Par Dominique Petit, Guillaume Davranche
Né le 19 juin 1853 à Echalot (Côte-d’Or) ; mort le 8 août 1916 à Gennevilliers (Hauts-de-Seine) ; menuisier ; syndicaliste, anarchiste parisien et de Saint-Maur-des-Fossés (Seine, Val-de-Marne).
Le 1er octobre 1881, Gervais Naudet épousa à Paris (XIVe arr.) Marie, Augustine Peyriolle, couturière.
Dans les années 1884-1885, Gervais Naudet, militant à la chambre syndicale des menuisiers de la Seine et l’un des principaux meneurs du mouvement anarchiste, prit une part active à l’agitation parmi les « ouvriers sans travail ».
Le 8 avril 1884 avait lieu le Ve Congrès régional ouvrier de l’Union fédérative du Centre, Gervais Naudet y représentait les menuisiers en bâtiment.
Le 22 mai 1884, La Chambre syndicale des ouvriers menuisiers en bâtiment ouvrait, dans le même local que les artistes indépendants, l’exposition des travaux des élèves de ses cours professionnels, entrée rue des Tuileries, baraquement B. Gervais Naudet était le signataire de la circulaire invitant à cette exposition.
Au mois de juillet 1884, il était membre du bureau du syndicat des ouvriers menuisiers de la Seine avec Trotté et Poiré.
Aux mois d’août et septembre 1884, il se rendit, en compagnie de Tortelier et Raimont à un voyage d’étude au Danemark, en Suède et en Norvège, au nom du syndicat, pour y étudier l’industrie de la menuiserie, ainsi que la manière dont sont organisés les ouvriers de ces pays, leurs tendances socialistes et chercher à établir des rapports avec eux.
Le 23 novembre 1884, la chambre syndicale des menuisiers organisa un grand meeting pour les ouvriers sans travail, dans la salle de bal de la rue de Lévis, à Paris 17e. Gervais Naudet fut élu président de la séance par les 3 000 auditeurs présents. Il lut un courrier de solidarité venant d’Espagne, ainsi qu’une déclaration censée avoir été rédigée par un groupe de soldats du fort de Vincennes et disant, en substance : « Commencez la lutte, vous êtes sûrs de nous trouver à vos côtés le moment voulu. » Dix-sept orateurs socialistes (Piéron, Boulay, Crespin) et anarchistes (Leboucher, Lemaire, Druelle, Tortelier, Montant) se succédèrent à la tribune devant une salle surchauffée. La sortie du meeting se transforma en émeute. Un policier en civil démasqué, Pottery, manqua se faire lyncher par la foule. Plusieurs agents furent blessés et, au bout d’une heure, la garde républicaine à cheval dispersa les émeutiers.
Quatorze personnes furent écrouées au dépôt. Onze comparurent devant la 9e chambre du tribunal correctionnel dès le lendemain, et subirent presque toutes une condamnation. Arthur Piéron, deux mois de prison et 16 francs d’amende ; Joseph Siegel, quatre mois ; Alphonse Desgouttes, vingt jours ; Nicolas Gauthier, quinze jours ; Auguste Firmin, quinze jours ; Claudius Balthazar, dix jours ; Gustave Sourisseau, huit jours ; Victor Méry, huit jours ; Émile Alhine, huit jours ; Charles Chaudranbrie, 25 francs d’amende. Le cas de deux prévenus, Louis Balin et Émile Siméon, fut renvoyé.
Un second procès fut tenu, cette fois devant les assises de la Seine, les 22 et 23 janvier 1885. Y comparurent deux sortes de prévenus : six orateurs du meeting (Naudet, Piéron, Ponchet, Leboucher, Druelle, Montant) et deux prévenus de tentative de meurtre sur l’inspecteur Pottery (Charles Millet et Émile Simian). Le Gaulois décrivit Naudet comme un « grand rougeaud, à mine très décidée ».
L’accusation fit citer comme témoins plusieurs journalistes : Casabianca, de L’Événement, Maillet, du Temps, Maës, de La Bataille. Tous refusèrent de témoigner par éthique professionnelle, et écopèrent de 100 francs d’amende. L’anarchiste Pierre Martinet témoigna à décharge pour Millet, ce qui provoqua un incident (voir Pierre Martinet).
Naudet fut interrogé le premier.
« M. le président. Vous avez été nommé président du meeting du 23 novembre, à la salle Lévis, et, en cette qualité, vous avez donné lecture de plusieurs adresses.
Naudet. C’était mon devoir de tout lire pour être impartial. i
D. Vous avez lu notamment deux adresses émanant, disiez-vous, l’une de militaires de la garnison de Paris, l’autre de soldats du fort de Vincennes.
