ELLINGER Ernest

Par Alain Dalançon, Jacques Girault

Né le 17 septembre 1914 à Vienne (Autriche), mort le 6 décembre 1989 à Poitiers (Vienne) ; professeur d’histoire-géographie ; militant syndicaliste du SNES ; militant communiste, conseiller municipal de Poitiers.

Dans l’équipe de professeurs au nouveau lycée Camille Guérin en 1965-1966

Son père, Max Ellinger, originaire de la région de Brünn (Brno), était représentant de la firme Agfa et Voigtlander en Roumanie ; sa famille était originaire de la région de Brünn (Brno), le père de celui-ci étant brasseur et avait été maire avant 1914 d’une petite ville près d’Austerlitz (Porlitz, aujourd’hui Pohorjelice).
Sa mère, Iza Reiner, était la fille du directeur de la Banque de Roumanie à Braïla, port sur le Danube ; elle avait passé sa jeunesse à Bucarest et, par périodes, à Vienne dans des milieux de culture roumaine, mais aussi germanique et française. La culture de son milieu, internationalement très ouvert (son demi-frère aîné s’était très tôt établi comme homme d’affaires en Angleterre), outre le roumain, était à la fois germanique, orientée vers Vienne, et française.
Ses parents qui s’étaient mariés avant la Grande guerre, s’étaient séparés à la fin du conflit. Son père retourna dans ce qui devenait la Tchécoslovaquie dont il choisit la nationalité. Il y refondit une nouvelle famille, qui disparut au cours de la Seconde Guerre mondiale, lui-même étant mort avant.

Sa mère vint à Paris en 1920, faire du théâtre et joua dans Knock avec Louis Jouvet. Elle interrompit sa carrière artistique pour collaborer avec Olga Spitzer dans le "Service social de l’enfance en danger moral" et contribua, pendant la guerre, à l’action de réseaux pour cacher des enfants juifs ou à les faire passer en Suisse. Après la guerre, elle reprit une activité artistique (récitals de poésie française) en France et à l’étranger.

Ernest Ellinger vécut dans sa famille roumaine, puis vint auprès de sa mère en 1925, d’abord à Lausanne, puis à Paris où il fréquenta plusieurs lycées. Au contact du travail social en direction des jeunes immigrés, dans lequel sa mère s’était engagé, et au sein du mouvement des Eclaireurs israélites de France, où il était actif, il prit conscience de ces problèmes : il avait pensé un moment devenir juge pour enfants, avant de se tourner vers des études d’histoire-géographie à la Sorbonne où il obtint la licence, mention géographie.

Indiqué comme Tchécoslovaque sur sa carte de rapatrié, il fut naturalisé français en 1934. Surveillant d’internat au collège de Sainte-Menehould (Marne), il se maria le 16 juillet 1938 avec une étudiante en histoire-géographie dont le père travaillait au ministère des PTT. Le couple eut un garçon en août 1939.

Très sensible à la montée de l’antisémitisme, de la xénophobie et du fascisme en Europe, Ernest Ellinger fut mobilisé comme sous-lieutenant, en août 1939, dans le 23e régiment de marche des Volontaires étrangers. Il fut fait prisonnier, avec ses camarades, le 12 juin 1940. Captif dans l’Oflag II D puis II B à Arnswalde, en Poméranie, choqué par le climat de démoralisation, par l’antisémitisme, il se rapprocha des communistes et adhéra au Parti communiste français, en 1943 (selon les archives du PCF). Devant l’avancée des troupes soviétiques, il fut contraint de traverser l’Allemagne à pied avec ses compagnons durant l’hiver 1944-1945, et fut libéré en avril 1945 à Bergen-Belsen.

Il resta toujours fidèle à la mémoire de ses compagnons de captivité. En 1945, il créa une section départementale de l’Association des anciens combattants prisonniers de guerre, dont il resta par la suite le secrétaire général. Il manifestait sa fidélité par le port du barbelé à sa boutonnière et par la direction de colonies de vacances, en été, pour leurs enfants.

