NIBOYET Eugénie, née MOUCHON Eugénie

Par Notice revue et complétée par Luce Czyba

Née le 8 septembre 1796 à Montpellier, morte le 6 janvier 1883 ; femme de lettres ; d’abord saint-simonienne (elle eut des responsabilités importantes dans l’école de Bazard et d’Enfantin), se rapprocha ensuite des fouriéristes ; quarante-huitarde active, militante de la cause des femmes.

Eugénie Niboyet (années 1860)
Eugénie Niboyet (années 1860)
cc Atelier Nadar

Venue vivre à Lyon avec ses parents, Eugénie Mouchon épousa, le 8 octobre 1822, Paul-Louis Niboyet, issu comme elle d’une famille protestante et « impérialiste », avocat de 30 ans, exerçant à Montélimar. Leur fils unique, Paulin, naquit le 22 juin 1825 à Mâcon où, après la Révolution de 1830, Paul-Louis Niboyet devint conseiller de préfecture. En novembre 1829, Eugénie Niboyet, en accord avec son mari, s’initia à la doctrine de Saint-Simon. Au milieu de l’année 1831, le Père Prosper Enfantin l’intégra dans le « Degré des femmes ». En août, quand l’enseignement pour les ouvriers s’organisa, elle devint directrice des IVe et Ve arrondissements de Paris aux côtés de Botiau et créa, en septembre, une maison d’association rue de La Tour-d’Auvergne (IIe arr. ancien, actuel IXe). Lors de la scission de novembre 1831 dans les rangs des saint-simoniens, elle signifia au Père qu’elle n’admettait pas sa décision d’exclure les femmes de la hiérarchie. Elle « aime à intervenir sur les masses » : c’est « par la bouche d’une femme que la parole saint-simonienne doit être enseignée et prêchée aux ouvriers ».
Eugénie Niboyet et son mari évoluèrent alors ensemble vers le fouriérisme, avant que leur couple se sépare, vraisemblablement en 1836.

