute l’action de Marceau Pivert jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.

Tout en prenant ses distances sur le plan idéologique avec la majorité de la SFIO, non seulement Marceau Pivert ne bouda pas l’action du parti mais s’attacha à la rendre plus dynamique, plus exigeante, plus féconde. Après l’avoir armé pour les combats en créant les TPPS, il mit les moyens audio-visuels, radio et cinéma, au service de sa propagande, des manifestations du Parti socialiste et des grandes démonstrations du Front populaire. Il mettait très haut son objectif. Au lendemain de la victoire électorale de 1936, il fit quelque bruit en affirmant dans Le Populaire du 27 mai que “ tout est possible ” (on n’a retenu qui cette formule que ne résume pas l’article). “ On ne pourrait pas impunément remettre à plus tard, clamait-il, sous prétexte que le programme du Rassemblement populaire ne l’a pas explicitement définie, l’offensive anticapitaliste la plus vigoureuse. ”

Léon Blum devenu chef du gouvernement de Front populaire attacha Pivert au secrétariat de la présidence du Conseil, et le chargea de mission auprès de la presse, de la radio et du cinéma. Reconnaissance de ses mérites ? Volonté de le lier ? Les deux peut-être. Avec l’accord de tous ses proches camarades, sauf Daniel Guérin*, Marceau Pivert accepta. Aux trois postes de radio d’État dont il était chargé, Paris-PTT, Radio-Paris et Radio-colonial, il donna la parole à la CGT et au Centre confédéral d’éducation ouvrière. Il y appela Pierre Paraf*, sans parti, et un brillant rédacteur du Populaire, le socialiste Pierre Brossolette*, et il rappela Louis Vallon, technicien et socialiste auquel la droite avait retiré sa chronique économique.

Si on avait voulu brider Marceau Pivert en lui confiant une fonction officielle, on s’aperçut bien vite qu’il n’était pas de ceux que l’on attache. Les événements allaient bientôt le dresser contre certains aspects de la politique du gouvernement de Front populaire puis contre le parti lui-même, parce que, s’il confondait “ les certitudes doctrinales ” avec “ les nécessités tactiques ”, le mot est de lui, il ne saurait admettre que celles-ci contredisent celles-là. Le gouvernement de Léon Blum venait de naître quand éclata la rébellion militaire du général Franco contre le gouvernement de “ Frente Popular ” de Madrid, rébellion qui bénéficia d’emblée de l’appui de l’Italie fasciste et de l’Allemagne nazie. La droite française, exultant de joie, accusa Blum de vouloir intervenir en Espagne. La plupart des ministres radicaux et socialistes, le gouvernement conservateur de Grande-Bretagne firent pression sur Blum. Celui-ci qui n’avait jamais songé à autre chose qu’à une aide matérielle à un gouvernement régulier et ami, fit adopter par les puissances européennes la politique dite de “ non-intervention ” qui, à l’évidence, fut une duperie. Marceau Pivert redoutait à un tel point la transformation de la guerre civile en guerre internationale que son premier mouvement fut d’approbation de la non-intervention décidée par Blum, d’autant qu’il condamnait l’action menée par les communistes à l’égard du POUM, de la Confédération nationale du Travail (CNT), anarcho-syndicaliste et de la Fédération anarchiste ibérique (FAI), libertaire. Il défendit ce point de vue lors d’une conférence internationale du Bureau de Londres organisée à Bruxelles du 31 octobre au 2 novembre 1936 à laquelle assistèrent des organisations venant de la plupart des pays européens et polémiqua au sujet de la guerre d’Espagne et de la non-intervention avec le communiste André Ferrat* qui animait le groupe “ Que faire ? ” Contre l’avis de Marceau Pivert, la Gauche révolutionnaire prit finalement partie contre la non-intervention. Pivert appliqua loyalement l’orientation de son courant. Il rendit à la cause de la liberté en Espagne, tous les services que lui facilitaient ses fonctions à la présidence du Conseil. Il favorisa l’envoi d’armes à travers les Pyrénées et beaucoup de militants de la “ Gauche révolutionnaire ” animaient le Comité d’action socialiste pour l’Espagne (CASPE). Voir Michel Collinet.

