GEORGE Jacques, Alexandre, Camille

Par Madeleine Singer

Né le 30 mai 1927 à Calais (Pas-de-Calais), mort le 5 mars 2006 à Rouen (Seine-Maritime) ; agrégé de géographie ; membre du comité national du Syndicat général de l’éducation nationale (SGEN) de 1962 à 1983, membre du bureau national de 1972 à 1980, secrétaire général adjoint de 1972 à 1977 ; responsable du Cercle de recherche et d’action pédagogique (CRAP) et de sa publication les Cahiers pédagogiques.

Jacques George était le dernier des quatre enfants d’Octave George, professeur licencié de philosophie au collège de garçons de Calais où, pendant la guerre, à son retour de captivité, il fit fonction de principal. Celui-ci avait épousé Marie Clavier, ancienne élève de l’ENS de Sèvres (Seine, aujourd’hui Hauts-de-Seine), professeur de sciences naturelles au collège de filles de la même ville. Jacques George fit d’abord ses études secondaires au collège de garçons de Calais. Leur maison ayant été bombardée, il partit pour Paris en septembre 1940 avec la tante qui élevait les quatre enfants, leur mère étant morte en 1937 et le père prisonnier. Jacques George entra au lycée Henri-IV à Paris où il passa en 1944 le baccalauréat A-philosophie sciences. Il prépara d’abord en faculté des sciences le concours d’entrée aux écoles vétérinaires ; admissible la première année, il en recommença la préparation au collège Sainte-Barbe à Paris, mais changeant d’orientation en cours d’année, il se tourna vers la géographie. La Sorbonne lui décerna la licence de géographie en 1948, le diplôme d’études supérieures en 1949. Il fut alors nommé adjoint d’enseignement délégué rectoral au lycée d’Amiens (Somme), puis en 1950 adjoint d’enseignement au collège de garçons de Calais où il effectua divers remplacements de professeur jusqu’à son succès au CAPES théorique en 1954. Après un an au CPR de Lille (Nord), il enseigna au collège de Lamballe (Côtes-du-Nord, aujourd’hui Côtes-d’Armor). Agrégé en 1957, il fut nommé à l’École normale de filles de Rouen (Seine-Inférieure, aujourd’hui Seine-Maritime). Il y resta vingt ans, puis en 1977 demanda l’École normale de Paris-Batignolles car il souhaitait voir un autre horizon. Celle-ci fut intégrée quatre ans plus tard dans l’Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) de Paris où il prit sa retraite en 1993. Il s’était marié en août 1949 avec Nicole Soulé-Nan et, vu la naissance d’un premier enfant, il fut dispensé du service militaire. Le couple eut trois garçons : l’un chef de district SNCF, un autre consultant EDF-GDF, le troisième directeur de recherches à l’Institut national de recherches en informatique et automatismes (INRIA).

Jacques George avait été scout de France pendant quelque temps après la Libération. Lecteur de Témoignage chrétien dans les années 50, il abandonna cette publication et s’intéressa à Esprit à partir de 1960. Il adhéra au SGEN dès son arrivée à Calais, sans doute parce qu’il rencontrait à la Paroisse universitaire des collègues qui étaient au SGEN, en particulier Pierre Béal alors secrétaire académique. Jacques George abandonna la Paroisse universitaire au début des années 1970, mais continua à répondre favorablement aux demandes qui lui étaient faites d’intervenir sur des sujets de pédagogie dans des sessions ou réunions de cette association. Il fut secrétaire de la section SGEN à Lamballe, puis à l’École normale de filles de Rouen. Or le congrès national de Besançon (Doubs) en 1960 mit à l’étude le transfert progressif des classes de baccalauréat des Écoles normales dans les établissements du Second degré, transfert déjà réalisé en Moselle depuis quelques années. Jacques George exposa dans Syndicalisme universitaire en janvier 1961 le point de vue des professeurs d’École normale sur le contenu de la formation professionnelle qui serait en ce cas portée d’un an à deux ans. Il participa désormais au bureau École normale : aussi intervint-il à la journée d’études que ce bureau avait organisée le 21 janvier 1962, puis fit avec Jeanine Fouré le compte rendu des travaux de la section École normale au congrès de Marseille (Bouches-du-Rhône) en avril 1962. Elu lors de ce congrès au comité national, il allait y siéger pendant de longues années.

