TERWAGNE Modeste Nicolas.

Par Jean Puissant

Namur (pr. et arr. Namur), 14 janvier 1864 – Bruxelles (pr. Brabant, arr. Bruxelles ; aujourd’hui Région de Bruxelles-Capitale), le 30 janvier 1945. Docteur en médecine, libre penseur et franc-maçon, conseiller communal et député socialiste d’Anvers (Antwerpen, pr. et arr. Anvers).

Issu d’une famille de bouchers, installée à Dinant (pr. Namur, arr. Dinant), d’orientation catholique, Modeste Terwagne y poursuit ses études à l’école moyenne. Il affiche déjà son anticléricalisme. Il adhère à la Libre pensée locale en 1878, et écrit dans La Chronique dinantaise. Il entreprend des études de médecine à l’Université libre de Bruxelles et fait la connaissance de la pléiade d’universitaires socialistes de l’époque : César De Paepe* qui renforce ses convictions de libre penseur et l’oriente vers les aspects sociaux de la médecine, les sociologues et économistes Guillaume De Greef et Hector Denis, l’avocat Léon Furnémont… Il dit avoir adhéré à la Ligue républicaine, à l’Union démocratique, à la Générale ouvrière, mais, insiste-t-il, « c’est l’anticléricalisme et la LP, qui ont jusqu’à présent amené le plus de forces ouvrières et autres au parti socialiste », soulignant ainsi sa propre trajectoire (lettre à Louis Bertrand, 19 juillet 1909).

Docteur en médecine, chirurgie et accouchement en 1888, Modeste Terwagne est interne à l’hôpital Sainte-Elisabeth d’Anvers. Il installe dans cette ville avec sa jeune épouse. Son cabinet obtient un incontestable succès. De plus, il est rédacteur à la revue Médecine et hygiène, préside la section provinciale de la Ligue contre la tuberculose et devient vice-président de la Ligue nationale contre la tuberculose. En 1900, il crée un syndicat de médecins, « Geneeskundige syndikaat ». Réussite obtenue, il fait construire une villa à Wenduine où il accueille des enfants tuberculeux. Membre du « Gueusenbond », de la Libre Pensée-De Vrije Gedachte, il en devient le trésorier, puis le président (1891-1899). Il est initié à la loge Les Amis du commerce et de de la persévérance réunis en 1889. Cela lui permet d’accéder à la bonne société de la métropole anversoise. Il crée la première extension universitaire du pays.

Avec quelques libéraux progressistes favorables au suffrage universel, Modeste Terwagne crée une Ligue progressiste qui tente, vainement, d’influencer le Parti libéral. Il adhère alors au Parti ouvrier belge (POB) en 1894 et crée la Ligue socialiste de langue française. Il s’exprime et écrit en français et en flamand, mais sa connaissance de cette dernière langue reste « passive », souligne l’Encyclopedie van de vlaamse beweging. Il accède rapidement au comité fédéral, déchiré par les rivalités (notamment entre les journaux De Wacht (l’attente) et De Werker (L’ouvrier) auquel il collabore), où il prend l’ascendant.

Favorable à l’union anticléricale, Modeste Terwagne impose une orientation plus politique que syndicale. Il est élu conseiller communal en 1899, sur une liste de cartel anticléricale avec ses camarades Cools, employé des tramways, et Goetschalk, employé, (il est à l’origine de lavoirs publics et d’abris pour les dockers), puis député d’Anvers en 1900. Ses interventions dans les deux assemblées relèvent de son prisme anticlérical, notamment la lutte contre la présence de religieuses dans les hôpitaux. Il est qualifié de « Nonnenfretter » (bouffeur de nonnettes). Il se positionne en faveur de l’enseignement obligatoire public, s’intéresse aux questions d’hygiène publique, de santé en milieu ouvrier (mineurs, briquetiers de Boom (pr. et arr. Anvers), dockers). Il défend les revendications flamandes : il soutient notamment la proposition Coremans de « flamandisation » de l’enseignement moyen (1907), mais s’oppose à la « flamandisation » de l’université de Gand, défendue notamment par Camille Huysmans*. Anti-Léopold II, il se dit républicain et partisan de la reprise du Congo. Il est qualifié de « Polderbison », en raison de son physique et de la passion avec laquelle il défend ses positions. En juin 1914, il fait partie du conseil de direction de la Volksgazet, dagblad van de Werliedenpartij (Gazette du peuple, journal du Parti ouvrier belge), nouveau quotidien socialiste anversois.

Réfugié aux Pays-Bas pendant la Première Guerre mondiale, Modeste Terwagne dirige l’Office belge de propagande et de documentation à La Haye et défend des positions patriotiques et nationalistes. À la fin de la guerre, il partage les positions du Comité de politique nationale annexionniste et se distingue ainsi de sa fédération.