L’entreprise lyonnaise d’Eugénie Niboyet, la fondation du Conseiller des femmes (2 novembre 1833), témoigne de la volonté inlassable, qui la caractérisait, d’instruire le peuple et d’éduquer son propre sexe afin de le rendre digne de sa mission civilisatrice du genre humain. Jusqu’au quarante-quatrième et dernier numéro (6 septembre 1834), elle assura la direction de ce journal hebdomadaire, à peu près uniquement rédigé par des femmes, dont sa sœur, Aline Mouchon, et écrivit plus de soixante articles, en grande partie consacrés à l’éducation. D’un prix d’abonnement relativement modique, dix francs par an, « journal pour toutes », Le Conseiller des femmes voulait contribuer à construire la paix sociale, d’une part en luttant contre l’ignorance, source de criminalité, par l’instruction, l’éducation et la moralisation des femmes des classes laborieuses, d’autre part en faisant appel à la générosité de celles qui appartenaient à la bourgeoisie libérale pour les convaincre d’assumer cette tâche réformatrice et d’œuvrer pour le progrès social. Le Conseiller défendait le principe de l’enseignement mutuel au nom de la solidarité nécessaire entre les femmes, valorisant la femme professeur, exposant les méthodes d’apprentissage de la lecture et de l’écriture, donnant des conseils pratiques d’hygiène, de diététique, de puériculture, d’économie domestique, consacrant des rubriques à la vie culturelle et artistique lyonnaise, à la parution de livres tels que les Paroles d’un croyant de Lamennais, publiant des poèmes (de Marceline Desbordes-Valmore, Anaïs Ségalas, Mélanie Waldor...). Le journal expliquait comment pourraient être fondées à Lyon quatre écoles gratuites pour les enfants pauvres (deux pour chaque sexe), comment on devrait assainir la cité insalubre et rénover l’urbanisme, comment il faudrait prévenir la prostitution, conséquence de la misère des ouvrières. S’engageant à rendre compte de ses travaux, le journal annonça la création d’un Athénée de femmes dispensant des cours gratuits, ainsi que celle d’une bibliothèque populaire. Entreprise hardie dans le contexte des mentalités locales, Le Conseiller eut encore le courage de prendre parti en faveur des insurgés lyonnais d’avril 1834. Dans son Précis historique sur les événements de Lyon, paru entre le 19 et le 26 avril 1834, Eugénie Niboyet, remettait en cause la version officielle des faits, justifiait cette « révolte à main armée » dont « le besoin et la souffrance » et une « accablante misère », ont été les « leviers » et dont « la loi contre les associations était la véritable cause ». Clairvoyante, elle affirmait en effet qu’il était « bien moins question dans cette circonstance d’une augmentation de salaire que de la consécration du principe d’association industrielle ». Convaincue de la nécessité, pour remédier au mal social, d’organiser le travail, selon les principes du fouriérisme qu’elle préconisait en termes voilés, elle mettait en garde contre les dangers de la répression dont elle dénonçait la violence : « On tua tout ce qui portait un habit d’ouvrier ». Elle riposta à la décision de porter secours uniquement aux soldats blessés en ouvrant une souscription au profit de toutes les victimes des événements d’avril 1834 et, avec ses collaboratrices, rendit régulièrement visite à ceux qui étaient emprisonnés à la maison d’arrêt de Perrache. Après la disparition du Conseiller, E. Niboyet devient la rédactrice d’un nouveau journal, bi-hebdomadaire, La Mosaïque lyonnaise, qui ne dura qu’un trimestre, soit 27 numéros (11 octobre 1834-11 janvier 1835). De programme délibérément littéraire, La Mosaïque, rendant compte dans son numéro-testament du 11 janvier 1835, du livre de Victor Considerant, Destinée sociale, trouvait cependant encore moyen d’affirmer que « le seul moyen de salut est, pour les peuples, dans l’association pacifique et industrielle » qui « assure à chacun une existence indépendante et le juste prix de son travail ».

De retour à Paris, Eugénie Niboyet collabora régulièrement au Citateur féminin, recueil de la littérature féminine ancienne et moderne (janvier-juillet 1835), puis à la Gazette des femmes (1836-1838). Elle projeta un nouveau journal, écrivit trois ouvrages, couronnés par la Société de la morale chrétienne, sur l’abolition de la peine de mort, la réforme du système pénitentiaire et l’éducation des aveugles. Elle concourut, sous la présidence de Lamartine, à l’œuvre des prisons, en particulier des prisons de femmes qu’elle visitait avec assiduité et dont elle fut nommée inspectrice, créa une école à Saint-Lazare. Devant vivre de sa plume, elle traduisit aussi de l’anglais de nombreux ouvrages d’éducation écrits par Miss Mary Edgeworth, Mme Barbauld (Anna Aïkin), Lydia Child, et fut l’auteur de la première traduction française du Club des Pickwistes, roman comique, de Charles Dickens. Dans un roman dédié à Mme et M. Émile Souvestre*, elle évoquait l’Allemagne et ses philosophes, Fichte, Schelling, Hegel, et ses poètes, célébrant, pour la France, Alphonse de Lamartine*, Victor Hugo*, Honoré de Balzac* et... Souvestre. Le 8 juillet 1839, le ministre de l’Instruction publique, le comte de Salvandy attribuait à E. Niboyet une pension littéraire, modeste, de 800 F, qu’elle sollicitait depuis 1837. Ministre en juillet 1848, le comte de Vaulabelle retirera cette pension à celle qui avait été la scandaleuse présidente du Club des femmes.