Sans pouvoir citer tous les articles qu’il donna désormais dans la rubrique Écoles normales du journal syndical, mentionnons toutefois celui du 12 décembre 1962, « Défendre les Écoles normales. La réforme nécessaire ». Lors de la journée d’études du 28 avril 1963, il évoqua l’enseignement des faits sociaux dans les Écoles normales, proposa un contenu et une méthode. Aussi fit-il pour le supplément « Écoles normales » de Syndicalisme universitaire, le 10 mars 1965, l’article liminaire, « Hier, aujourd’hui, demain les Écoles normales », soulignant la nécessité de les réformer : il fallait obtenir le passage de la formation professionnelle à deux ans ainsi que le séjour en École normale de tous les suppléants, étudier en même temps les mesures à envisager pour les professeurs, vu le transfert en lycée des classes de baccalauréat. Il avait signé avec Jeanine Fouré et André Henry*, secrétaire national de la section, le rapport pour le congrès de 1964 ; puis en 1966, André Henry* se retirant, Jacques George signa avec Jeanine Fouré le rapport pour le congrès et devint secrétaire national.

Pendant les deux années qui précédèrent Mai 68, Jacques George poursuivit le combat pour l’obtention de la formation professionnelle en deux ans. Au cours d’une audience accordée au SGEN Premier degré par le directeur de la pédagogie, le 16 février 1968, il remit à celui-ci des notes concernant la réorganisation des Écoles normales, l’épreuve de pédagogie spéciale du certificat de fin d’études Écoles normales (CFEN), l’organisation des études dans les centres régionaux de formation des professeurs de CEG (CRCEG). Il signa seul le rapport pour le congrès d’avril 1968 car Jeanine Fouré ne renouvelait pas sa candidature au comité national. Aussi il la remplaça dès lors au bureau national Second degré où il fallait assurer la représentation des Écoles normales. Toutefois Jeanine Fouré demeura jusqu’en 1971 dans le bureau École normale ; Gérard Perrot, professeur de mathématiques à l’École normale de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) lui succéda et partagea désormais avec Jacques George le secrétariat des Écoles normales. Ce dernier, évoquant dans le rapport de 1968 les activités de la section depuis deux ans, indiquait ce qui était revendiqué par le Syndicat tant pour l’organisation des Écoles normales et des CRCEG que pour la situation des professeurs et des directeurs d’études. Il notait que les réunions de bureau, auparavant trimestrielles, avaient lieu désormais deux fois par trimestre, que des dossiers par matière s’étaient peu à peu constitués dans la perspective d’un projet précis de formation professionnelle, en collaboration avec le secrétaire Premier degré, Guy Duquesne, pendant que lui-même participait au bureau Premier degré quand celui-ci abordait les questions de formation des instituteurs.