Ernest Ellinger rejoignit en 1945 son épouse, devenue professeure certifiée au lycée de jeunes filles de Poitiers où son père avait été nommé directeur des PTT du département de la Vienne. Ils eurent par la suite trois autres enfants, dont : Pierre, futur professeur des universités et Dominique, future professeure agrégée de géographie.

Ernest Ellinger devint professeur d’histoire-géographie au collège moderne et technique de la Cathédrale, bénéficiant directement, pour ses états de services militaires, du statut de certifié. Il fut muté au nouveau lycée Camille Guérin ouvert en 1966 et y termina sa carrière. Enseignant compétent et érudit, militant pour la géographie, il fut conseiller pédagogique au centre pédagogique régional.

Militant syndicaliste du Syndicat national de l’enseignement secondaire de 1947 à 1959, Ernest Ellinger fut secrétaire de la section syndicale (S1) de son collège dans laquelle la fusion entre la section du SNES et du SNET fut effective très tôt. Il y militait avec ses camarades communistes Michel Bloch et Albert Foisnet. Puis, de 1966 jusqu’à sa retraite, il fut secrétaire du S1 du nouveau SNES du lycée Camille Guérin (tendance Unité et Action). Ouvert à la confrontation des idées, au dialogue tant avec ses collègues qu’avec les élèves, il joua un rôle important dans le maintien d’un bon climat dans la communauté éducative en 1968 et durant les années post-68.

Membre du comité de la fédération communiste de la Vienne du début des années 1950 jusqu’en 1956, Ernest Ellinger devint membre de la commission fédérale de contrôle financier de 1956 à 1966. Élu conseiller municipal en 1953 sur la liste communiste conduite par Alphonse Bouloux, Ernest Ellinger fut candidat aux élections municipales en 1959, figura à nouveau sur la liste communiste en 1965 et en 1971 sur la liste « pour une gestion sociale et démocratique ». Il se présenta à plusieurs élections au conseil général dans les cantons de Gençay (1958), de Couhé-Vérac (4 juin 1961, 1967). Il militait également dans une association de défense des locataires.

Membre du comité de la section communiste de Poitiers jusqu’en 1987, il fut une grande figure du PCF dans la ville. Les révélations du XXe congrès du PCUS furent pour lui un moment très dur. Critique vis-à-vis des « crimes de Staline », favorable à la perestroïka, il ressentit douloureusement l’échec du communisme mais resta fidèle au choix politique fait pendant la guerre.

À la fin de sa vie, il était le compagnon de la poétesse Odile Caradec.

Lors de ses obsèques, devant une assistance nombreuse, dont de nombreux prisonniers de guerre, Jean-Jacques Guérin, le responsable communiste de Poitiers, rendit hommage à « un homme, un militant exceptionnel, une figure de notre histoire locale ». Le représentant de la résistance gaulliste lui rendit hommage. Toute la presse locale fut unanime à saluer l’homme de culture et le militant à la personnalité chaleureuse et généreuse.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24198, notice ELLINGER Ernest par Alain Dalançon, Jacques Girault, version mise en ligne le 8 janvier 2009, dernière modification le 25 septembre 2022.

Par Alain Dalançon, Jacques Girault

Photo de sa classe au collège de la Cathédrale en 1960-1961
Dans l’équipe de professeurs au nouveau lycée Camille Guérin en 1965-1966
Au congrès national du SNES à Poitiers en 1972
Témoin à un procès en RFA en 1982 au temps des "Berufsverbiot"

SOURCES : Arch. comité national du PCF. — Bulletin de la Fédération de la Vienne du PCF, La Vienne démocratique. — Notes d’Alain Léger. — Témoignages de ses camarades du PCF, du SNES et de ses collègues, dont l’auteur, A. Dalançon. — Renseignements fournis par ses enfants.

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