En 1842, Eugénie Niboyet obtint de nouveau le grand prix de la Société de la Morale chrétienne. N’ignorant pas le « mouvement général des idées pacifiques » qui se développait alors aux États-Unis et en Grande-Bretagne, elle milita pour créer à Paris une Société de la Paix active et fit paraître le 15 février 1844 le premier numéro du premier organe du pacifisme français, La Paix des Deux-Mondes, écho des Sociétés de la paix, du commerce, de l’industrie, des sciences, de la littérature et des arts, devenu La Paix des Deux-Mondes, journal des intérêts sociaux, puis L’Avenir. Elle y définissait son idéal de fraternité universelle, revenait sur la question de la peine de mort et de la réforme pénitentiaire, dénonçait « la plus grande immoralité de notre siècle », « l’esclavage du salaire » dont « l’homme de labeur, l’industriel ouvrier » est victime « plus que jamais ». Discutant des moyens de remédier au paupérisme, elle faisait de l’organisation du travail l’unique voie d’avenir. Elle suivit de près la collaboration de George Sand et de Pierre Leroux* à propos du journal L’Éclaireur et rappelait la devise des ouvriers lyonnais insurgés, « Vivre en travaillant ou mourir en combattant », afin de provoquer une peur et une réflexion « salutaires » chez ceux qui n’ont ni le sens de la fraternité, ni celui de la solidarité humaine. Après avoir longtemps gardé des ménagements pour Louis-Philippe, roi pacifique, et pour Guizot, Eugénie Niboyet, dans L’Avenir, se rangea de plus en plus aux côtés des organes de l’opinion démocratique et républicaine, La Démocratie pacifique de V. Considérant et La Réforme. Le journal disparut après un an d’existence, condamné pour avoir, dans onze numéros, traité de matières politiques sans en avoir déposé le cautionnement. E. Niboyet aida ensuite son fils Paulin à créer et à rédiger un petit hebdomadaire, L’œil du Diable, furet des salons et des coulisses (62 numéros du 15 janvier 1846 au 1er avril 1847), où elle publia de nombreux articles, sous son nom ou sous des pseudonymes (E. de Saint-Aignan, par exemple), et fit paraître en 1847 un nouvel ouvrage, Catherine II et ses filles d’honneur.