Les événements de Mai 68 permirent des regroupements régionaux d’élèves, de professeurs et de directeurs d’études qui mirent au point leurs propositions sur la cogestion, le renouvellement pédagogique, etc. Avec Guy Duquesne, Jacques George représenta le SGEN dans la sous-commission ministérielle de formation des maîtres du Premier degré. Aussi le 22 avril 1969 vint-il en audience avec Guy Duquesne et Jeanine Fouré chez M. Gauthier, directeur de la pédagogie : ils voulaient s’informer sur le sort que le Ministre comptait faire aux rapports de ladite commission. Ils lui remirent des notes sur la formation des maîtres, l’organisation du recrutement des normaliens, le régime intérieur des Écoles normales, la formation et le recyclage des professeurs d’Écoles normales, etc. Sans détailler les réponses qu’ils reçurent, retenons seulement que M. Gauthier considérait que le passage aux trois ans de formation professionnelle ne pouvait être envisagé tant que la formation professionnelle en deux ans n’était pas bien au point. Aussi dans son rapport pour le congrès de 1970, Jacques George disait que les deux années écoulées avaient été « riches de promesses, décevantes quant aux réalisations ». Selon le ministre Olivier Guichard, qui avait succédé à Edgar Faure en juin 1969, c’est seulement « dans quelques années » que tous les remplaçants passeront dans les Écoles normales. La question de l’allongement de la formation professionnelle et celle du transfert des classes de baccalauréat des Écoles normales dans les lycées — transfert auquel s’opposa toujours le SNPEN (Syndicat national des professeurs d’école normale, affilié à la Fédération de l’Éducation nationale) — furent toujours traitées par Jacques George comme par les autres responsables SGEN de la section des professeurs d’Écoles normales en tenant compte à la fois de la nécessité pédagogique et sociologique de cette réforme ainsi que de la défense légitime des intérêts professionnels des professeurs d’École normale en fonction.

Pendant toute cette période, Jacques George participait en même temps à l’activité du bureau académique de Rouen dont il était membre depuis qu’en 1964 cette académie avait été constituée avec la Seine-Maritime et l’Eure, détachées de l’académie de Caen (Calvados). Ce bureau dans lequel Jacques George était secrétaire académique adjoint, chargé des questions socio-pédagogiques, avait élaboré, le 6 mai 1968, une motion qui « condamnait la répression policière en Sorbonne » et mentionnait parmi les causes de la crise « l’absence de dialogue organique entre étudiants et enseignants ». Aussi le secrétaire académique Roger Lépiney* et Jacques George ne purent que critiquer le communiqué national du SGEN qui, le 4 mai, avait refusé toute participation à la grève. Tous deux suscitèrent donc, avec le concours de militants d’autres académies comme Orléans (Loiret) ou Poitiers (Vienne), la constitution d’un groupe de « minoritaires » qui se réunirent pour la première fois à Blois (Loir-et-Cher) en juillet 1968 et décidèrent de faire connaître leur point de vue sur les événements de Mai 68 au cours de la session SGEN de septembre : ils y distribuèrent deux documents, l’un émanant du secrétaire académique de Poitiers, Louis Girard, l’autre de Jacques George, « L’école que nous voulons », texte qu’il avait rédigé pendant une nuit de garde à l’Union locale CFDT de Rouen, le 22 mai 1968 ; il y critiquait le système scolaire actuel et préconisait un processus de rénovation pédagogique.
Sans pouvoir évoquer en détail l’activité de cette minorité, rappelons toutefois que les circulaires SGEN-MINO, envoyées aux membres du groupe pendant les deux ans qui suivirent, étaient signées de Jacques George. Un groupe de travail « Orientation 70 » fut organisé en juin 1969 par le bureau national afin d’étudier les problèmes d’orientation avec ceux qui avaient réclamé en vain au comité national de septembre 1968 la tenue d’un congrès extraordinaire. Quand ce groupe envisagea la succession de Paul Vignaux (voir ce nom) qui ne se représentait pas, il chercha à constituer une équipe acceptable par tous, car la candidature de Charles Piétri au poste de secrétaire général, candidature prévue au congrès d’avril 1968, suscitait maintenant des réserves. On proposa donc qu’Antoine Prost* prît la tête d’une « troïka », épaulé par Jacques Julliard* pour les rapports avec la CFDT et par C. Piétri* pour le Supérieur. Antoine Prost* acceptait cette charge à condition que C. Piétri retirât sa candidature. Comme ce ne fut pas le cas, le groupe « Orientation 70 » ne put qu’enregistrer, le 11 octobre 1969, le désaccord : en conséquence au prochain comité national, seraient présentés deux candidats et deux programmes sur lesquels les membres du comité national auraient à se prononcer.