Au début de 1937, Marceau Pivert n’hésita pas à rompre. Le 28 janvier, deux semaines après la proclamation de la “ pause ” par Léon Blum*, il renonça à ses fonctions auprès du gouvernement. “ Non ! Je ne serai pas un complice silencieux et timoré, proclama-t-il. Non ! Je n’accepte pas de capituler devant le militarisme et les banques. Non ! Je ne consens ni à la paix sociale, ni à l’union sacrée. ” Le 16 mars 1937, l’affrontement, évité jusqu’ici entre le gouvernement de Front populaire et les masses, se produisit à Clichy où la police tira sur les manifestants venus protester contre un rassemblement du Parti social français, consécutif à une grève suivie de fusillade : une militante de la Gauche révolutionnaire, Solange Demangel, fut mortellement blessée. Le Conseil national du Parti socialiste tenu à Puteaux (18 avril 1937) blâma Marceau Pivert pour avoir publiquement critiqué l’action des ministres socialistes et prononça la dissolution de la Gauche révolutionnaire. Marceau Pivert répondit que s’il était lié par la discipline du parti, qu’il n’avait pas enfreinte, il n’était pas tenu à la solidarité avec le gouvernement. Estimant que sa liberté d’appréciation demeurait, il s’inclina mais continua sa conquête de l’opinion du parti, d’autant plus aisément que deux mois plus tard le gouvernement Léon Blum* fut renversé. Il publia les Cahiers rouges au lieu de la revue la Gauche révolutionnaire. En juillet 1937, au congrès national du Parti socialiste à Marseille, Pivert rassembla 16,5 % des voix, demanda le retrait des ministres socialistes du cabinet Chautemps et le retour à un gouvernement de Front populaire de combat, à direction socialiste. Les positions de Marceau Pivert gagnèrent les Amicales socialistes d’entreprise fondées en juin 1936, et la Fédération socialiste de la Seine qui en fit son secrétaire général le 25 janvier 1938.
La crise latente à l’intérieur de la SFIO éclata dans l’atmosphère de tension internationale du printemps de 1938. De plus en plus la guerre menaçait. Cette situation fut au centre des discussions tenues lors d’une nouvelle conférence du Bureau de Londres réunie à Paris du 19 au 25 février 1938 à laquelle assista Marceau Pivert. À la suite des accords de Munich, le Bureau de Londres mit sur pied un Front ouvrier international (FOI) contre la guerre, qui lui succéda dans les faits.
Pour succéder au cabinet Camille Chautemps, démissionnaire depuis le 14 janvier 1938, Léon Blum*, rappelé à la présidence du Conseil, proposa aux groupes parlementaires de droite, aux vaincus de 1936, de participer à un gouvernement de “ rassemblement national autour du Front populaire ”. Le 12 mars, un Conseil national extraordinaire de la SFIO se rallia à cette formule par 6 575 voix contre 1 684 à un texte de Marceau Pivert, dénonçant là une “ trahison ”, sa charte faisant de la SFIO “ un parti de lutte de classes et de révolution ”. Par tract, la Fédération socialiste de la Seine alerta les fédérations de province malgré un rappel à l’ordre du secrétariat du parti qui mit en branle le mécanisme des sanctions. La droite ayant repoussé les offres de Léon Blum*, celui-ci constitua un cabinet qui semblait vouloir être à l’intérieur un cabinet de combat et au dehors tirer la leçon du viol patent de la non-intervention. La Chambre des députés lui accorda les pleins pouvoirs financiers. Le Sénat les lui refusa. Blum se retira. Alors Marceau Pivert et la Fédération de la Seine passèrent à l’offensive, sans l’aval du secrétaire général du parti, sans l’appui du Parti communiste ; ils appelèrent à une manifestation le soir même, le 6 avril 1938, devant le Palais du Luxembourg, contre “ une poignée de vieillards au cœur sec, installés dans leur bastille sénatoriale pour la défense des deux cents familles ”. La manifestation interdite à midi se déroula à l’heure prévue, 18 h 30, et rassembla plus de 20 000 personnes que harangua Marceau Pivert. Le 18 mars, Pivert et la Fédération de la Seine avaient mis en garde le parti contre les projets d’union nationale de Léon Blum* et avaient diffusé une circulaire intitulée : “ Alerte, le Parti est en danger. ”
La riposte du Parti socialiste ne se fit pas attendre. Le 11 avril, la commission nationale des conflits frappa Marceau Pivert de trois ans de suspension de délégation. Le lendemain, la CAP, prononça la dissolution de la Fédération de la Seine et en reconstitua une nouvelle avec les adhérents minoritaires, malgré le vote du conseil fédéral qui, à l’écrasante majorité de 11 488 voix contre 204 et 1 575 abstentions maintint le bureau en place jusqu’au prochain congrès national.