En 1848, pressée par le mouvement de revendications des femmes, Eugénie Niboyet devint la directrice du premier quotidien féminin et féministe, La Voix des femmes. Le n° 1 (20 mars 1848) se proclamait « Journal socialiste et politique, organe des intérêts de toutes ». La Profession de foi d’Eugénie Niboyet reprenait une thèse saint-simonienne : l’homme et la femme forment « l’individu social ». L’égalité de droit, en particulier le droit de vote, était revendiqué pour celles qui forment « la moitié numérique de l’humanité ». Bien qu’Eugénie Niboyet contestât l’utilité des manifestations de femmes (26 mars) tout en étant d’accord sur le principe, les numéros suivants reproduisaient les adresses remises par les femmes au gouvernement provisoire, notamment celle du 16 mars qui revendiquait des droits politiques et sociaux égaux à ceux des hommes. Parmi les collaboratrices du journal, on trouvait Jeanne Deroin, Désirée Gay, née Véret, Suzanne Voilquin, brodeuse devenue sage-femme, ancienne directrice en 1834 de La Tribune des femmes. De nombreux articles sont anonymes, signés seulement de prénoms féminins, d’initiales. Eugénie Niboyet, Jeanne Deroin et Désirée Gay signèrent, le 30 mars, une lettre Au citoyen Cabet, qui s’était prononcé, non sans garder toutefois une réserve prudente, en faveur d’une émancipation immédiate des femmes. Le journal publia le 25 mars l’adresse de Robert Owen Aux hommes et aux femmes de France (Londres, 27 février 1848), et le 4 avril Désirée Gay annonçait l’arrivée de ce dernier en France. À l’approche des élections à la Constituante fixées au 23 avril, La Voix des femmes proposa, sans consulter toutefois l’intéressée, la candidature de George Sand, en considération de ses « principes », de son « talent » et de son « génie ». La romancière riposta par le démenti de cette candidature dans une lettre, assez méprisante, adressée à La Réforme, et non à La Voix des femmes. Eugénie Niboyet répondit avec dignité le 10 avril que les femmes n’avaient pas besoin d’un drapeau. Son journal défendit alors, entre autres candidatures, celle d’Eugène Stourm*, ouvrier typographe et fouriériste ; celle d’Ernest Legouvé, auteur de l’Histoire morale des femmes (1848), d’après les cours (gratuits) qu’il avait donnés l’année précédente au Collège de France, et de l’article Femmes dans l’Encyclopédie nouvelle de Pierre Leroux et Jean Reynaud*, fondée en 1848 ; celle d’Alphonse Constant, dit l’abbé Constant*, auteur de L’Émancipation de la femme ou le Testament de la paria (1846) ; celles d’Olinde Rodrigues*, ancien saint-simonien et auteur d’un plan d’organisation du travail ; de Victor Considerant, d’Étienne Cabet*, de Pierre Leroux, de Louis Blanc*... Le Comité de rédaction du journal envoya en outre au gouvernement provisoire une pétition demandant, « en principe la reconnaissance absolue des droits civiques de la femme » et l’élargissement du droit électoral aux « majeures veuves et non mariées ». Les questions d’organisation du travail féminin occupaient une grande place dans le journal : Désirée Gay s’occupait des lingères, Suzanne Voilquin formait une Société des sages-femmes unies, Mme F. Chenard créa l’association des femmes à gages (31 mars, 20, 23, 27 avril). Eugénie Niboyet suivait de près le mouvement féministe en province, en particulier à Lyon où s’était constitué un Club central des femmes, applaudissant au but poursuivi, à savoir la possibilité pour toutes de « vivre en travaillant » (14 avril). Le journal rendit compte de la création d’associations féminines, comme « les Vésuviennes » (28 mars).