Les 20-21 septembre 1969, à Chaingy (Loiret), les minoritaires avaient décidé que Jacques George serait leur candidat si Piétri se maintenait ; ils avaient défini les orientations que Jacques George défendrait en ce cas au comité national de novembre. D’après les quatre pages du texte ronéotypé que nous possédons, c’était « une candidature de proposition » : « attachés autant que quiconque à l’unité de l’organisation », ils voyaient pour celle-ci dans la dualité des candidatures « un signe de vitalité » et non pas un « élément de faiblesse ». Sans renoncer aux tâches corporatives, il s’agissait de « redonner au Syndicat le rôle d’avant-garde qui avait été le sien à l’époque de Reconstruction, de la guerre d’Algérie et de la déconfessionnalisation ». Ce texte précédait vingt cinq pages, « Éléments de réflexion » : elles développaient notamment « la fonction critique de l’Université et le rôle du Syndicat qui ne devait pas être une simple fédération de degrés ». On y dénonçait aussi le « malaise » qui régnait dans les relations entre le SGEN et la CFDT : « il n’est plus vrai, si tant est que cela le fut jadis, que les problèmes de l’enseignement soient du ressort exclusif du SGEN », comme le pense la direction actuelle du Syndicat. Bref il s’agissait de « reprendre notre place à la CFDT ».

Lors du comité national, après diverses interventions sur les deux rapports, une commission de conciliation demandée par les participants se réunit au cours d’une suspension de séance, mais sans résultat. Tout en acceptant la présence de C. Piétri à un poste important dans l’équipe du secrétaire général, les minoritaires refusaient l’intégration d’un certain nombre d’entre eux à l’intérieur d’un bureau national sous la direction de C. Piétri car pour eux c’était Antoine Prost* qui pouvait être l’intégrateur. Le comité national vota alors sur les deux rapports : C. Piétri obtint 61 voix sur 88 ; Jacques George n’en eut que 24, mais avec seulement 35 contre car il y avait 29 abstentions. Peu après C. Piétri proposa à Jacques George de le rencontrer afin d’élaborer un nouveau rapport d’orientation. L’entrevue eut lieu le 30 décembre, mais il n’y eut pas d’accord, comme Jacques George le confirma par lettre du 15 janvier 1970 : « C’est au congrès qu’il appartiendra de dire, quel que soit l’élu, si et dans quelle mesure il entend que le Syndicat recherche la synthèse entre les deux orientations qui lui sont proposées. Réaliser cette synthèse dès maintenant serait court-circuiter le congrès. »

En présentant sa candidature dans Syndicalisme universitaire le 29 janvier 1970, Jacques George rappela « la justesse des intuitions des fondateurs du SGEN » car l’opposition minoritaire portait sur la personnalité de Piétri et non sur celle de Vignaux dont chacun reconnaissait comme Jacques George la rigueur et la profondeur des documents qu’il produisait ainsi que la pertinence de la plupart de ses visées. Aussi écartant « les maniaques de la contestation », Jacques George demandait seulement qu’on prêtât attention « à toute la générosité et à tout le désarroi qui s’exprimait même dans le gauchisme groupusculaire ». « Aidons celui-ci, là où c’est possible, à devenir efficace ». Au congrès de Tours (Indre-et-Loire), en mars 1970, C. Piétri obtint 61 % des suffrages et Jacques George 35 %. C. Piétri offrit alors à Jacques George d’entrer seul au bureau national, les autres postes ayant, disait-il, leur spécificité. Les minoritaires se réunirent et décidèrent de refuser cette proposition. Mais tout en continuant à exercer leurs responsabilités académiques, ils avaient l’intention de prendre leur part de responsabilité dans les autres instances nationales : bureaux de degrés, comité national.