À l’issue du conflit, la tendance « Vlaams gezind » (conscience flamande) se renforce à la fédération d’Anvers, sous l’influence notamment de C. Huysmans qui a défendu une position « pacifiste » mais aussi de certains, proches du pacifisme et/ou de l’activisme, que Terwagne a signalés pendant la guerre. Certains ont été interpellés et emprisonnés durant quelque temps. Il s’oppose surtout à Huysmans à propose de la politique d’alliance avec le Parti catholique de Frans Van Cauwelaert, « l’Alliance mystique », qui rompt donc le pacte anticlérical avec le Parti Libéral. Terwagne n’obtient pas l’appui du Conseil général du POB dans ce conflit, à sa grande indignation, alors qu’il est exclu de la Fédération socialiste anversoise. Il tente de créer sa propre liste aux élections législatives de 1919 sous le label « Fédération socialiste d’Anvers », c’est un cuisant échec, il obtient 0,85 % des voix. Ses mandats se terminent donc, respectivement, en 1919 pour la Chambre, 1920 pour le conseil communal. Il quitte Anvers. La « bonne société » libérale l’évite désormais parce que socialiste ; le milieu socialiste, parce qu’il a été exclu ; la société flamande parce que…, ne parlons pas du milieu catholique dont il reste l’irréductible adversaire.

Modeste Terwagne reprend de nouvelles activités médicales, son cabinet à Bruxelles, une cure thermale à Chevron (aujourd’hui commune de Stoumont, pr. Liège, arr. Verviers), mais surtout s’investit dans les organisations de Libre pensée, après avoir tenté de présenter, sans succès, un liste « radicale-socialiste » essentiellement anticléricale à Bruxelles en 1925 (0,47 %). Admis à la loge Les Amis philanthropes à Bruxelles, il en prend un moment la direction pour s’opposer à une tentation ésotérique, qu’en parfait positiviste, il juge parfaitement irrationnelle. Terwagne est actif à la Libre pensée : il est vice-président du Conseil général de la Libre pensée Belge, participe activement aux congrès internationaux, devient président et collabore à La Pensée qu’il dirige de1928 à 1945.

Durant la Seconde Guerre mondiale, Modeste Terwagne offre l’abri au libre penseur allemand Max Sievers qui fuitle nazisme. A la mort de sa veuve en 1949, la fortune du couple Terwagne est léguée à la Loge pour créer le Home Leefson-Terwagne à La Hulpe (aujourd’hui pr. Brabant wallon, arr. Nivelles), destiné aux francs-maçons âgés en difficulté.

Dans les années 1930, Modeste Terwagne participe aux congrès de la Concentration wallonne, à la tête d’une section de l’Amblève (pr. Liège). Destin particulier de ce dinantais, devenu député d’Anvers, modérément « flamingant », qui après son engagement nationaliste belge à l’occasion de la guerre, participe aux débuts du combat wallon !

Modeste Terwagne épouse en premières noces Josepha Moreaux dont il a deux filles. Veuf en 1908, il se remarie avec Léontine Leefson (1877-1949).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article242304, notice TERWAGNE Modeste Nicolas. par Jean Puissant, version mise en ligne le 29 août 2021, dernière modification le 29 août 2021.

Par Jean Puissant

ŒUVRE :
-  Bibliographie complète dans E. De Schamphelaire (voir sources).
-  Collaboration aux journaux : De Werker, Le Peuple, L’Opinion, La Raison, La Pensée.
-  Discours publiés : Het ABC van het collectivistisch socialisme, Gent, 1896 – Over de vermindering der werkuren over de gezondheid der arbeidersklasse, Gent, 1904 – De zondagrust, Gent, 1905 – Een woordje aan onze broeders, de boeren, Antwerpen, 1900 – Voor het algemeen stemrecht, Gent, 1902.

SOURCES : Archives de l’Institut Émile Vandervelde (IEV) – Bruxelles, Archives de l’État VAN LAAR A., Geschiedenis van de arbeidersbeweging te Antwerpen en omliggende, Antwerpen, 1926 – DE SCHAMPHELEIRE E., De socialist-geneesheer-vrijmetselaar Modeste Terwagne en zijn tijd, onuitgegeven licentiaatsverhandeling VUB, Brussel, 1973 – « Terwagne Modeste », dans Nationaal Biographisch Woordenboek, deel IX, Brussel1981, col. 734-742 – Notice réalisée par A. Scillia, 2e candidature Journalisme et communication, Université libre de Bruxelles, 1987 – « Terwagne Modeste », dans DELFOSSE P. (dir.), Dictionnaire historique de la Laïcité en Belgique, Bruxelles, 2005, p. 62.

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