HORATH Jules, Marie

Par Andre Delestre

Né le 19 décembre 1892 à Hécourt (Oise), mort le 29 novembre 1949 à Saumont-la-Poterie (Seine-Inférieure, Seine-Maritime) ; commerçant ambulant ; soldat de 1914 à 1919 ; mutin en Russie septentrionale, région de Arkhangelsk ; pacifiste ;

Jules Horath, fut le fils de Maria Thiesce et Joseph Horath, de nationalité suisse, qui avec quelques frères ou amis, émigrèrent dans la région de Gournay-en-Bray (Seine-Inférieure), à la fin du 19ème siècle, embauchés comme ouvriers fabricants par la laiterie Gervais qui voulait commercialiser des fromages frais dits « petits suisses ». Par le travail et l’entraide, tous les enfants de Joseph fondèrent des commerces alimentaires dynamiques.
Jules Horath partit au service militaire en 1911 puis fût incorporé le 31 août 1914 au 154ème Régiment d’Infanterie puis au 47ème RI, envoyé au front dans la Meuse. Il tint un carnet de notes jusque fin 1919, avec les affectations, les batailles menées, les conditions de vie dans les tranchées, une liste des êtres chers, une comptabilité.
Le 31 mars 1917, il est affecté au 272ème Régiment d’Infanterie Coloniale (RIC) et le 19 mars 1918, au 1er RIC, 24ème bataillon de marche, 2ème compagnie.. Le 17 juillet 1918, il partit de Brest, sur le navire russe Tzar sous pavillon anglais. A bord, son bataillon découvrit la destination : la Russie du nord. Après un voyage long et pénible, avec la peur des sous-marins allemands, le 26 juillet, il arriva au port de Mourmansk, aménagé par les anglais et américains, alliés de la France. Il apprit la Révolution par des civils français qui attendaient leur évacuation. Le 31 juillet, il partit à bord de l’Arturian, escorté par le navire amiral Aube, vers Arkhangelsk, la grande ville portuaire du nord de la Russie. Puis fut acheminé en train vers Vologda, sur la ligne de front, occupés par les bolcheviques. Les combats y furent meurtriers, l’un de ces camarades fut tué, le capitaine gravement blessé. Dans son journal, Jules Horath témoigna « être mal équipé contre le froid et mal nourri ». Le 13 novembre 1918, le bataillon se replia à Comosgorska. Le 23 novembre, sa compagnie apprit par des soldats anglais et un journal d’emballage de colis, échappé de la censure militaire, la signature de l’Armistice. Le 6 décembre, sa compagnie fut à nouveau envoyée au front, les soldats ne comprenant pas qu’en France, les armes s’étaient tues et qu’eux devaient subir les bombardements. Le 18 décembre, la compagnie fut engagée à Obozerskaïa. Le 1er mars 1919, l’ordre fut donné de monter en première ligne afin de remplacer les soldats américains. Refus des 90 soldats de la compagnie. Désarmés et évacués en train vers Arkhangelsk, pendant 2 mois, ils furent prisonniers, surveillés par des soldats anglais. Une procédure pour un conseil de guerre fut engagée. Ils apprirent que des marins du cuirassé Guédon étaient également prisonniers suite à une mutinerie. Le 5 mai, un premier départ de prisonnier pour la France fut organisé. Le 16 mai, Jules Horath embarqua à bord du brise glace Mieula, la mer Blanche étant gelée. Puis le 19 mai sur le croiseur léger, le Mont Calme. Le carnet de campagne indique le franchissement du cap Nord le 21 mai, Bergen (Norvège) le 24. Le 27 mai, ils arrivèrent en rade de Brest et furent transférés sur le croiseur Condé, sans possibilité de descendre à terre. Le 29 mai, ils appareillèrent, l’apprenant par les marins, vers Casablanca (Maroc). Arrivés le 31 mai, ils partirent en train vers Rabat puis à Bar Bel Amir et Taza dans une compagnie disciplinaire, encadré par des soldats français et des supplétifs marocains. On les présentait comme « ayant tués et volés en Russie », particulièrement dangereux. Jules Horath décrit les jours de marches forcées, le travail de terrassier et cantonnier, le manque de nourriture et de sommeil, la peur constante. Ils construisirent des fortins pour protéger l’armée coloniale des attaques des rebelles indigènes. Fin août 1919, il fut libéré et revint en France brisé dans son corps, devenu profondément antimilitariste.
Marié en 1920 avec Honorine Bouchard, née le 3 novembre 1901 à Berville-sur-mer (Eure), fille d’ouvriers agricoles, journaliers ne possédant aucune terre, du couple naquit une fille, Aimée Horath en 1922.
Après la guerre, Jules Horath, d’abord commis chez Félix Potin à Gournay-en-Bray, s’établit à Bézancourt près de Gournay-en-Bray vers 1921. Il fut le premier, dans la région, à faire des tournées avec un camion épicerie. Son épicerie-café très achalandée devint le lieu de fréquentes réunions et d’animations sociales et culturelles, fêtes de village, banquet des pompiers, spectacles amateurs. Jules Horath acquit alors une renommée dans tout le canton. Pendant les trente années du reste de sa vie, il travailla dur et eut à cœur d’organiser des fêtes à toute occasion pour la famille, les amis et voisins sans distinction. Quoi qu’ayant bien réussi dans le commerce, il resta fidèle à ses sympathies pour les petites gens et les exploités.
Jules se lia d’une grande amitié avec l’instituteur du village, Louis Hobey, libre penseur et anarchiste, sanctionné pour ses idées et muté en 1934 à Bézancourt. Ils étaient de la même classe et face aux horreurs de la guerre, furent des pacifistes militants.
Jules Horath mourut dans sa 57ème année et fut inhumé à Hécourt (Oise).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article241848, notice HORATH Jules, Marie par Andre Delestre, version mise en ligne le 13 août 2021, dernière modification le 13 août 2021.

Par Andre Delestre

SOURCES : archives départementales de l’Oise et de Seine-Maritime ; carnets personnels de campagne (1914-1919) de Jules Horath, archives familiales. — Patrick Façon « Les mutineries dans le corps expéditionnaire français en Russie septentrionale (décembre 1918-avril 1919) » [Revue d’Histoire moderne et contemporaine}.

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