En attendant le prochain congrès en 1972, les minoritaires poursuivirent leurs contacts et présentèrent au comité national d’octobre 1971 la candidature d’une équipe, entraînée par François Garrigue, secrétaire académique de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), candidat au poste de secrétaire général. Pendant ce temps, Jacques George qui figurait dans cette équipe, continua à assurer la responsabilité des professeurs d’École normale. Le rapport qu’il présenta en 1972 montrait que l’implantation du SGEN se renforçait dans les Écoles normales : l’élection au Conseil de l’enseignement général et technique (CEGT) en 1971 apportait au Syndicat 19,7 % des voix, alors qu’il n’en avait eu que 15,2 % lors des élections à la Commission administrative paritaire nationale (CAPN) des Écoles normales en 1961, les dernières avant la fusion de cette CAPN avec celles des lycées. Mais sur le plan revendicatif, les résultats restaient limités. Certes la formation professionnelle en deux ans était acquise ; il n’était toutefois pas encore question de l’allonger ; le recrutement, l’organisation du travail des normaliens posaient de multiples problèmes, tout comme le service et la formation des professeurs d’École normale. On attendait toujours la création des Instituts universitaires de pédagogie (IUP) qui, selon la thèse du SGEN, devaient former tous les maîtres du Premier et du Second degrés.

A ce congrès de 1972, F. Garrigue fut élu secrétaire général ; voulant constituer un bureau d’union, il prit deux secrétaires généraux adjoints, Claude Bouret (voir ce nom) qui appartenait à l’ancienne équipe et Jacques George qui garda le secrétariat des Écoles normales, mais cessa de siéger au bureau Second degré. Ce dernier fut aussitôt chargé de représenter le SGEN à la Commission confédérale de l’enseignement et rédigea l’essentiel de la brochure publiée en février 1973 par cette commission sous le titre « La CFDT et l’enseignement, document de travail et de réflexion », laquelle attestait la collaboration étroite de la confédération, du SGEN et de la Fédération de l’enseignement privé (FEP) pour définir des positions sur l’école, sans toutefois mettre en cause la laïcité de l’école publique. Jacques George se consacra en même temps aux problèmes les plus variés comme on le voit par ses articles dans Syndicalisme universitaire. Il examina le programme commun signé le 27 juin 1972 par le Parti communiste (PC), le Parti socialiste (PS) et les radicaux de gauche ; il y cherchait ce que cela impliquait pour l’Education nationale et constatait avec regret qu’on n’envisageait pas nettement de « changer d’école ». D’autres articles concernaient les professeurs mis en cause par les parents d’élèves, voire par le Ministre, à cause du contenu de leur enseignement, professeurs que le Syndicat dut défendre.

Jacques George assura également à partir de septembre 1973 la direction de Syndicalisme universitaire car Claude Bouret qui en était chargé jusqu’alors, reprenait un poste à la rentrée. Cette fonction qu’il allait remplir pendant onze ans, l’intéressait car il veillait concrètement à la publication, en allant à l’imprimerie le samedi soir jusque tard dans la nuit avec la secrétaire de rédaction, Anne-Marie Brocard, pour les dernières mises au point et les éventuelles coupures au marbre. Il devait auparavant rassembler les articles tant d’ordre général que donnés par chaque section de degré, obtenir des auteurs des coupures pour des questions de place ou de contenu. Toutefois il fut relayé par Alain Fouqué (voir ce nom) qui, entré au bureau national en septembre 1973, prit peu à peu la fonction nouvellement créée de rédacteur en chef, officialisée dans le numéro du 10 avril 1964, Jacques George restant encore quelques années directeur de la publication.

