Montélimar, 22-24 août 1944

Par Jean-Marie Guillon

Plus de quarante résistants ou civils ont été exécutés ou tués par les occupants à Montélimar entre le 15 août, jour du Débarquement en Méditerranée, et la libération de la ville, après la bataille qui porte son nom et qui fut la principale bataille livrée par les Alliés et la Résistance le long de la vallée du Rhône. Pour certaines de ces victimes, l’incertitude demeure sur la date précise de leurs décès et ses circonstances.

C’est le cas pour les victimes retrouvées après la Libération, au quartier des Meyères, sur les bords du Rhône et non loin du terrain d’aviation d’Ancone. La plupart des ouvrages de référence, mémoires ou études, qui évoquent la Drôme en 1944 n’évoquent pas ce drame ou seulement de façon partielle. D’après la notice du Musée de la Résistance en ligne qui fournit les informations les plus complète, furent retrouvés début septembre 1944 dix-sept cadavres – quinze hommes et deux femmes -, enterrés dans les cratères de bombes, plus celui d’une femme « présumée noyée » et retrouvée le 19 septembre. Les documents portent des dates de décès différentes ou vagues et les historiens qui en ont rendu compte sont tributaires de leurs contradictions ou de leurs incertitudes.
Se trouvent dans le charnier des Meyères cinq habitants et habitantes de Montélimar : Romain Ducros, son fils Marcel et leur domestique Henri Monteil, cultivateurs du quartier de la Rochelle qui avaient été conduits par les Allemands à l’hôtel du Parc le 22 août (le registre des décès mentionne les deux premiers, mais pas le troisième), plus deux résistantes, Louise Gémard et Simone Garaix, arrêtées le 20 août, conduites elles aussi à l’hôtel du Parc, où elles auraient subi 27 heures d’interrogatoire et de tortures (Alain Courtary et alii, Drômoises, Drômois et le Seconde Guerre mondiale, Bourg-lès-Valence, 2017, p. 223). À noter que les dates supposées de leur décès oscillent entre le 20 et le 22 août. Un autre groupe identifié provenait de la prison des Baumettes à Marseille (Bouches-du-Rhône) et, là encore, des dates différentes sont données pour leurs décès. Il s’agit de prisonniers, vraisemblablement condamnés à mort par un tribunal militaire, que les Allemands se sont refusés de libérer lorsqu’ils ont ouvert les portes de la prison dans la nuit du 15 au 16 août. Le groupe, enchainé, partit à pied le 16 au petit matin pour gagner la gare Saint-Charles. D’après Louis Dejean, qui était dans ce groupe, ils étaient vingt-quatre au départ. Ayant débuté en train, le trajet, chaotique, fut entrecoupé par les bombardements et a été parfois effectué à pied. Les gardiens, dépassés par les événements, ne savaient que faire et attendaient des ordres. Le convoi est passé par Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône), Avignon (Vaucluse) où les deux femmes du groupe auraient été laissées à la prison, puis par Le Pontet (Vaucluse) où un prisonnier s’évada, et par Orange (Vaucluse) et Pierrelatte (Drôme) où onze, puis cinq d’entre eux – dont le témoin - auraient été libérés. Il serait donc resté six prisonniers lorsque le groupe arriva à Montélimar. En réalité, il en restait davantage puisque, parmi les fusillés des Méyères, se trouvaient le capitaine Lavenant, commandant la gendarmerie des Basses-Alpes (Alpes-de-Haute-Provence), trois membres du réseau Tartane (Gaston Balbo, Louis Trosset, Joseph Zappelli), quatre cheminots d’Avignon (Jean Arnaud, Henri Brachet, Louis Bruhat, Jean-Louis Peyronel, arrêtés en mai 1944 pour un important sabotage fait en février), Marius Levrère, arrêté à Marignane (Bouches-du-Rhône) et un autre prisonnier, Walker, sur lequel les informations manquent, soit dix prisonniers des Baumettes. Arrivés à Montélimar, les Allemands décidèrent vraisemblablement de s’en « débarrasser ». Au vu des informations concernant ces deux groupes, la date du 22 août paraît le plus plausible.
À ces deux groupes, habitants de Montélimar et prisonniers des Baumettes, les Allemands ont adjoint Paul Bonneau pour lequel les renseignements manquent également, sinon que cet originaire du Gard apparaît dans les dossiers du SHD comme « victime civile », tuée le 20 août (ce qui ne prouve rien), et Pierre Milhé, homologué par les mêmes dossiers comme « interné résistant », sur lequel on n’est pas mieux renseigné. On arrive donc aux dix-sept corps enterrés aux Méyères, plus la femme inconnue retrouvée noyée quelques jours après l’exhumation des précédents et, semble-t-il, exécutée après, entre le 1er et 5 septembre 1944, ce qui pourrait en faire une victime de l’épuration.
Le dossier 336 du Mémorial de l’oppression associe à certaines des victimes des Méyères, Éléonore Arnaud, Auguste Baldit (né le 10 mai 1873 au Chambon dans le Gard) et Jean Mirabel. Le registre d’état civil de la mairie de Montélimar mentionne également André Aubert, or ce dernier a été tué le 16 août (Dictionnaire des fusillés, notice Robert Serre et Mémoire des hommes). Les autres décès sont bien datés du 22 août, mais Éléonora Arnaud est tuée dans l’attaque de la ferme familiale (Dictionnaire des fusillés, notice Robert Serre), Auguste Baldit par un bombardement (Joseph La Picirella, Témoignages sur le Vercors, 1991) et Jean Mirabel en ville, en cherchant à fuir (Dictionnaire des fusillés, notice Robert Serre).
Aux questions non résolues qui concernent les victimes de ce crime de guerre et les conditions dans lesquelles ce forfait a été accompli, s’en ajoutent d’autres qui touchent à d’autres exécutions, en particulier celles de deux résistantes, Odette Long, veuve Sanguinnette, et sa mère, Marie-Louise, née Nègre, elles aussi arrêtées à Marseille et emprisonnées aux Baumettes, qui auraient été exécutées le 24 août au plateau de Géry d’après le fils et frère des victimes. Ne s’agit-il pas des deux femmes, laissées à Avignon, par le groupe précédent ? C’est plus que probable et cela ajouterait deux noms supplémentaires à la macabre liste des fusillés en provenance de Marseille.