R. Je me rappelle, en effet, avoir lu ces lettres.
D. Saviez-vous ce qu’elles contenaient ?
R. Je ne le savais pas avant de les lire.
D. Vous auriez dû alors vous arrêter en voyant ce qu’elles disaient.
R. Je ne me rappelle pas très bien ce qu’elles disaient. ̃
D. Ne vous rappelez-vous pas qu’il y avait une phrase à peu près ainsi conçue : « Nous serons avec vous au jour de la lutte », et puis « Nous cracherons du plomb à la face de nos officiers ». Voyons, pourquoi avez-vous lu cela ?
R. N’étais-je pas juge de mes devoirs d’impartialité ?
D. Cette adresse était une véritable provocation au meurtre.
R. Je répète que j’en ignorais complètement le contenu avant la lecture.
D. Mais, encore une fois, vous pouviez vous arrêter. Si une lettre d’obscénité vous avait été adressée, par impossible, l’auriez- vous lue !
R. Il ne faut pas supposer l’impossible !
D. Vous ne voulez pas répondre. Voyons, cette phrase, encore, vous ne vous la rappelez pas « ils ne savent pas, les officiers, que dans ce crâne il y a une tête, et que sous cette tête il y a un cerveau ? (Hilarité.)
R. Je me rappelle qu’il y avait ceci : « Il y a dans l’armée des chefs orléanistes. Le jour où ils voudraient tenter quelque chose contre le peuple, nous retournerions contre eux nos gibernes. »
M. l’avocat général Bernard. Je ne crois pas, pour l’honneur de l’armée, que vous ayez reçu réellement ces lettres. Vous les avez inventées. il n’y a pas un seul soldat qui soit capable d’écrire ce que vous avez lu. »
R. C’est une appréciation.
Au terme des débats, Simian et Naudet furent acquittés ; Millet fut condamné à cinq ans de réclusion ; Piéron, Ponchet, Leboucher, Druelle et Montant, à deux mois de prison et à 100 francs d’amende.
En décembre 1884, Naudet porta plainte, comme secrétaire de la chambre syndicale des menuisiers, contre M. Haret, président de la chambre syndicale des entrepreneurs de menuiserie, celui-ci aurait diffamé le syndicat ouvrier dans une déclaration faite le 27 février devant une commission d’enquête parlementaire et reproduite dans le Journal officiel. Selon M. Haret, « la chambre syndicale était menée par des hommes qui ne travaillent pas, qui ne sont pas de vrais ouvriers. »
Le 12 décembre 1884, le tribunal correctionnel de la Seine (9e chambre) rejeta la demande, les propos tenus devant le parlement ne pouvant donner lieu à des poursuites.
Dans le Cri du peuple du 27 octobre 1886, « l’anarchiste Naudet » versa 1 franc à la souscription en soutien des grévistes de Vierzon.
Naudet figurait sur l’état récapitulatif des anarchistes au 26 décembre 1893, il demeurait 18 rue Paul Emile à Saint-Maur.
Naudet avait été arrêté le 10 mars 1894. Il était libéré le 9 avril 1894.
Sur l’état du 31 décembre 1894, son adresse était 11 avenue de la Tourette au Parc Saint-Maur, au 31 décembre 1896, avenue des Peupliers au Parc Saint-Maur. Il figurait également sur l’état de 1901. Son dossier à la Préfecture de police portait le n°145.473.
A la fin de sa vie, il demeurait 22 boulevard d’Asnières à Gennevilliers.
Par Dominique Petit, Guillaume Davranche
SOURCES : Les anarchistes contre la république de Vivien Bouhey. Annexe 56 : les anarchistes de la Seine. — Archives de la Préfecture de police Ba 78, 1497, 1500, 1508 — Le Matin du 24 au 26 novembre 1884, puis des 23 e#Aat 24 janvier 1885. — Le Gaulois du 23 janvier 1885. — Le Matin du 11 au 13 août 1887 — Le Journal des débats du 27 août 1887. — L’Écho de Paris 24 et 25 janvier 1885. — Le Rappel 24 janvier 1885. — Archives départementales de Côte-d’Or. État civil. — Le Cri du peuple 22 mai, 29 juillet, 25 août, 6 septembre 1884 — Le Prolétariat 14 avril 1884. — La Justice 7 décembre 1884. — XIXe Siècle 7 décembre 1884. — La Loi 13 décembre 1884. — Notes Rolf Dupuy. — Archives de Paris. État civil. — Archives départementales des Hauts-de-Seine. — État civil.