VANDEVYVER Bernard

Par Jean-Paul Richez

Né le 25 mars 1939 à Orchies (Nord) ; syndicaliste CFDT ; psychosociologue et ergonome au Houillères du Nord-et-du-Pas-de-Calais (HNPC) (1966–1973) ; ergonome coordinateur chez SAVIEM-RVI (1973–1978) ; chargé de mission à l’INPACT (1979–1980) ; ergonome, responsable CFDT INRS Paris (1981-2001).

Bernard Vandevyver était le troisième d’une fratrie de quatre enfants du Nord de la France. Son père, Léon, était ébéniste et sa mère en charge du foyer. Il suivit ses études primaires à Orchies, puis fréquenta le lycée de Douai où il passa son baccalauréat.
En 1960 il débuta une formation en psychologie à La Sorbonne, puis il suivit les enseignements de Jacques Leplat, professeur de psychologue du travail à l’Ecole pratique des hautes études (EPHE). Pendant son service militaire (1963-1965), il fut affecté à l’hôpital du Service de santé des armées du Val-de-Grace (Seine) et mit à profit cette période pour étudier la psychologie clinique. Au début des années 1960, les projets de « recherche sociale » financés par la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) se précisaient : le premier plan de quatre ans portait sur l’hygiène et la médecine du travail, l’étude de la poussière, de la chaleur, la sécurité. L’émotion provoquée par la mort de 262 mineurs dans la catastrophe de Marcinelles (Belgique) de 1956 contribua à en renforcer le programme. De nombreux experts issus des six pays fondateurs de la CECA furent sollicités pour mener à bien ces travaux et notamment Jean-Marie Faverge, Jacques Leplat, Xavier Cuny et Pierre Cazamian. Ce dernier bénéficiait de l’expérience en matière d’études ergonomiques dans le domaine minier qu’il avait menées à partir des années 1960 aux Houillières du Bassin des Cévennes (HBC). Devenu responsable du Centre d’études et de recherches en ergonomie minière en région parisienne, il initia, avec les Houillères-du-Nord-Pas-de-Calais (HNPC), la création à Sin-le-Noble (Nord) du Centre d’études des problèmes humains et du travail (CET). Claude Amoudru, médecin-chef des Houillères-du-Nord-Pas-de-Calais (HNPC), puis à partir de 1970 à Charbonnages de France en assurait la direction. Bernard Vandevyver rejoignit l’équipe associant médecin, psychologue et ingénieur en cours de constitution à Sin-le-Noble.
Ses premières contributions consistèrent à définir des procédures de recherche basées sur l’observation du travail et les entretiens individuels, puis de les mettre en application notamment avec Roger Rameau, ingénieur des mines. Bernard Vandevyver participa ainsi à de nombreuses études portant sur les chantiers de fond en lien avec la mécanisation de l’abattage du charbon qui se généralisait : postes de conduite d’engins de rabotage, moyens de communication en milieu souterrain et mise en œuvre d’appareils de protection respiratoire à filtre anti-poussières et notamment d’un équipement individuel doté d’une pompe portative alimentée par batterie mis au point par Eugène Quinot. Un appareil qui fut ensuite perfectionné comme moyen d’étude des poussières inhalées lorsque ce dernier rejoignit, en 1973, l’Institut national de recherches et de sécurité (INRS) en tant que directeur scientifique. Le petit groupe multidisciplinaire, s’étoffa progressivement pour développer des études portant sur le bruit et la chaleur avec l’arrivée de Françis Six, un physiologiste, et le recrutement de techniciens et de mineurs reclassés soit environ sept ou huit personnes. Ce renforcement des moyens accompagna la mécanisation des fronts de taille et l’ouverture de chantiers en profondeur qui contribuaient à dégrader des conditions de travail traditionnellement pénibles et dangereuses. Confronté aux réalités de ce travail éprouvant, l’ergonome s’engagea syndicalement en rejoignant la CFDT en 1966.
À la fin des années 1960, le contexte économique du Marché commun européen et la concurrence de l’énergie pétrolière condamnaient au déclin les activités d’extraction du charbon en France. Les moyens de l’unité d’ergonomie des HNPC s’amenuisaient alors que l’industrie mécanique en croissance faisait face à une contestation de l‘organisation du travail. En 1973, Bernard Vandevyver rejoignit SAVIEM à Suresnes (Hauts-de-Seine) comme ergonome coordinateur des quatre établissements du groupe. C’était une création de poste au sein du service des méthodes et un tournant important pour le constructeur de véhicules industriels et son PDG Bernard Vernier-Palliez, également directeur adjoint de Renault. Peu convaincu, au prime abord, de la nécessité d’un tel poste, ce dernier finit cependant par se ranger à l’avis d’Alain Wisner professeur d’ergonomie au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et ancien cadre de Renault. En tant qu’ergonome coordinateur et syndicaliste, il mit à profit son expérience en ergonomie appliquée pour jouer un rôle d’animation et de formation des correspondants dans les usines : j’ai pu instituer « une formation-action à l’ergonomie et promouvoir des règles ergonomiques lors de la construction de bâtiments en pleine expansion à l’époque ; dans chaque usine, des animateurs d’ergonomie rattachés aux services des méthodes ont ainsi été́ mis en place », témoigne-t-il dans l’entretien publié par la Société d’ergonomie de langue française (SELF). Outre l’ergonome coordinateur, le dispositif de « formation-action » était animé par les correspondants de chaque usine formés à l’ergonomie au sein du Laboratoire d’Alain Wisner. Le programme de formation d’une durée de 80 heures organisé en sessions bénéficia aux agents de la conception, des méthodes, des bureaux d’études, de la maitrise et de représentants du personnel choisis par les syndicats. En six ans, pratiquement toutes ces catégories de personnel furent mises à contribution. À partir d’un projet validé par le responsable de secteur, les stagiaires devaient se rendre sur le terrain et effectuer les mesures nécessaires et mener des entretiens aboutissant à des préconisations suivies de nombreuses réalisations dont certaines marquantes. De nombreux militants syndicaux purent ainsi se familiariser avec l’ergonomie. C’est notamment le cas de Jean Buet, militant CFDT, nommé « agent condition de travail » à l’usine de Blainville-sur-Orne (Calvados) après une formation au CNAM. Ce dernier contribua largement à démontrer l’efficacité́ de l’ergonomie dans l’amélioration des conditions de travail.
Après un passage à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT), comme chargé de mission de 1979 à 1980, Bernard Vandevyver entra en 1981 à l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), un organisme financé par la Sécurité sociale. Il eut pour mission de mener des études sur les conditions de travail à la demande des branches professionnelles et des organisations syndicales, notamment dans les secteurs de la chaussure et du nettoyage. Il s’attacha à faire participer les travailleurs concernés aux différentes étapes des recherches de façon à fournir un retour qui soit assimilable à une grande majorité d’entre eux. Il anima également pendant quinze ans un groupe national sur la conception des lieux de travail qui réunissait des ingénieurs et contrôleurs des services de prévention des seize Caisses régionales d’assurance maladie en charge du suivi de nombreux projets d’aménagement d’ateliers ou de construction de locaux de travail. Au sein de l’INRS, caractérisé par un empilement de compétences et de cultures scientifique et technique, ce travail collectif et pluridisciplinaire se concrétisa par l’édition de multiples documents et notamment de guides pratiques rassemblant les règles de conception ergonomique d’ateliers dans différents domaines d’activité. Pour les bureaux d’études un outil numérisé spécifique fut également réalisé à l’intention des architectes et des concepteurs.
Au-delà de ses missions syndicales proprement dites (secrétaire de section, trésorier, délégué du personnel, délégué au CE), Bernard Vandevyver fit bénéficier le CE de l’établissement de Paris de ses talents de concepteur en rédigeant les scénarios de nombreux sketches interprétés par le personnel à l’occasion des départs en retraite. De nombreux chefs de service ou cadres dirigeants « bénéficièrent » de ses talents de dessinateur humoriste (document). Après son départ en retraite en 2001, il réinvestit ses dispositions artistiques et son humour au service de l’Union régionale des retraités CFDT Ile de France et de son Journal. Héritage paternel et goût pour la sculpture du bois, il exposa également ses œuvres à de multiples occasions.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article243318, notice VANDEVYVER Bernard par Jean-Paul Richez, version mise en ligne le 24 octobre 2021, dernière modification le 24 octobre 2021.

Par Jean-Paul Richez

Bernard Vandevyver, Roger Rameau, et Claude Amoudru, « Les communications dans les groupes de travail, l’exemple des communications en taille », Le Travail Humain, n°33 (1/2), 1970, p 113-124. — Bernard Vandevyver, « Construction et évaluation des grilles d’évaluation des conditions de travail », Le Travail Humain, n°41 (1), 1978, p. 81-89. — Bernard Vandevyver, « Intervention d’entreprises extérieures : la coactivité est-elle un facteur de risque dominant ? », Le Travail Humain, n°49 (3), 1986, p. 225-235. — Bernard Vandevyver et col. (Groupe de travail), Conception et aménagement des postes de travail, INRS, ED 79, 1999. — Bernard Vandevyver et col. (Groupe de travail), L’aménagement des bureaux. Principales données ergonomiques, ED 23, 2007. — Bernard Vandevyver et col. (Groupe de travail), Les entreprises de propreté. Prévention des risques, ED 818, 1988.

Entretien de Bernard Vandevyver avec Michel Pottier et Antoine Laville, Commission histoire de la Self, 2002. — Jean-Paul Richez, Mémoires de salariés, INRS Etablissement de Paris, document du CE non publié, 2013. — Entretien avec Bernard Vandevyver le 11 janvier 2021.

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