Mme Joséphine Bachellery, maîtresse de pension et ancienne saint-simonienne, expliqua comment comprendre l’émancipation des femmes sous la République (19, 24-25 avril), puis, dans « Les Femmes et les Républicains » (29 avril), distinguait les hommes « les plus sympathiques à la cause des femmes » : Edgar Quinet*, Jules Michelet, Arago*, Jean Reynaud, Legouvé, Victor Schoelcher*, Hippolyte Carnot*... La publication de La Voix des femmes fut interrompue pendant un mois, après le 36e numéro (29 avril), par suite, semble-t-il, de dissentiments dans la rédaction. Sans doute ce mois de silence s’expliquait-il aussi par la volonté d’accorder plus d’importance à la propagande orale. Le journal rendit compte en effet de la participation des femmes à l’activité des clubs et dès le mois d’avril la Société de La Voix des femmes tenait des séances publiques tandis qu’Eugénie Niboyet donnait des conférences socialistes. Le 11 mai, s’ouvrait le Club des femmes, aussitôt objet de raillerie et cible privilégiée de la caricature. Sous la pression d’autres femmes, Eugénie Niboyet en était devenue la présidente. Un effroyable charivari caractérisa, le 6 juin, la neuvième et dernière séance, où l’on devait traiter la question du divorce. Le 8 juin, Eugénie Niboyet déclarait impossible à « des femmes qui se respectent » d’accepter « l’outrage et l’insulte » : les intéressées renoncèrent donc d’elles-mêmes au droit de réunion qu’on leur avait interdit la veille. Cependant La Voix des femmes soutint la campagne du divorce, non sans nuancer toutefois cette position, Eugénie Niboyet considérant le divorce comme « une triste mais absolue nécessité en face des mariages mal assortis ».
Pour les élections complémentaires du 4 juin dans la Seine, le journal recommanda la candidature des démocrates socialistes : Marc Caussidière*, Pierre Leroux, Pierre-Joseph Proudhon*, Eugène Stourm, Victor Schoelcher, Antoine Vidal*, Alphonse Toussenel*, Olindes Rodrigues, Étienne Cabet, Alphonse Esquiros*, Théophile Thoré*, Grandmesnil*, Michel Dupoty*, Pascal, Théophile de Kersausie*, François Raspail*... Ménageant une place à la littérature, le journal publia quelques textes du philosophe Saint-Martin, auteur de L’Homme de désir (26 mars, 4 avril), et un des importants essais sociaux de Bettina von Arnim, De la misère en Allemagne (22 et 24 mars, 16 et 18 avril). Eugénie Niboyet rendit compte des poésies de sa collaboratrice Anaïs Ségalas (27 mars), son fils Paulin du théâtre de Virginie Ancelot (30 mai) et de La Marâtre, tragédie bourgeoise de M. de Balzac, qui avait été un échec (1er juin). Du 1er au 28 avril, Paulin Niboyet publia aussi en feuilleton la première partie des Droits de la Femme, hier. Les poètes ont leur place : Émile Deschamps, qui célébra la Société protectrice des animaux (22 avril), le fabuliste Pierre Lachambeaudie, auteur de La Pauvreté, c’est l’esclavage, (13 juin), sans oublier les poètes ouvriers, Eugène Pottier* et Joseph Déjacque*, dont des strophes furent publiées le 10 avril et le 15-17 juin. Après la chute de La Voix des femmes, dont le 46e et dernier numéro parut le dimanche 18 juin 1848, et les journées de Juin, Eugénie Niboyet se replia sur Lyon. Elle créa dans le quartier de Saint-Georges une association fraternelle, autrement dit une société coopérative de production et de consommation, rassemblant environ 200 ouvrières, qui ne semble pas avoir obtenu le soutien et le succès escompté, car en février 1849 la demande d’allocation fut rejetée par le conseil d’encouragement pour les associations ouvrières.

En 1863, à soixante-sept ans, après n’avoir, pendant quatorze ans, publié que des articles et signé, presque toujours d’un pseudonyme, Eugénie Niboyet répondit au Livre des femmes (1860) de la comtesse Dash en faisant paraître son Vrai Livre des femmes. L’enjeu de cette entreprise autobiographique était manifestement de se délivrer de ce qui fut pour elle « ce boulet de 48 », en tentant d’effacer la réputation infamante dont l’ancienne présidente du Club des femmes n’avait cessé d’être victime. A l’image déformée et réductrice qui lui avait été imposée d’elle-même, elle entendait opposer sa propre version de ce qui fut « l’époque la plus douloureuse de sa vie », ayant mis des années à se relever de la catastrophe financière et morale qu’avait été pour elle la liquidation de La Voix des femmes et ayant acquitté « seule », « jusqu’à la dernière », les dettes du « journal de toutes ». Cette version personnelle des événements vécus en 1848 révélait des tensions et des contradictions insolubles. Si Eugénie Niboyet s’était ralliée à l’Empire et se tenait soigneusement à l’écart de la politique, elle n’en revendiquait pas moins son passé « tout entier ». Elle se désolidarisait néanmoins de celles qui l’avaient accompagnée, quand elle évoquait, c’est-à-dire recréait, l’aventure de La Voix des femmes, effaçant leurs noms et leurs traces en les confondant dans une masse anonyme de femmes impatientes, voire excessives, qui l’avaient entraînée et que son devoir était alors d’éduquer. Persuadée que les femmes « en général » avaient encore « beaucoup à grandir pour être au niveau des hommes » et qu’il dépendait d’elles, de leur éducation, d’améliorer leur sort, elle parvint, le 29 octobre 1864, à faire paraître le premier numéro du Journal pour toutes, qui devait en avoir 124 et durer, avec deux interruptions, jusqu’à la fin de 1867.

