DESTRIBATS Paul

Par Jean-Paul Salles

Né le 26 mai 1926 à Savigny-sur-Braye (Loir-et-Cher), mort le 24 octobre 2017 à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) ; militant trotskyste après la guerre, patron d’un club de jazz à Rio de Janeiro, homme d’affaires, collectionneur de livres et de revues surréalistes qui vinrent enrichir la bibliothèque du Centre Pompidou en 2005.

Paul Destribats arriva en bicyclette à Paris en août 1944, alors que les combats pour la libération de la capitale étaient en cours. Le jeune provincial était scolarisé jusque-là dans un collège privé catholique dans la ville de Vendôme (Loir-et-Cher). Inscrit au lycée Carnot (Paris, XVIIe arr.), il y termina ses études secondaires. Déjà politisé grâce aux livres de Victor Serge que lui avaient procurés à Vendôme deux réfractaires au Service du travail obligatoire (STO), il était persuadé qu’une insurrection armée serait nécessaire pour renverser l’État au service des capitalistes. Il décida donc d’effectuer son service militaire dans un régiment de parachutistes où il apprit notamment à piloter un planeur. En 1947 de retour à Paris, il adhéra au Parti communiste internationaliste (PCI), section française de la Quatrième Internationale. Bien vite le parti fut affaibli par de vives querelles de tendances et par le départ des militants qui allaient fonder, avec Cornélius Castoriadis, Socialisme ou Barbarie. Découragé, il quitta le PCI pour partir à la découverte du monde.
Travaillant d’abord pour un courtier en pierres précieuses, il sillonna le monde, de Paris à New York, d’Amsterdam à l’Amérique latine. Il découvrit le Brésil, pays pour lequel il éprouva une véritable passion. Dans les années 1950, il ouvrit à Copacabana, la grande plage de Rio de Janeiro, le Club 36, rendez-vous des musiciens, des peintres, des poètes, haut lieu du jazz et de la bossa-nova. Ensuite, il fut courtier en Bourse, employé par un homme d’affaires newyorkais, Arthur Cohen, dont il devint l’ami. De retour à Paris au début des années 1960, son aisance nouvelle lui permit d’acheter des tableaux, mais surtout les revues et les périodiques des avant-gardes. Il constitua ainsi une remarquable collection de revues dadaïstes, surréalistes, mais aussi futuristes ou constructivistes. Il était passionné par le surréalisme, en particulier par l’œuvre et la personnalité d’André Breton, dont il disait qu’il était « l’axe du XXe siècle » : « l’expression absolue de la valeur et de l’honneur de l’être humain » (propos rapportés par Harry Bellet, 2006). Sa collection – au total plus de 50 mètres linéaires – était constituée de trois grands groupes : les livres, les revues et aussi des dossiers qu’il nommait ses éphémérides contenant tracts, manifestes ou cartons d’invitation. Ayant fait connaître son désir de se défaire de ses trésors au début des années 2000, le Getty Museum de Los Angeles et la National Gallery of Art de Washington lui firent des propositions qui ne lui ont pas convenu. Ce fut donc le groupe Lagardère qui acheta la collection pour plus de trois millions d’euros, puis la légua à la Bibliothèque Kandinsky du Centre Pompidou (MNAM), en vertu des dispositifs fiscaux de la loi Mécénat. Un des responsables du Centre Pompidou notait que l’arrivée de cette collection « avait fait basculer la collection du centre du jour au lendemain. Désormais nous avons l’un des ensembles les plus importants du monde ». En effet, par exemple 44 % des titres de revues n’étaient pas au Centre Pompidou. Parmi les pépites entrées à cette occasion, la revue hongrois Ma (1916-1925) ou les 404 numéros de Der Sturm (1910-1933), mais aussi le journal révolutionnaire ’Le Salut public (1848).
Ses amis le décrivaient comme « un chasseur compulsif ». Marcel Feiss, le marchand parisien, notait « qu’il voulait toujours ce qu’il y avait de mieux, il ne cédait rien. Dès qu’il voulait une revue, il ne s’arrêtait plus ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article242684, notice DESTRIBATS Paul par Jean-Paul Salles, version mise en ligne le 21 septembre 2021, dernière modification le 21 septembre 2021.

Par Jean-Paul Salles

SOURCES : Roxana Azimi, nécrologie, Le Monde 29-30 octobre 2017. — Harry Bellet, « Portrait de Paul Destribats, flibustier de l’avant-garde », Le Monde, 2 février 2006, Page 17. —Didier Schulmann, De Bretagne Agnès, Le Fonds Paul Destribats : une collection de revues et de périodiques des avant-gardes internationales à la Bibliothèque Kandinsky, Centre Pompidou, 2011, 376 pages. — Site du Centre Pompidou : présentation du Fonds Paul Destribats : 1019 titres de périodiques, dont 63 numérisés.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable