CHATELAIN Pierre alias Pierre Carteron, Lieutenant Pierre, Capitaine Pierre

Par Régis Le Mer

Né le 28 janvier 1924 à Lunéville (Meurthe-et-Moselle), mort le 28 septembre 1944 à Lyon (Rhône) ; étudiant ; résistant au sein des Francs-tireurs et partisans français (FTPF) et de l’Armée secrète (AS).

Pierre Chaletalin en avril 1943

Pierre Chatelain est né le 28 janvier 1924 à Lunéville (Meurthe-et-Moselle) dans un milieu bourgeois. Son père Émile Chatelain (1879-1960) né le 27 juillet 1879 à Saint-Dié (Vosges) était militaire. Il a quitté l’armée active pour prendre la direction de l’usine Heudebert à Lyon en octobre 1928. Sa mère Thérèse Cotel est née le 17 septembre 1885 à Lunéville.

Pierre Chatelain poursuit une scolarité chez les Maristes (établissement catholique) puis des études de droit à Lyon. Dans ces années de jeunesse, il pratiqua le scoutisme.
Dès 1941, il réalisa ses premières actions de résistance avec Louis Boulade qu’il avait connu chez les Maristes. Puis, du 23 mars au 29 novembre 1942, il signa un engagement volontaire au 6ème régiment de cuirassiers de Limoges.
Il rentra dans ses foyers et, en avril 1943, rejoignit l’Armée secrète. Il fut adjoint de son ami Louis Boulade, chef départemental du 5ème bureau de l’Armée secrète de Saône et Loire. Duvernois, chef du 5ème Bureau régional demanda à Pierre Chatelain de faire un stage au maquis. Il devint par la suite adjoint et agent de liaison de Boulade. Concluant, il exécuta une mission plus importante, en remplacement de Boulade, en Isère.
En 1943, à une date non déterminée, il aurait été chef départemental des groupes francs de la Haute-Savoie. Il a également fait partie du maquis du Grand Cerf en Savoie. Il revint souvent à Lyon, en particulier au garage Ramillon pour y prendre des approvisionnements.
Du 29 octobre au 21 novembre 1943, il effectua une mission à Paris.
Le 12 janvier 1944, au garage Ramillon, il fut arrêté par la police française pour activités subversives avec Émile Girier, Louise Grobot, Pierre Arnaud et François Jégo. Ils furent écroués à la prison Saint-Paul. Le 12 juin 1944 ils furent jugés par la Section spéciale de la Cour d’Appel de Lyon. Émile Girier, Louise Grobot et Pierre Chatelain furent acquittés ; Pierre Arnaud fut condamné à six mois de prison ferme et François Jégo à 8 mois. Pierre Chatelain, Louise Grobot et Emile Girier s’évadèrent du petit-dépôt, rue Saint-Jean où, malgré leur relaxe, ils étaient placés en attendant leur transfert dans un camp d’internement.
Par la suite, Pierre Chatelain fut nommé par le Colonel Henri Provisor (pseudo Darciel), officier de liaison au poste de commandement d’Yzeron. Le 18 juin 1944, il rejoignit les formations FFI de Thizy avec le Commandant Mary. Il était alors commandant Militaire du S/Secteur II FFI Thizy-Cours-Amplepuis (TCA) sous les ordres de Louis Chaléat (Berthier). Fin août 1944, il rejoignit les Francs-tireurs et partisans (FTP) sous les ordres du Colonel Brun (Raymond Perinetti). Le 3 septembre, il prit part aux opérations de la Libération de Lyon avec le grade de Capitaine, au côté des Francs-tireurs et partisans (FTP).
Il fut ensuite nommé par Provisor, officier de liaison au premier régiment du Rhône.
Le 8 septembre 1944 il fut nommé par Yves Farge juge pour les FTPF à la Cour Martiale.
Le 10 septembre, il fut arrêté en compagnie de deux femmes proches de lui, avec lesquelles il avait œuvré dans la résistance, Simone Rueff (1923-1944) et Cécile Rambaud, au Grand Hôtel de Lyon. Ils furent tous les trois détenus à la caserne de la Part-Dieu, puis à l’ancien hospice de Villeurbanne. Tous trois furent fusillés « sans jugement régulier » dans la nuit du 27 au 28 septembre 1944. Seul le corps de Simone Rueff a été retrouvé dans les eaux du Rhône le 2 octobre 1944.