Elle obtint l’année suivante la création d’une Société de protection mutuelle pour les femmes, autorisée le 19 novembre 1865. Elle en était la secrétaire générale et le Journal pour toutes en devenait l’« organe officiel ». L’œuvre entreprise par Élisa Lemonnier, le développement des écoles professionnelles de jeunes filles, suscitait un vif intérêt et une attention soutenue chez E. Niboyet. Dans la décennie suivante, on n’entendit plus parler d’elle. Son nom figure pourtant dans les dossiers des Communards déportés en Nouvelle-Calédonie car elle appuyait les « demandes en grâce » formulées par les familles. Elle écrivit un roman historique, des nouvelles, des contes moraux, les récits d’un jeune voyageur en Océanie, ouvrage couronné par la Société nationale d’encouragement au bien, dans lequel elle manifestait son intérêt pour les « Kanaks » des îles Marquises.

Eugénie Niboyet n’a cessé, jusqu’à sa mort, de réclamer, en vain, justice auprès du ministère de l’Instruction publique : son indemnité littéraire ne fut jamais restituée à l’ancienne présidente du Club des femmes. Quand elle mourut, le 6 janvier 1883, Nelly Lieutier, collaboratrice du Journal pour toutes, publia une brochure qui rassemblait les articles parus dans la presse. L’engagement saint-simonien d’Eugénie Niboyet était évoqué mais on insistait avant tout sur ses qualités de cœur et son activité au sein de la Société de la morale chrétienne et si certains se risquaient à rappeler son rôle en 1848, c’était pour mieux la soustraire au nombre des émancipatrices de ce temps dépassé, en ne retenant que son dévouement, complaisamment loué.

Les principales féministes dans le Maitron : https://maitron.fr/spip.php?mot192

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24354, notice NIBOYET Eugénie, née MOUCHON Eugénie par Notice revue et complétée par Luce Czyba, version mise en ligne le 26 janvier 2009, dernière modification le 10 novembre 2022.

Par Notice revue et complétée par Luce Czyba

Eugénie Niboyet (années 1860)
Eugénie Niboyet (années 1860)
cc Atelier Nadar

ŒUVRE : Des aveugles et de leur éducation, Paris, P. H. Krabbe, 1837, Bibl. Nat. R 44855. — Les Borotin. La Chanoinesse. Une seconde Borgia, Paris, Dentu, 1879, Bibl. Nat. 8° Y2 3461. — Catherine II et ses filles d’honneur, Paris, Dentu, 1847, VIII, Bibl. Nat. Y 2 56234. — Contes moraux, dédiés à la jeunesse des écoles, Paris, E. Voreaux, 1879, Bibl. Nat. 8° Y2 3476. — Les Deux Frères, histoire intime, Paris, C. Le Clère, 1839, Bibl. Nat. Y2 56235. — Dieu manifesté par les œuvres de la création, Paris, Didier, 1842, Bibl. Nat. S 32005-32008. — Lucien, imité de l’anglais, Paris, Langlois et Leclercq, 1841, Bibl. Nat. R 54997. — De la nécessité d’abolir la peine de mort, Paris, L. Babeuf, 1836, Bibl. Nat. Rp 2116. — Notice historique sur la vie et les ouvrages de G. L. B. Wilhem, Paris, P.-H. Krabbe, 1843, Bibl. Nat. 8° Ln27 2170. — Quinze jours de vacances, imité de l’anglais, Paris, Langlois et Leclercq, 1841, Bibl. Nat. Y2 56236. — De la réforme du système pénitentiaire en France, Paris, Charpentier, Leclercq, 1838, Bibl. Nat. R 44858. — Samuel, récits d’un jeune voyageur en Océanie, Paris, E. Voreaux, 1880, Bibl. Nat. 8° P2 108. — Souvenirs d’enfance, imité de l’anglais, Paris, Langlois et Leclercq, 1841, Bibl. Nat. 44859. — Le Vrai Livre des femmes, Paris, Dentu, 1863, Bibl. Nat. 44860. — Ouvrages auxquels s’ajoutent les traductions de Dickens et des ouvrages d’éducation de Miss Mary Edgeworth, Mme Barbauld (Anna Aïkin) et Lydia Child. —
Journaux dirigés par Eugénie Niboyet : Le Conseiller des femmes, journal hebdomadaire, novembre 1833-septembre 1834, Bibl. Nat. Z 46109. — La Mosaïque lyonnaise, journal littéraire, octobre 1834-janvier 1835, Bibl. Nat. Z 28518. — La Paix des Deux Mondes, de février 1844 à février 1845, Bibl. Nat. Lc2 1572. — La Voix des femmes, du 20 mars au 20 juin 1848, avec interruption du 29 avril au 28 mai, Bibl. Nat. Fol LC2 1736. — Le Journal pour toutes, d’octobre 1864 à novembre 1867, avec interruption de juillet 1866 à mars 1867, Bibl. Nat. Z 9194.
Journaux dont Eugénie Niboyet fut collaboratrice : Le Citateur féminin, recueil de littérature ancienne et moderne, 1835, direction : Valloton d’André, Imprimerie de Mme Huzard née Vaclat la Chapelle, BN Z 24151. — Gazette des femmes, juillet 1836-1er avril 1838. Directrice : Marie-Madeleine Poutret de Mauchamps.

