Par Gilles Pichavant
Né le 6 décembre 1909 à Granville (Manche), mort le 7 juin 1981 à Bois-Guillaume (Seine-et-Marne) ; typographe ; syndicaliste CGT de Seine-Inférieure [Seine-Maritime].
Marié le 29 juillet 1933 à Rouen (Seine-Inférieure), typographe dans cette ville, membre de la 22e section du Livre, Charles Énée prit une part active aux négociations avec les unitaires au sein de l’Union locale de Rouen, au cours de l’année 1935. Le 28 mai 1936, il fut élu secrétaire de l’Union locale après la démission d’Isidore Porquet, poste qu’il conserva jusqu’en janvier 1938.
A son élection comme secrétaire général de l’UL de Rouen, il devint automatiquement membre de la Commission administrative de l’Union départementale de la Seine-inférieure. Lors de la CA du 5 juillet suivant il fut élu secrétaire-adjoint de l’UD chargé à la propagande, conjointement avec Coudray. Il fut administrateur de la Caisse « Le Travail ». Au cours de l’année 1937, il fut en butte à de violentes attaques du PC pour sa position sur la guerre d’Espagne. Il s’imposa pourtant comme l’un des leaders syndicaux les plus habiles, et devint permanent de l’UD par décision de la CA du 10 avril 1938. Il fut réélu secrétaire-adjoint de l’UD au congrès du Havre, le 18 décembre 1938. Cependant, lors de la réunion de la CA du 15 janvier 1939, la décision fut prise de supprimer l’un des trois postes de permanents. Il ne fut pas question de supprimer le poste du secrétaire général, Fernand Legagneux. La majorité de la CA choisit de garder Lucien Coudray qui avait été amputé d’une jambe dans un accident de moto alors qu’il se rendait à une réunion, une minorité se prononçant pour Énée. Même s’il annonça qu’il avait, sans attendre, anticipé cette décision, recherché et trouvé du travail ailleurs, il en garda vraisemblablement un lourd ressentiment. Il restait cependant membre du secrétariat de l’UD, mais prit ses distances et entra bientôt en conflit ouvert avec la direction de l’UD et de l’UL de Rouen où il avait été remplacé par Creignou en janvier 1938.
Le conflit éclata au grand jours lors de la CA de l’UD du 23 juillet 1939. Énée fut mis en cause dans le rapport présenté par Fernand Legagneux, le secrétaire général de l’UD, pour avoir publié un article dans le journal Syndicats, qui dénonçait la mauvaise gestion des dirigeants de l’Union locale de Rouen. Celui-ci considérait cet article comme « une rupture de l’engagement pris réciproquement de ne jamais rien faire qui puisse nuire au mouvement syndical ». Legagneux déclara que c’étaient « les événements, la situation générale, la répression, le chômage » qui étaient les facteurs essentiels qui avaient provoqué la perte de syndiqués, et qu’il était « malhonnête de mettre sur le dos des communistes la baisse des effectifs ».
Énée défendit son article publié dans journal Syndicats qui « n’avait pour but que de faire connaitre la mauvaise gestion des dirigeants de l’Union locale de Rouen et principalement Creignou ». Il attaqua en déclarant qu’« on ne le sollicitait plus pour faire le travail de l’UD », que « la majorité des dettes de l’UD provenaient des unions locales stalinisées », « si l’on ne veut pas nous entendre à l’intérieur nous le dirons à l’extérieur », etc. Puis il quitta la réunion.
Après l’intervention de Dufriche qui annonça que la CA de l’UL de Dieppe avait voté à l’unanimité une protestation contre l’article publié dans Syndicats, de Creignou qui déclara que « cet article ne pouvait que donner des armes à nos ennemis », Morel, le trésorier de l’UD et ancien confédéré, proposa le vote d’un blâme « avec passage devant la commission des conflits si le même fait se reproduisait ». Le blâme fut voté à l’unanimité.
Fait prisonnier et détenu au Stalag IX C (Kdo 1354), il écrivit dans Le Trait d’Union du 25 février 1943, article reproduit dans L’Atelier du 20 mars suivant : « Non, collaborer n’est pas trahir ».
Charles Énée travailla après la guerre comme typographe au journal Paris Normandie.
Par Gilles Pichavant
SOURCES : Arch. Mun. Rouen, 7 F 3. — Arch. de l’Union locale de Dieppe aux Arch. de la CGT à Montreuil, cote 1PA 6, procès verbaux des commissions administratives de l’UD, 1936-1939 — État civil de Granville.