Ainsi, un conflit idéologique était sanctionné par des mesures disciplinaires qui devaient être soumises au congrès national de Royan (4-8 juin 1938). Marceau Pivert refusant le procès de tendance qu’on lui faisait, se plaça résolument sur le terrain statutaire. Il rejeta sur ses adversaires l’accusation d’indiscipline. Il nia la validité du conseil national du 12 mars, un tel organisme ne pouvant qu’appliquer ou contrôler l’application des décisions des congrès, seuls habilités à donner des directives politiques. Mais la Gauche révolutionnaire abordait le congrès de Royan doublement handicapée : Marceau Pivert “ suspendu ” ne pouvait y assister et les deux tiers des mandats de la Fédération de la Seine, dissoute, allaient manquer à l’heure du choix. La motion Blum qui approuvait les sanctions obtint 4 872 suffrages. La Gauche révolutionnaire qui, par la voix de Lucien Hérard, avait fait preuve de modération tactique en recueillit 1 430 tandis que 1 735 allèrent à la Bataille socialiste et que 259 s’abstinrent.

C’était la scission et la naissance du Parti socialiste ouvrier et paysan. Le PSOP s’affirma dans “ le refus du réformisme social-démocrate ” et dans “ le refus du néo-bolchevisme nationaliste ”. Il reprit la structure de la SFIO et se donna un programme d’action immédiate (le programme théorique et politique à long terme, faute de temps, ne verra pas le jour). Le PSOP entraîna au départ environ 10 000 militants alors qu’au plus fort de son audience la Gauche révolutionnaire avait reçu l’appui de 30 000 adhérents et aurait influencé environ 60 000 militants. Au moment décisif du choix, certains, surtout les plus isolés, hésitèrent à franchir le pas à l’exemple de quelques notables, tels Maurice Deixonne* et Berthe Fouchère*.

À peine né, le jeune parti dut répondre, non seulement par des déclarations de principes mais par des solutions concrètes à de pressantes questions. Fallait-il adhérer ou non au Front populaire ? Fallait-il approuver les accords de Munich ? Pouvait-on être à la fois socialiste et franc-maçon ? Que répondre aux propositions de Trotsky de fusion entre PSOP et IVe Internationale ? Sur tous ces problèmes le PSOP se divisa et Marceau Pivert apparut comme le seul véritable garant de son unité, sans l’emporter toujours dans la décision finale. Il préconisa l’adhésion au Front populaire dans la volonté de ne pas s’isoler de la masse : il ne fut pas suivi. Il approuva les accords de Munich et, sur le problème de la guerre, plaça le PSOP sur les positions de l’Internationale ouvrière antérieures à 1914, rejetant à la fois l’union sacrée et le défaitisme révolutionnaire : lutter contre l’acceptation de l’idée de guerre, refuser l’union sacrée si la guerre éclatait néanmoins et s’efforcer d’en faire sortir la révolution tout en rejetant ce qui servirait le camp fasciste. Marceau Pivert fit admettre la double appartenance, au parti et à la FM en arguant de sa propre expérience : “ Je crois, disait-il, servir au maximum les intérêts du prolétariat et de l’humanité toute entière en poursuivant ma tâche sur deux plans, comme je l’ai fait depuis vingt ans. Faire comprendre aux francs-maçons que leur idéal de fraternité universelle ne peut prendre une forme concrète, à notre époque, qu’à travers le processus d’une révolution prolétarienne internationale à laquelle ils doivent participer pour détruire le système capitaliste et construire le socialisme. Faire comprendre aux travailleurs organisés que leurs aspirations révolutionnaires ne peuvent atteindre définitivement leur but qu’à la faveur d’un effort permanent d’observation scientifique des faits, d’autocritique, c’est-à-dire de laïcité, philosophique ou de libre examen... ” Mais Pivert fit répondre “ non ” au projet trotskyste de fusion du PSOP et des organisations de la IVème Internationale. Il avait rencontré Trotsky à Domène (Isère) en mars 1935 mais jamais une totale communauté de vue n’exista entre les deux hommes. Marceau Pivert condamnait les méthodes sectaires du trotskysme, ses prétentions à l’hégémonie, sa tactique du noyautage. Il refusait le parti-état-major centralisé et s’affirmait pour la spontanéité révolutionnaire de la classe ouvrière qu’un parti, avant-garde démocratique, doit éveiller et non étouffer.

La guerre, la défaite allaient changer les conditions de vie et de lutte de Marceau Pivert. En 1939, il signa le tract Paix immédiate. À la veille du premier – et unique – congrès du PSOP (27-29 mai 1939), lors d’une réunion tenue en avril 1939 à Paris, trois dirigeants du Front ouvrier international (FOI) Julian Gorkin, l’Américain Jay Lovestone et le Français Michel Collinet* proposèrent la création d’un Centre marxiste révolutionnaire international (CMRI) qui devait formellement succéder au Bureau de Londres. Selon Daniel Guérin*, alors militant du PSOP, les initiateurs de ce centre le concevaient surtout “ comme une machine de guerre contre la IVème Internationale ”. Chargé des relations internationales par le congrès de Saint-Ouen du PSOP, Pivert partit en mission pour les États-Unis le 23 août 1939. Il se rendait au congrès de la section américaine du Front ouvrier international (FOI). Pour avoir parlé en compagnie d’autres militants étrangers, le 8 avril 1940 dans un rassemblement du Parti socialiste américain, Pivert dut quitter les États-Unis et passer au Mexique. Il se trouvait donc en Amérique quand la guerre éclata. Dégagé de toutes obligations militaires, il n’était pas tenu de rejoindre la France. Rentrer en France aurait été se livrer à la répression qui s’abattait sur ses amis et déjà sur lui inculpé pour l’activité générale du PSOP et pour des tracts distribués à de jeunes soldats.

Sa vie d’exil se déroula au milieu de grandes difficultés matérielles. Révoqué, il était sans ressources professionnelles. Il arriva aux États-Unis et au Mexique ignorant, ou parlant mal l’anglais et l’espagnol. Il réussit à vivre en donnant quelques leçons de français. En mars 1942, après avoir connu maintes difficultés et couru des dangers, sa femme et sa fille purent le rejoindre. Bientôt, les qualités reconnues de Marceau Pivert lui ouvrirent une nouvelle carrière de professeur à Mexico, à l’École nationale d’anthropologie, puis à l’Institut français d’Amérique latine (IFAL) où le savant ethnologue Paul Rivet* l’appela comme secrétaire général. Il fut un animateur inlassable au bénéfice de la culture française : il organisa des cours gratuits de français pour des centaines d’élèves, un laboratoire, une bibliothèque, les lundis poétiques de l’IFAL, des émissions radiophoniques ; il anima des publications culturelles et donna lui-même des conférences à l’Institut et dans les universités. Et il trouvait encore le temps d’écrire, en espagnol, un ouvrage intitulé Où va la France ? À Mexico, il fut rejoint par Victor Serge*, le dirigeant du POUM. Julian Gorkin et l’ancien communiste allemand Gustav Regler. Tous les quatre firent l’objet d’une grave campagne de calomnies par les communistes mexicains auxquels ils répondirent publiquement dans une brochure : La GPU prepara un nuevo crimen (Mexico, 1942, 78 p.)

Autant que le lui permettait l’éloignement, Marceau Pivert s’efforça de faire entendre sa voix à ses amis et à l’opinion en France. Quand la défaite française fut consommée, Pivert écrivit au général de Gaulle, une semaine après l’appel du 18 juin 1940. “ Sans doute, lui disait-il, vos méthodes de lutte contre le fascisme sont nécessairement très différentes de celles que nous préconisons : la force militaire est votre spécialité ; vous disposez de moyens matériels puissants, mais vous venez de vous rendre compte vous-même que la force se brise, si elle n’est pas au service d’une cause clairement définie [...] Il n’y a donc rien d’extraordinaire à ce qu’un socialiste fidèle à son drapeau, qui n’est pas le vôtre, songe aujourd’hui à mettre à votre disposition quelques parcelles d’une dynamite politique qu’il croit efficace, si toutefois vous ne craignez pas d’en faire usage [...] ” Et de proposer à de Gaulle de faciliter la diffusion sur l’Allemagne de l’appel dirigé par le Front ouvrier international contre la guerre et d’un appel à la France et à l’Angleterre d’ouvrir “ les digues de la liberté ” dans leurs colonies. Sans lui donner de suite, on s’en doute, de Gaulle répondit à cette lettre jugée “ très intéressante ”.