Après le congrès de mars 1974, ce dernier demeura secrétaire général adjoint et siégea donc à la commission permanente, issue des statuts adoptés en 1973, laquelle fut mise en place le 4 avril 1974. Il resta au bureau des Écoles normales, mais céda la fonction de secrétaire à Jacques Richer, professeur de philosophie à l’École normale de Poitiers. Jacques George était « chargé notamment des problèmes de culture, d’éducation, de Recherche scientifique et de formation professionnelle ». Au congrès de 1974, il avait présenté un rapport, « École et action syndicale » : prenant acte des travaux de Pierre Bourdieu et d’Ivan Illich, il faisait une analyse critique d’une école qui sélectionne les « élites » par un système d’examens et de concours dont la réussite dépend largement des conditions de vie matérielle, sociale et culturelle. Il proposait donc de transformer la relation pédagogique en faisant une large place à l’initiative des élèves, en agissant sur le contenu de l’enseignement, sur l’organisation scolaire et sur les méthodes pédagogiques, sans réduire en rien la qualité de l’enseignement.
Les trois années qui s’écoulèrent jusqu’au congrès suivant furent bien remplies car il fallait mettre en échec les propositions que le ministre René Haby rendit publiques le 12 février 1975 : elles renforçaient la sélection à l’école maternelle et à l’école primaire, créaient en Quatrième et en Troisième des filières qui n’offraient aucun débouché, sauf la vie active à 16 ans sans aucune qualification professionnelle, etc. Comme ces propositions avaient été remises au SGEN quelques jours auparavant, le comité national du 9 février put prendre position après avoir entendu un exposé de Jacques George : « pour une action sur les contenus de l’enseignement ». Ce texte devint un article publié dans Syndicalisme universitaire en juin 1975, « L’école ne changera pas sans nous » : il s’agissait de faire admettre que l’action syndicale ne pouvait être seulement une opposition aux « réformes » du ministre, mais que les enseignants devaient s’engager, dans la pratique de leur métier, sur les contenus et sur les méthodes de l’enseignement, sans rien renier de la laïcité et du refus d’endoctriner les élèves.

Jacques George avait en outre en 1974 remplacé Jean Gattegno au secteur international, ce qui incluait la représentation du SGEN au Comité syndical européen des enseignants (CSEE) et à la Confédération syndicale mondiale des enseignants (CSME), fédération de l’enseignement de la Confédération mondiale du travail (CMT), l’ex-CISC (Confédération internationale des syndicats chrétiens) qui avait changé d’appellation en 1968. Le SGEN avait adhéré à la CSME en vue de son insertion dans le CSEE, faute de pouvoir adhérer directement à celui-ci qui était contrôlé par la FEN dont l’accord était nécessaire pour l’admission de nouveaux membres, tandis que les membres d’autres organisations internationales elles-mêmes adhérentes au CSEE y étaient admis d’office. Jacques George devait donc informer les membres du comité national SGEN par une série de dossiers sur ce domaine généralement mal connu d’eux, tenir au courant les adhérents par le canal de Syndicalisme universitaire. Devenu vite membre du bureau de la CSME, il contribua à faire évoluer une conception assez conformiste du syndicalisme et de l’enseignement.

Au congrès de 1977, soucieux d’alléger son travail, Jacques George quitta le poste de secrétaire général adjoint, mais demeura au bureau national avec la charge du secteur international. C’est à ce moment que se posa au sein de la CFDT la question de quitter la CMT, car celle-ci refusait de supprimer ses fédérations internationales professionnelles au profit d’organisations unitaires, comme la CFDT le lui demandait. Avec d’autres militants du SGEN et de quelques fédérations, Jacques George s’opposait à ce retrait car ils craignaient un rapprochement futur avec la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), dont le comportement en plusieurs occasions, notamment au Chili, disaient-il, répondait d’abord aux intérêts de l’impérialisme américain. Cette adhésion à la CISL — déjà préconisée par P. Vignaux dans le débat de 1951 sur l’affiliation internationale de la CFTC — devint effective en 1988. Au congrès de Brest (Finistère), en mai 1979, le secrétaire général Edmond Maire avait demandé que la CFDT se désaffilie de la CMT : elle était à ses yeux la plus faible des trois organisations internationales et peu apte à promouvoir un nouvel ordre économique international axé sur les intérêts des travailleurs. La désaffiliation fut votée par 17.685 mandats contre 2 301, parmi lesquels 1 200 mandats SGEN.

