Valloire (Savoie) 23 août 1944 : massacre du tunnel du Télégraphe

Par Michel Aguettaz

Lors du repli de compagnies de l’armée allemande dans la vallée de la Maurienne vers l’Italie, quatre hommes voulant aider des soldats russes de la Wehrmacht à déserter et rejoindre un maquis FFI furent exécutés à Valloire.

Plaque commémorative, Valloire (Savoie)
Plaque commémorative, Valloire (Savoie)
Photo : Geneanet, sous licence d’usage CC BY-NC-SA 2.0

Le 23 août 1944, peu après midi, au tunnel du Télégraphe (route de Saint-Michel de Maurienne à Valloire) Olivier Chaudron, Paul Ollier, Eugène Somny et Valentin Trente furent capturés par une section allemande. On ne retrouva leur trace qu’en avril 1945.
Leur sort peut être en partie reconstitué grâce aux témoignages recueillis par la gendarmerie en août 1945.
Le 19 août 1944, Valentin Trente, réparateur de cycles à Saint-Michel de Maurienne (Savoie) en vacances à Valloire (Savoie), se rend lors d’une promenade au tunnel du Télégraphe. Là, il a une conversation avec des soldats de la Wehrmacht d’origine russe qu’il connaît, les ayant eu comme clients de son atelier. Selon son épouse, il les invite à rejoindre le maquis du camp des Rochilles. Ces derniers auraient acceptés, disant qu’ils allaient prévenir d’autres camarades, rendez-vous étant pris pour le lendemain 18 heures. Cette initiative est tout à fait personnelle puisque Valentin Trente n’appartient pas à la Résistance. Le lendemain étant seul, il ne se rend pas sur les lieux.
Le 23 août, alors que des combats se déroulent dans la vallée, il se rend au tunnel avec M. Albannel, cafetier à Saint-Michel de Maurienne, afin d’observer le déroulement des événements. Là, les deux hommes aperçoivent une colonne allemande d’une soixantaine de soldats qui progresse sur la route du col. Si M. Albannel préfère partir sur Valloire, Valentin Trente, persuadé que ce sont des déserteurs russes, décide de les accueillir. Il s’adjoint le concours de quatre de ses voisins, Paul Ollier, en vacances chez sa mère, Pierre Ollier, 19 ans, agriculteur et deux adjudants du 71e régiment BAF, Eugène Somny et Olivier Chaudron, repliés à Valloire depuis le bombardement de Modane en septembre 1943. A la mi-journée, les cinq hommes vont à la rencontre des soldats et selon le témoignage de Pierre Ollier « quand ces militaires ont été à 100 m de nous, ils ont levé les bras, à ce moment nous les avons invités à s’approcher de nous ». Ils sont immédiatement arrêtés. Pierre Ollier, le plus jeune, est relâché, les Allemands lui disant, toujours selon son témoignage, que s’il n’y avait pas de coup de feu avec le maquis « tout le monde serait libéré ». C’est la dernière fois que les quatre prisonniers furent vus vivants.
Le 28 avril 1945, des ouvriers travaillant sur un chantier routier à proximité du tunnel du Télégraphe trouvent des ossements dans les vestiges d’une construction ayant servi de poste de secours durant la guerre de 39-40. Une enquête de gendarmerie est engagée dès le lendemain.
Dans différents récits fait sur ce massacre, on signale la découverte dans les décombres de lits avec des restes humains attachés par des fils de fer, ce qui impliquerait que les victimes aient été brûlées vives. Or les documents de gendarmerie ne signalent aucunement un tel fait. Dans un rapport du 1er mai 1945
le commandant provisoire de la brigade de Saint-Michel de Maurienne écrit « Aidé de deux ou trois ouvriers de l’entreprise Tessa nos avons effectué des recherches dans ce qui restait du baraquement ayant servi d’infirmerie lors de la guerre de 1939-40. Nous avons découvert dans la partie gauche du local des ossements calcinés. Le docteur les ayant examinés nous a donné la certitude qu’il s’agissait bien d’ossements humains pouvant provenir de plusieurs personnes.
(« Comme objets nous n’avons trouvés que deux boutons de ceinture [...]
 »). L’identification des corps est impossible.
Des funérailles ont lieu à l’église de Valloire le 4 novembre 1945 et les corps sont inhumés le même jour au cimetière de Saint-Michel-de-Maurienne.
Le tribunal de première instance de Saint-Jean de Maurienne déclare le 26 novembre 1945 et le 21 janvier 1946, que Olivier Chaudron, Paul Ollier, Eugène Somny et Valentin Trente « doivent être présumés décédés le 23 août 1944 à Valloire (Savoie) victimes des événements de guerre et « Morts pour la France ».

Une stèle a été apposée au fort du Télégraphe rappelant le souvenir des quatre victimes. Une plaque à la mémoire de Paul Ollier a été placée par les Agents de la SNCF à ses côtés. Chaque année une cérémonie commémorative se déroule sur les lieux du massacre.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article242523, notice Valloire (Savoie) 23 août 1944 : massacre du tunnel du Télégraphe par Michel Aguettaz, version mise en ligne le 13 septembre 2021, dernière modification le 28 juillet 2022.

Par Michel Aguettaz

Plaque commémorative, Valloire (Savoie)
Plaque commémorative, Valloire (Savoie)
Photo : Geneanet, sous licence d’usage CC BY-NC-SA 2.0
Stèle érigée en 2020, Saint-Michel-de-Maurienne (Savoie)
Stèle érigée en 2020, Saint-Michel-de-Maurienne (Savoie)
Photo : Geneanet, sous licence d’usage CC BY-NC-SA 2.0
Tombe collective des quatre victimes du 23 août 1944 à Saint-Michel-de-Maurienne. Cliché Michel Aguettaz
Tombe collective des quatre victimes du 23 août 1944 à Saint-Michel-de-Maurienne. Cliché Michel Aguettaz

SOURCES : Arch. Dép. Rhône, 3808 W 1325 . — Victimes de guerre en Maurienne, Maurienne Généalogie, 2007. — État civil de la mairie de Valloire. — Geneanet

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