BATTUT Jean, Paul, Jules, Louis

Par Jacques Girault

Né le 14 février 1933 à Messeix (Puy-de-Dôme), mort le 9 avril 2022 à Paris (XVIIIe) ; instituteur puis PEGC ; secrétaire de la section de la Nièvre (1963-1969), puis secrétaire national du SNI-PEGC (1978-1981) ; militant socialiste ; militant associatif.

Fils d’un mineur syndiqué à la CGT, sympathisant socialiste, Jean Battut reçut seulement les premiers sacrements catholiques. Après avoir fréquenté le cours complémentaire de Messeix, il entra à l’Ecole normale d’instituteurs d’Auxerre (Yonne) en 1950 qui accueillait les futurs instituteurs de la Nièvre où l’école normale avait été détruite pendant la guerre. Éclaireur de France (1954), appelé sous les drapeaux en 1955 et aussitôt réformé, il fut nommé instituteur en octobre 1954 à Suilly-la-Tour (Nièvre) puis l’année suivante, à Clamecy (Nièvre), et de 1956 à 1960 à Courcelles (Nièvre). Il fut alors nommé PEGC (français, histoire, géographie) au cours complémentaire de garçons à Cosne-sur-Loire, devenu collège d’enseignement général, puis collège d’enseignement secondaire. En 1981, n’étant plus détaché, il prit un poste de PEGC au CES de la rue Jussienne à Paris (IIeme arrondissement).

Il se maria uniquement civilement en mars 1956 à Chailley (Yonne) avec Arlette Bourgoin, institutrice, ancienne normalienne, future directrice d’école à Paris, native de Chailley. Son père, Marcel Bourgoin, boucher charcutier comme sa mère, conseiller municipal de Chailley à la Libération, fut maire de 1965 à 1983. Les époux terminèrent l’année scolaire dans des postes séparés d’une quinzaine de kilomètres, lui à Clamecy, elle à Festigny. Ils obtiennent dès octobre 1956 un poste double à Courcelles. Le couple eut deux enfants et divorça en 1997.

Adhérent du Syndicat national des instituteurs depuis 1954, délégué cantonal en 1956, puis membre du conseil syndical, Jean Battut devint secrétaire général de la section départementale (1963-1969). Lors du congrès national du SNI, le 13 juillet 1966, son intervention porta sur l’unité syndicale et notamment sur le sens de l’accord entre la CGT et la CFDT et de son extension possible en direction de la FEN. Un tel accord, selon lui, « n’apporte rien à l’unité d’action et éloigne de l’unité organique ». D’autre part, il refusait tout accord avec la CFDT au nom du respect de la laïcité et en accord avec la condamnation par le SNI d’une « laïcité de bon aloi ». Battut fut de 1973 à 1975 secrétaire de la section départementale de la Fédération de l’Éducation nationale (tendance "autonome" puis "Unité Indépendance Démocratie). Il appartenait aussi à la commission administrative de la section départementale de la Mutuelle générale de l’Éducation nationale (1963-1976).

En 1978, Jean Battut fut élu au bureau national du SNI-PEGC à la demande de Guy Georges, son secrétaire général. Secrétaire national du SNI, il était chargé de suivre les questions laïques, les secteurs "droits et libertés" et les "questions de l’Europe". Il présenta la motion laïque au congrès de Toulouse du SNI-PEGC en juillet 1981 puis quitta le secrétariat national. Il représenta la Fédération de l’éducation nationale à la section des Affaires éducatives, sanitaires et sociales du Conseil économique et social (1979-1980).

En janvier 1969, Jean Battut se démettait de ses mandats syndicaux et s’engageait pour le renouveau du socialisme français. A partir de la réunion constitutive de Cosne en février 1969, il fut le responsable du Parti socialiste nouveau, transformé en Mouvement socialiste nivernais pour l’unité et pour le renouveau de la gauche, qui, dans le département, regroupait des inorganisés dont il était, des membres de la Convention des institutions républicaines avec François Mitterrand, des anciens socialistes SFIO. Il animait, à partir d’octobre 1969, le Cercle d’études pour l’unité socialiste. Après la fondation du Parti socialiste, Battut, délégué de la Nièvre au congrès d’Epinay (19-21 juin 1971), devint secrétaire de la fédération socialiste de la Nièvre, "responsable aux structures" jusqu’à sa démission en octobre 1972. Lors des élections municipales de mars 1971, il se présenta à Cosne-sur-Loire à la tête d’une liste "Groupe d’action municipale" qui s’opposait à la liste de droite et à la liste associant des socialistes et des centristes.

Jean Battut occupa une place de premier plan de plus en plus sur le plan national. Il fut le responsable, à partir de la présentation de son Manifeste le 23 février 1973, du mouvement "École et socialisme" qui rassemblait dans le pays des groupes socialistes de réflexion sur l’école et plus largement sur l’enseignement. Ce mouvement organisa le colloque de Cachan (23-24 février 1974) et publia, à partir de 1975, une revue École et Socialisme, à la fondation de laquelle il participa, publication qui devint l’organe du PS en direction des enseignants et diffusa ses analyses en la matière. Il était membre de son comité de rédaction jusqu’à son dernier numéro en septembre 1994. En s’appuyant sur les principes de l’école fondamentale théorisée par le SNI, il s’agissait d’élaborer un nouveau programme éducatif du PS dont l’idée centrale pouvait se résumer ainsi : il fallait commencer par changer l’école pour changer la société au lieu d’attendre la transformation politique et sociale pour modifier l’école.