En 2021, les causes de cette exécution ne sont pas établies. Rien ne laisse penser que Pierre Chatelain, ait trahi sa cause. Plusieurs hypothèses peuvent être évoquées mais comment expliquer des mesures si expéditives, le meurtre de trois personnes, dont deux femmes, reconnus comme résistants ? Des archives laissent entrevoir des rivalités, peut-être d’ordre politique FTP / FFI. La présence de Pierre Chatelain « parachuté » commandant Militaire du S/ Secteur II FFI Thizy-Cours-Amplepuis (TCA) semble ne pas avoir été appréciée. Des désaccords entre Pierre Chatelain et des maquisards de la vallée de l’Azergue ont rapidement vu le jour : ainsi, dans un courrier du 18 août 1944 de Pierre Chatelain au Commandant Mary, il dénonçait le comportement de maquisards qui terrorisaient les habitants et commettaient des actes illégaux. Les archives évoquent également des histoires d’argent, encore entre FTPF et Armée secrète.
Autre élément qui va être directement lié à sa mort, une rivalité s’était semble-t-il développée entre Pierre Chatelain et un communiste dénommé Pierre K. (pseudo Siméon). La consultation au dépôt des archives militaires du dossier de Pierre K. montre qu’il est directement mis en cause. Cependant l’action publique engagée contre lui s’est éteinte et a été suivie d’un non-lieu prononcé le 19 juin 1950 du fait de son décès. Ayant rejoint la brigade Fabien fin novembre 1944, Pierre K. a été tué notamment avec le colonel Fabien à la suite de l’explosion d’une mine à Habsheim (Haut Rhin). Le non-lieu indique que Pierre K., bien avant son décès, a bénéficié de hautes protections qui ont empêché l’exécution du mandat d’arrêt délivré contre lui par le juge d’Instruction Militaire saisi de la procédure. Elle évoque « le mutisme constant des témoins et la mauvaise volonté évidente des responsables F.T.P. à fournir le moindre renseignement comme à faciliter l’enquête dans les locaux occupés par leurs services ou leurs unités ». Le fait que Pierre Chatelain ait semble-t-il tenté de protéger son frère Jacques (1912-1965), déficient mental et indicateur du tueur Max Payot (membre du Parti Populaire Français de Jacques Doriot), a pu servir comme prétexte à son arrestation. Simone Rueff est d’ailleurs accusée d’être membre du PPF.
La conclusion de l’enquête rendue le 10 mai 1949, mentionne que Pierre Chatelain a été un résistant authentique et que Simone Rueff et Cécile Rambaud ont eu une activité patriotique.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article241614, notice CHATELAIN Pierre alias Pierre Carteron, Lieutenant Pierre, Capitaine Pierre par Régis Le Mer, version mise en ligne le 19 juillet 2021, dernière modification le 27 avril 2022.

Par Régis Le Mer

Pierre Chaletalin en avril 1943

SOURCES : SHD Vincennes, GR 16 P 79365, dossier Louis Boulade, GR 16 P 123472 dossier Pierre Chatelain, GR 16 P 317231 dossier Pierre K. — SHD Caen, AC 21 P 43050 dossier Pierre Chatelain) AC 21 P 64810 dossier Pierre K., AC 21 P 391032 dossier Cécile Rambaud. — Dépôt Central des Archives de la Justice Militaire : ordonnance de non-lieu N°256 du 19 juin 1950 concernant Pierre K. mis en cause dans les homicides commis à Lyon en septembre 1944 contre Pierre Chatelain, Simone Rueff et Cécile Rambaud. — Arch. Dép. du Rhône et de la Métropole de Lyon 1035W 62, 283 W 84 (juridictions d’exception). — Centre d’Histoire de la résistance et de la Déportation (Lyon), Ar. 1498 (fonds Challéat), Ar. 61 (fonds Colas), Ar. 1636 (fonds Ovize). — archives familiales.

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