Au congrès SGEN de mars 1980, Jacques George quitta le bureau national et la commission permanente, mais demeura au comité national jusqu’en 1983, en qualité de conseiller technique. Déchargé de l’international, il reprit le secrétariat des Écoles normales. Jacques Richer avait été remplacé en 1977 par Françoise Leboucher, professeur d’histoire à l’École normale de filles de Caen. Mais en 1980 elle quitta le bureau des Écoles normales (devenu une commission) et même le SGEN, par suite d’une mésentente avec les responsables du syndicat de Basse-Normandie qui s’opposaient au renouvellement de sa candidature ; elle ne put donc être réélue. Jacques George partagea alors le travail, pendant dix ans, avec quelques camarades. Il n’avait jamais perdu de vue les problèmes des Écoles normales qu’il avait représentées, de 1965 à 1975 inclus, sur les listes SGEN lors des élections à la CAPN des agrégés ; il y figurait dans un rang qui ne lui imposait pas le risque d’être élu, vu ses multiples charges. Il conserva jusqu’à la retraite le secrétariat de la section SGEN de l’IUFM de Paris, tout en continuant à suivre les questions de formation des maîtres sur lesquelles il donna divers articles dans le bulletin SGEN des Écoles normales et en s’attachant à ce que les nouveaux statuts du SGEN, devenu en 1980 une Fédération de syndicats, n’entraînent pas un affaiblissement syndical dans les petites catégories comme celle des professeurs d’École normale.

Jacques George ne milita pas sur le plan politique. En Bretagne il avait adhéré à un petit parti local, l’Action travailliste des Côtes-du-Nord, animé par un membre du SGEN, Roger Huon, censeur au lycée de Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord, aujourd’hui Côtes-d’Armor). Ce parti se fondit ensuite dans le Parti socialiste autonome (PSA), puis dans le Parti socialiste unifié (PSU). Mais Jacques George ne maintint pas son adhésion car il jugeait le PSU trop petit et trop irréaliste. La SFIO de Guy Mollet le révulsait, le PC aussi. Il avait applaudi à la fondation du nouveau PS, mais la situation de ce parti en Seine-Maritime le dissuada de le rejoindre.

Une fois à la retraite, il poursuivit ses activités au sein du Cercle de recherches et d’action pédagogiques (CRAP) qui édite depuis 1945 les Cahiers pédagogiques. Membre du comité de rédaction de cette revue depuis 1978, il y publia de nombreux articles. Sollicité de prendre la présidence du mouvement, il n’accepta qu’en 1981 car il voulait au préalable être déchargé de ses responsabilités syndicales nationales. Il resta président jusqu’en 1991, puis devint vice-président et l’était encore en 2000. Pendant toutes ces années, il participa régulièrement aux rencontres et universités d’été organisées par le CRAP et intervint à plusieurs reprises dans des sessions de recherche du SGEN. Il rédigea notamment pour le congrès de Caen en juin 1996 une « brève histoire du SGEN, 1934-1995 ». Il était officier des Palmes académiques.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24183, notice GEORGE Jacques, Alexandre, Camille par Madeleine Singer, version mise en ligne le 8 janvier 2009, dernière modification le 28 juillet 2021.

Par Madeleine Singer

ŒUVRE : Brève histoire du SGEN, 1934-1995, juin 1996.

SOURCES : M. Singer, Le SGEN, 1937-1970, thèse, Lille III, 1984, 3 vol. (Arch. Dép. Nord, J1471) ; Histoire du SGEN, Presses universitaires de Lille, 1987. ; Le SGEN. Des origines à nos jours, Paris, Le Cerf, 1993, collection « Histoire ». (Arch. Dép. Nord, J1578). — Syndicalisme universitaire (1960-1990). — Lettres de Jacques George à Madeleine Singer, 9 juin 1995, 24 septembre 1996, 27 mai 1999, 1er février 2000, 21 mars 2000, 4 avril 2000, 6 juin 2000 et 19 juin 2000 (Arch. privées). — Le Monde, 18 mars 2006.

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