SOURCES : Arch. Nat., BB 24/753 et 754 ; Fonds Considérant, lettres d’Eugénie Niboyet dont pétition des femmes lyonnaises et statut de l’Association des femmes ouvrières lyonnaises (10 AS 41) ; Lettres d’Eugénie Niboyet à Jules Lechevalier et société fraternelle des ouvrières unies (10 AS 39) ; Série F 17 3195, Lettres d’Eugénie Niboyet au ministère de l’Instruction publique ; Série F 18 318, La Paix des deux mondes. ; Série F 18495 H, Mosaïque lyonnaise. — Bibl. Arsenal, Fonds Enfantin, lettres d’ Eugénie Niboyet à Enfantin (7762), lettres d’ Eugénie Niboyet aux Pères (7819, 7794), Propagation des IVe et Ve arrondissements d’Eugénie Niboyet et de Botiau du 6 juillet au 2 décembre 1831 (7815). — Bibl. Hist. Ville de Paris, Fonds Bouglé, 11 lettres d’Eugénie Niboyet, carton 42 48. — Bibl. Marguerite-Durand : Dossier Niboyet (DOS NIB), Photocopie d’une lettre. Brochure de Nelly Lieutier, Madame Eugénie Niboyet devant ses contemporains, Paris, Dentu, 1883. — E. Thomas, Les Femmes en 1848, Paris, 1948. — Luce Czyba, « L’œuvre d’une ancienne saint-simonienne : Le Conseiller des femmes (1833-1834) d’Eugénie Niboyet », Regards sur le saint-simonisme et les saint-simoniens, sous la direction de J.-R. Derré, Presses Universitaires de Lyon, 1984. — Michèle Riot-Sarcey, « Histoire et autobiographie : le « Vrai Livre des Femmes » d’Eugénie Niboyet », Romantisme, 56, 1987. — Michèle Riot-Sarcey, La Démocratie à l’épreuve des femmes, Trois figures critiques du pouvoir 1830-1848, Désirée Véret, Eugénie Niboyet, Jeanne Deroin, Albin Michel, 1994. — Fernand Rude, « Eugénie Niboyet », Un fabuleux destin : Flora Tristan, présenté par S. Michaud, Dijon, Presses Universitaires de Dijon, 1985. — Michel Cordillot, « Un inédit de Charles Fourier à Eugénie Niboyet », Cahiers Charles Fourier, n° 2 (1991), p. 3-8.

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