Marceau Pivert maintint surtout le contact avec ses camarades du PSOP. Devant la guerre et la défaite, l’armistice et le régime de Vichy, dans la France de l’Occupation, de la collaboration et de la Résistance, le PSOP, aux dires d’un de ses chefs de file, Daniel Guérin*, “ privé de sa direction où la chaleur humaine tenait une si large place, partit à la dérive, éclata en morceaux ”. Pivert resta fidèle à sa ligne politique et le fit savoir à ses compagnons de lutte. Il dénonça comme aberrante la conduite de ceux qui, groupés dans le MNR (Mouvement national révolutionnaire), lorgnaient du côté de Vichy. Il encouragea ceux qui, dans la région lyonnaise, s’organisaient dans le mouvement de résistance, “ l’Insurgé ”. Il adaptait la lutte révolutionnaire à la situation particulière de chaque pays : lutter en clandestin dans les pays fascistes ; donner tout son effort, “ bon ouvrier, bon soldat, bon officier si possible ”, dans les pays qui combattent le fascisme mais sans concession au nationalisme ; pour les prolétaires, défendre l’URSS attaquée en 1941, sans approuver Staline.

Dès 1943, Marceau Pivert essaya de mettre fin à son exil et de gagner Alger. Mais ses démarches n’aboutirent qu’en 1946. Il rentra dans la France libérée, retrouva, un poste de professeur. Il reprit aussi sa vie militante dans un Parti socialiste sorti épuré de la clandestinité et, pensait-on, rénové. Pendant dix ans il siégea à son Comité directeur. En 1947, il retrouva le secrétariat de la Fédération de la Seine, pour trois ans seulement, par souci de renouvellement des mandats. Il reprit en 1946, la direction des services cinématographiques du Parti socialiste, qui, sous son impulsion, réalisèrent les films de propagande, La prochaine vague, Communes de France, çÇa dépend de vous.

Marceau Pivert allait prendre une autre dimension dans un monde marqué par la “ guerre froide ”, par l’éveil national des pays coloniaux, par la prise de conscience des problèmes du tiers-monde dont il avait pu mesurer la gravité en Amérique latine. Dans les années 1950, il redevint un temps secrétaire de la XVème section. Deux combats parallèles et complémentaires allaient occuper les vingt dernières années de sa vie : l’internationalisme et l’anticolonialisme. Internationaliste, il l’était par toutes ses fibres. Chaque problème était considéré par lui sous l’angle des intérêts et des aspirations du prolétariat mondial. Il fonda en 1949, et anima, jusqu’à sa mort, une revue CSI (Correspondance socialiste internationale) qui fut le reflet et un aiguillon des luttes émancipatrices à travers le monde. Il milita aussi pour l’organisation européenne. Mais il se refusait à toute confusion. Il voulait une Europe socialiste. Créateur et animateur du Mouvement socialiste pour les États-Unis d’Europe, il l’abandonna lorsqu’il devint, sous le nom de Mouvement démocratique et socialiste pour les États-Unis d’Europe un allié des tenants d’une Europe technocratique intégrée au bloc américain. “ Vous croyez, écrivait-il, qu’il est possible de “ faire l’Europe ” sans tenir compte de son contenu. Le cadre d’abord. Après, on s’occupera du contenu. Mais, en attendant, ce sont des forces sociales bien définies qui se préparent à construire des institutions nouvelles, la réaction américaine et la réaction allemande en particulier travaillent en accord étroit, mais pour elles, et non pour le socialisme. Tôt ou tard vous devrez vous rendre à l’évidence [...] et il faudra tout de même poser les problèmes que j’évoque ici et que le socialisme international posera nécessairement. ”