Les exécutions de Montélimar, 22-24 août 1944

Quartier des Méyères, 22 août 1944

ARNAUD Jean, Joseph, Avignon, FTP

BALBO Gaston, Marseille, réseau de renseignements Tartane, sous-réseau Burin

BOESSEL Simone épouse GARAIX, Montélimar, Armée secrète

BONNEAU Paul, supposé victime civile

BRACHET Henri, Avignon, FTP

BRUHAT Louis, Avignon, FTP

DUCROS Romain, Montélimar, victime civile

DUCROS Marcel, Lucien, Montélimar, victime civile

GÉMARD Louise épouse CABUZELLE, Montélimar, Armée secrète

LAVENANT Maurice, Digne, Organisation de Résistance de l’Armée

LEVRÈRE Marius, Danton, Élisée, Marignane, résistant

MILHÉ Pierre, interné résistant

MONTEIL Henri, Montélimar, victime civile

PEYRONEL Jean-Louis, Daniel dit PEYRONNEL, Avignon, FTP

TROSSET Louis, Marseille, réseau de renseignements Tartane, sous-réseau Burin

ZAPELLI Joseph, Marseille, réseau de renseignements Tartane, sous-réseau Burin

WALKER, résistant Marseille ?

Inconnue
Exécutée après le 22 août, peut-être dans le cadre de l’épuration.

Plateau de Géry, 24 août 1944

LONG Odette, Claire, Dorothée veuve SANGUINNETTE, Marseille, résistante

NÈGRE Marie-Louise, Joséphine épouse LONG, Marseille, résistante

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article243721, notice Montélimar, 22-24 août 1944 par Jean-Marie Guillon, version mise en ligne le 11 novembre 2021, dernière modification le 16 novembre 2021.

Par Jean-Marie Guillon

SOURCES : Arch. Dép. Rhône, Mémorial de l’Oppression 3808 W 335 et 336. — Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, 55 W 102 (témoignage Dejean). — Site internet muséedelarésistanceenligne.org (d’après le registre des décès de Montélimar). — Alain Courtary et alii, Drômoises, Drômois et le Seconde Guerre mondiale. Subir… mais lutter, Bourg-lès-Valence, 2017, p. 223 (seules Louise Gémard et Simone Garaix sont évoquées). — Patrick Martin, La Résistance dans le département de la Drôme, 1940-1944, thèse Université Paris IV Sorbonne, 2001, base de données noms.. — Joseph La Picirella, Témoignages sur le Vercors, 14e édition, 1991, p. 456 (ne dénombre que 16 exécutions). — Robert Mencherini, Cheminots en Provence. Les années de guerre 1939-1945⎬, Marseille, CE des cheminots PACA éditions, 2012, p. 100-101 (contradictoire sur les dates de décès des cheminots, 22 et 25 août).

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