Jean Battut, en 1975, conseiller en matière d’éducation du premier secrétaire François Mitterrand, conserva cette fonction jusqu’en 1978. Par la suite, jusqu’en 1995, il adressait régulièrement, à Mitterrand ou à ses conseillers, des notes portant sur les questions de l’éducation. Après avoir assuré une relation personnelle entre le premier secrétaire du PS et le secrétariat national du SNI, il joua, à partir de 1981, comme secrétaire national du collectif "éducation" du Parti socialiste, un rôle essentiel dans la définition d’un programme socialiste en matière d’enseignement, notamment par des travaux de recherches pour le groupe "Grand service public". Ses expériences syndicales et politiques lui permirent d’occuper un rôle de premier plan lors des négociations avec le gouvernement et les représentants de l’enseignement catholique. Il fut à la fois un des artisans de la proposition de créer un service unifié d’enseignement et l’un de ceux qui conseillèrent au Président de la République d’abandonner tout projet de réforme en 1984, qu’il estimait mal engagé. Il approuva la mise en place des "mesures simples et pratiques" présentées par Jean-Pierre Chevènement, nouveau ministre de l’Éducation nationale, en 1985 qui mirent fin au conflit en regrettant qu’elles n’aient pas été adoptées dès 1981.

Depuis 1982, Jean Battut n’avait plus de responsabilités officielles sur les terrains politique et syndical. De septembre 1982 à juillet 1986, il devint le délégué général de l’Agence nationale pour les chèques vacances (ANCV), chargé de la promotion des chèques et de la rédaction d’annuaires en liaison avec les organismes de tourisme. À nouveau détaché comme conseiller de Guy Georges, président du Comité de coordination des œuvres mutualistes et coopératives de l’Éducation nationale (1986-1988), il exerça la vice-présidence de Solidarité laïque (1985-1988).

Retraité en 1988, entre 1989 et 1994, Jean Battut siégea, en tant que personnalité qualifiée à la section des affaires économiques générales et de la conjoncture au Conseil économique et social. Il avait été élu en 1984 à la présidence nationale de l’association France-URSS qui prononça sa dissolution en 1991. Adhérant pendant quelques années au Syndicat des enseignants, il le quitta pour ne rester que membre direct de la Fédération générale des retraités.

Franc-maçon (Grand Orient de France), Jean Battut participa à un ouvrage collectif sur la "guerre scolaire" de 1984 et déposa en 1994, à la demande de François Mitterrand, ses archives personnelles aux Archives départementales de la Nièvre. Il continuait à alimenter régulièrement ce fonds fermé. Engagé bénévolement dans le Groupement des retraités et éducateurs sans frontières, il effectua plusieurs missions entre 1990 et 2002 et publia son journal en 2018 sous le titre Chroniques Libanaises 1999-2002. Journal d’un promeneur solidaire (L’Harmattan). En utilisant notamment ses archives, il suivit des enseignements d’Histoire à l’université de Paris 13, et mit à profit son expérience dans la Nièvre (DEA en 2005 sur Les débuts du Parti socialiste en Nivernais (1969-1971) puis doctorat en 2010, Itinéraire militant d’un instituteur nivernais. Il contribua à l’histoire de l’enseignement et des rapports entre socialisme et syndicalisme en publiant plusieurs ouvrages sur la question.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24188, notice BATTUT Jean, Paul, Jules, Louis par Jacques Girault, version mise en ligne le 7 janvier 2009, dernière modification le 19 mai 2022.

Par Jacques Girault

ŒUVRE : Le fichier de la BNF en 2018 comportait neuf références dont en collaboration avec Christian Join-Lambert et Edmond Vandermeersch, 1984, la guerre scolaire a bien eu lieu, Paris, Desclée de Brouwer, 1995. — François Mitterrand le Nivernais : 1946-1971, la conquête d’un fief, 2011. — Changer l’école pour changer la vie : 1971-1981, François Mitterrand, la gauche et l’éducation, Paris, L’Harmattan, 2012 — Quand le syndicalisme enseignant rencontre le socialisme : 1975-1979 : notes régulières transmises par la FEN et le SNI à François Mitterrand, Paris, L’Harmattan, 2013. — Chronique géorgienne. 2002, un besoin d’Occident, Les impliqués Édition, 2019. — Chroniques libanaises 1999-2002 journal d’un promeneur solidaire, Éditions de l’Harmattan, 2018.

SOURCES : Arch. Dép. Nièvre, 74 J (fonds Jean Battut). — Archives du Centre H. Aigueperse (UNSA-Education). — L’Ecole libératrice, Bulletin du SNI de la Nièvre. — École et Socialisme. — Renseignements fournis par l’intéressé. — Notice pour le Maitron (tome 1) par Jacques Girault et Louis Métral.

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