Enfin dans cette dernière phase de sa vie, Marceau Pivert livra un grand combat pour la libération des peuples colonisés. Il fut un des pères du “ Congrès des Peuples ” né à Puteaux en 1948 et, aux dires de son secrétaire général, Jean Rous*, “ le participant exemplaire ” jusqu’à l’absorption de ce “ Congrès ” dans le “ Conseil mondial pour la liberté coloniale ” fondé à Margate en novembre 1955. Pivert pressentit le poids de l’irruption des masses d’Afrique et d’Asie sur la scène mondiale. Il consacra un numéro spécial de sa revue CSI au grand événement que fut la conférence des pays du tiers-monde à Bandung. Il soutint sans défaillance les peuples opprimés, alors que la SFIO couvrait la répression à Madagascar, les élections truquées en Algérie et la poursuite des guerres coloniales. En 1957, malade déjà, il se rendit à la Conférence anticolonialiste d’Athènes : il la quitta lorsque, sous la pression du FLN algérien, on en expulsa le MNA. (Mouvement national algérien) de Messali Hadj. Pour lui, la liberté était indivisible. Il s’opposa sans défaillance à la guerre menée en Algérie, dans laquelle jouèrent un moment un rôle essentiel les socialistes Guy Mollet*, Robert Lacoste* et Max Lejeune*. Cette guerre conduisit, à la mort lente de la IVème République au moment même où Marceau Pivert, épuisé par une vie d’épreuves et de luttes, mourait. Trois jours avant son décès, il avait écrit dans Correspondance socialiste à propos de Guy Mollet* : “ Il n’est plus possible de coexister avec celui qui a choisi de servir aussi cyniquement la classe bourgeoise. ”

Au sortir de la terrible expérience de la guerre subie à vingt ans, Marceau Pivert s’était engagé pour plus de quarante années dans un combat sans cesse élargi mais dont le sens n’avait pas varié. L’homme et sa vie ont attiré la curiosité de jeunes chercheurs. Des études universitaires ont exploré le « pivertisme ». Peut-être n’aurait-il pas accepté ce terme. Il n’a jamais prétendu apporter une doctrine inédite. La sienne, c’était le socialisme scientifique, révolutionnaire et internationaliste.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24150, notice PIVERT Marceau, Souverain [version ancienne] par Justinien Raymond, version mise en ligne le 3 janvier 2009, dernière modification le 2 décembre 2022.

Par Justinien Raymond

Marceau Pivert (1932)
Marceau Pivert (1932)
cc Agence Meurisse
Couverture du livre de Jacques Kergoat, Marceau Pivert, "socialiste de gauche", Éditions de l’Atelier, coll. « La part des Hommes », 1994

SOURCES : Rapports du secrétariat général pour les congrès de la SFIO et comptes rendus sténographiques de ces congrès, entre les deux guerres mondiales. — Les revues et journaux cités dans la biographie. — Lucien Weitz, “ Il y a un an mourait Marceau Pivert ”, L’Avenir socialiste, édité par le PSA, n° 30, 22 mai 1959. — Étienne Weill-Raynal*, “ Marceau Pivert ”, La Revue socialiste, n° 118, juin 1958. — La Nouvelle revue socialiste, n° 33, 15 septembre-1er novembre 1930, p. 525. — Daniel Guérin*, Front populaire, révolution manquée, Paris, Julliard, 1963, p. 267. — G. Lefranc, Le mouvement socialiste sous la IIIème République, op. cit. — Ibid., Histoire du Front populaire, op. cit. — Christophe Mélinand, Pivertistes et trotskistes, MM, Paris. — D. Labat, Une tendance du Parti socialiste SFIO : La Gauche révolutionnaire (octobre 1935-juin 1938), MM, Paris X-Nanterre. — Jean-Paul Joubert, Marceau Pivert et le pivertisme. Révolutionnaires de la SFIO., Presses de la FNSP, 1977. — Éric Nadaud, Une tendance de la SFIO : la Bataille socialiste, 1921-1933, Th., Paris X, 1987. — Jacques Kergoat, “Marceau Pivert,“ socialiste de gauche ”,, Paris, Éditions de l’Atelier/Éditions ouvrières, coll. « La part des hommes », 1994.

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