MITKOVITSER Issaak, Véniaminovitch [dit Sacha TOUBINE]

Par Denis Denisov

Né à Odessa (Empire russe, de nos jours en Ukraine), la date de naissance est inconnue ; frère du sculpteur soviétique Piotr Mitkovitser ; militant ouvrier depuis 1903, menchévique, immigré politique à Paris à partir de 1907 ou 1908 ; selon les sources soviétiques il participait au travail clandestin à Odessa en 1918 et 1919 ; interprète de Raymond Lefebvre, Jules Lepetit et Marcel Vergeat au IIe congrès de l’Internationale communiste et lors de leur visite en Ukraine ; mort en septembre ou octobre 1920.

Relieur de profession, il commença à militer à Odessa. En 1903 il se distingua parmi les ouvriers qui participaient à la grève « de Zoubatov » (provoquée par la police dans le cadre de la politique proposée par le ministre de l’intérieur de l’Empire à l’époque, Zoubatov). Il fut arrêté et exilé en Sibérie. Il s’évada et vint à Saint-Pétersbourg en 1905. Il fut élu député au Soviet des députés ouvriers de Pétersbourg. Il fut de nouveau arrêté et exilé en Sibérie. Selon certaines sources soviétiques, il rencontra Léon Trotski dans son deuxième exil et organisa son évasion en 1907. Puis il s’évada lui-même. Cependant, les mémoires de Trotski ne confirment pas cette version.

Mitkovitser vint en émigration à Paris (où son frère Piotr faisait ses études à l’École des Beaux-Arts), en 1907 ou en 1908, sous le pseudonyme « Sacha Toubine ». En 1913-1915, il assurait la correspondance de Victor Serge lors de son emprisonnement à la Santé. Selon le témoignage d’un certain Constantin Lebedev publié dans l’Humanité le 11 mars 1921, « Issak (Sacha) Toubine » travailla comme chauffeur et fut membre du syndicat des chauffeurs. En réalité il est difficile de dire quel fut son métier à l’époque. Les liens de Serge avec les ouvriers des imprimeries peuvent expliquer la participation de Mitkovitser (s’il restait relieur) dans son destin aussi bien que l’implication de Serge dans l’affaire Bonnot (si Mitkovitser devint chauffeur).

Il y a deux versions de la participation de Mitkovitser aux événements de la Guerre civile à Odessa. Selon Lebedev, « Victime d’un accident d’auto », Mitkovitser « ne pouvait pas réaliser son désir » de « rentrer le plus tôt là-bas, où l’appelait son devoir révolutionnaire ». Selon certaines sources soviétiques, il fut en 1918 (ou probablement en 1919) à Odessa où il accueillit dans son appartement de la rue Knyajeskaya le comité de rédaction du journal de propagande francophone Le Communiste monté par le Collège étranger. Selon Vladimir Dyogot, c’était dans l’appartement de son frère, Piotr. Dyogot donne l’adresse plus exacte : 23, rue Knyazheskaya. Il ajoute qu’il s’agit non pas du comité de rédaction du journal Le Communiste, mais du Comité clandestin qui s’occupait de toutes les questions du travail du Collège à Odessa. Cependant, il faut préciser que le témoignage de Dyogot fut critiqué par d’autres participants aux événements qui insistaient sur le fait qu’il ne fut présent à Odessa qu’au début de l’intervention française.

Pendant l’été 1920, Mitkovitser accompagna Lefebvre, Lepetit et Vergeat comme traducteur au IIe Congrès de l’Internationale communiste. Il trouva le moyen de contourner le blocus imposé par le gouvernement français aux républiques soviétiques en passant par Mourmansk sur un bateau belge. Il fit connaissance directement avec Serge à Petrograd qui l’a décrit ainsi : « Je le voyais, tandis que nous parcourions Petrograd, cafardeux, hanté par des sombres pressentiments ». Après la fin du congrès, Mitkovitser, Lepetit, Vergeat et Lefebvre effectuèrent un voyage d’étude en Ukraine.
Sur le chemin du retour Mitkovitser, Vergeat, Lepetit et Lefebvre disparurent en mer, vraisemblablement à la date du 1er octobre, au large de Mourmansk.

Piotr Mitkovitser continua sa carrière artistique en Russie soviétique. En 1941, il s’engagea dans l’Armée rouge. En octobre 1941, son unité fut encerclée. Il mourut en janvier 1942 dans un camp de concentration nazi.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article241960, notice MITKOVITSER Issaak, Véniaminovitch [dit Sacha TOUBINE] par Denis Denisov, version mise en ligne le 5 août 2021, dernière modification le 5 août 2021.

Par Denis Denisov

SOURCES : [Notice sur Issaak Mitkovitser], Derjavnyy arkhiv Odes’koyi oblasti [Archives d’État de la région d’Odessa], f. P-150, op. 2, d. 146, pp. 66-67. — « Issaak Mitkovitser », LEJAVA, L. (dir.), ROUSSAKOV, G. (dir.), Pamyatnik bortsam proletarskoy revolutsii pogibchim v 1917 – 1921 g.g. [Monument aux lutteurs de la révolution prolétarienne morts en 1917 – 1921], Moscou, Léningrad, Gossoudarstvennie izdatelstvo, 1925, p. 389. — TROTSKY, Léon, Ma vie, Paris, Gallimard, 1953, pp. 198-212. — MYKHAYLOV, Yukhym, « Novè rizbyarstvo Urkayiny [Nouvelle sculpture de l’Ukraine] », Jyttya i révolutsiya [La vie et la révolution], n° XII, 1929, p. 126. — SERGE, Victor, « À la mémoire des Quatre », Bulletin communiste, n° 42, 12 octobre 1922, p. 792. — LEBEDEV, (Alexis) Constantin, « Vergeat, Raymond Lefebvre, Lepetit et Toubine », l’Humanité, 11 mars 1921, p. 3. — DYOGOT, Vladimir, « Frantsouzskaya okkypatsiya. Rabota Inostrannoy kolleguii. Nastouplenie Grigoryeva – 1918 [Occupation française. Travail du Collège étrangère Offensif de Grigoryev – 1918] », Oktyabr na Odechtchine [Révolution d’Octobre dans la région d’Odessa], Odessa, 1927, p. 378. — Bulletin communiste, 2e année, n° 16, 21 avril 1921, p. 271. — SERGE, Victor, Mémoires d’un révolutionnaire 1905 - 1945, Montréal, Lux Éditeur, 2017, pp. 82-83. — Enquête [sur Mitkovitser, Piotr Veniaminovitch], Tsentralnyy arkhiv Ministerstva oborony [Archives centrales du Ministère de la défense (de la Fédération de Russie)], f. 58, op. 18004, d. 1341, pp. 93, 938.

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