ENJALBERT Henri, Louis

Par Antoine Olivesi, Jean-Marie Guillon

Né le 5 février 1904 à Marseille (Bouches-du-Rhône), mort le 15 juin 1978 à Marseille ; ouvrier ajusteur ; militant communiste et syndicaliste ; secrétaire général du syndicat des Métaux CGTU puis CGT des Bouches-du-Rhône (1932-1940).

Fils de Jean-Baptiste Enjalbert, journalier, et de Léontine Dangles, sans profession, Henri Enjalbert naquit à Marseille, dans la banlieue ouvrière de la Cabucelle, après le décès de son père. Entré très jeune à l’usine, il devint ajusteur mécanicien dans la réparation navale, employé d’abord aux Chantiers et ateliers de Provence, puis à la Nationale Mécanique et enfin aux établissements Groignard, au cap Pinède, de 1923 à 1937. Célibataire, il résidait boulevard Oddo.
Il adhéra au syndicat CGTU des Métaux et au Parti communiste en 1929 (d’après ses dires en 1942 au camp d’internement). Animateur dès 1932 du syndicat unitaire des Métaux qui groupait environ mille cinq cents adhérents, Henri Enjalbert fut élu secrétaire pendant la grève de la réparation navale en 1933. Ce mouvement marqua l’histoire ouvrière locale. En effet la réparation navale représentait, selon l’expression de François Billoux, « l’avant-garde révolutionnaire de la classe ouvrière marseillaise ». Enjalbert reçut en cette occasion le soutien d’Ambroise Croizat et de Charles Nédelec.
Au congrès de fusion syndicale qui se tint à Marseille en janvier 1936, Henri Enjalbert fut élu membre de la CA de l’UL–CGT. Il participa à toutes les grandes grèves du Front populaire. Selon un rapport de police du 24 juin 1936, il déclara, lors d’une réunion publique, que mille membres du syndicat des Métaux appartenaient au PC. Lui-même fut coopté au bureau régional du parti. En mars-avril 1937, il arbitra avec le doyen de la Faculté de Droit, Reynaud, un conflit opposant les métallos d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) et le groupement industriel de cette ville sur la question de l’échelle mobile des salaires. En tant que membre ouvrier de la commission de conciliation, il négocia l’année suivante à la préfecture des Bouches-du-Rhône lors d’une grève défensive des techniciens de la métallurgie qui dura du 21 juin au 5 août. Ce mouvement affecta en particulier les établissements Coder. Il y eut en tout 6 000 grévistes, qui, dans l’ensemble, obtinrent satisfaction. Henri Enjalbert soutint la longue grève des dockers marseillais de l’été 1938. Il anima la grève du 30 novembre dans tout le département, déclarant le 1er décembre à la Bourse du Travail : « Malgré l’avis de la presse réactionnaire, la grève du 30 novembre constitue un succès pour la CGT ». Devant l’ampleur de la répression, il conseilla toutefois la reprise du travail ou l’inscription au chômage pour les travailleurs licenciés. Henri Enjalbert négocia dans sa propre corporation les 12 et 13 décembre, date à laquelle il restait encore 600 chômeurs dans la métallurgie à Marseille. La désaffection consécutive à ces événements se traduisit chez Coder par un désaccord entre des ouvriers de l’entreprise et le syndicat des métaux. Les premiers demandèrent à Enjalbert d’organiser de nouvelles élections pour renouveler le mandat des délégués qui expirait le 31 décembre 1938. Le syndicat des Métaux n’ayant pas répondu, les ouvriers de Coder procédèrent en janvier 1939, à des élections qui donnèrent plus de 60 % des voix à l’amicale ouvrière des établissements. Ce résultat déboucha sur l’élection de non communistes aux quatorze postes à pourvoir (sept délégués titulaires et sept suppléants). Élu conseiller prud’homme ouvriers, section Industrie, en octobre 1938, Henri Enjalbert fut déchu de ce mandat par décret du 26 septembre 1939. Sa correspondance fut saisie par ordre du préfet, à partir du 2 octobre 1939.
Mobilisé le 2 septembre 1939 au 22e régiment d’infanterie coloniale à Toulon (Var), il fut blessé au printemps et hospitalisé à Nantes (Loire-Inférieure/Loire-Atlantique). Fait prisonnier là en juin 1940, il parvint à s’évader un an après. Considéré comme « extrêmement dangereux », un arrêté d’internement administratif pour le camp de Saint-Paul d’Eyjaux (Haute-Vienne) avait été signé à son encontre, le 27 novembre 1940. Repéré par la Police spéciale une vingtaine de jours après son retour à Marseille, alors qu’il s’était établi comme pêcheur, il fut l’objet d’une proposition d’internement sous prétexte qu’il songeait déjà à reprendre une activité politique. Il fut arrêté le 20 août 1941. La perquisition à son domicile aboutit à la saisie de publications d’avant la guerre : douze brochures « Goering l’incendiaire c’est toi », un opuscule « Réponse à Tardieu », un brochure « Lisez L’Humanité », deux exemplaires des Héros de la Liberté et un de Fraternité, plusieurs affiches de la CGTU. Une fois interné, il écrivit au préfet régional le 29 janvier 1942 en vue de sa libération en précisant qu’il avait son devoir pendant la guerre, qu’il s’était évadé, qu’il n’avait plus eu d’activité politique ou syndicale depuis la dissolution du PC et que sa mère, infirme et sans ressources, était à sa charge. Les Renseignements généraux donnèrent un avis défavorable à sa libération le 19 février 1942 en rappelant qu’il était un militant notoire, visé par arrêté d’internement depuis plus d’un an et que sa concubine, Marie Allais, veuve Bovile, avait été arrêtée lors affaire Barbé-Laffaurie, en octobre 1940, et condamnée à six mois de prison par le tribunal militaire de la XVe région, le 2 mai 1941. Auditionné au camp le 13 mars 1942, Henri Enjalbert déclara que le pacte germano-soviétique avait « dépassé [ses] compétences », qu’il pensait être dans la bonne voie avec le PC, mais qu’il ne voulait plus s’occuper de rien ; par ailleurs, il ne pouvait qu’être d’accord avec la politique sociale du gouvernement, Charte du Travail, retraite vieux travailleurs, aide à la famille, puisqu’il avait toujours lutté pour ça. Il ajouta qu’ayant toujours été très discipliné, il considère que ceux qui faisaient encore de la propagande communiste étaient « répréhensibles (PC et autres) ». L’avis du chef de camp à son sujet était réservé. Il ne pouvait rien lui reprocher, mais considérait qu’il ne paraissait pas s’être amendé. Cet avis fut suivi par le préfet de la Haute-Vienne. Vichy donna un avis défavorable le 15 mai. Il demanda une permission pour se marier à Marseille, le 12 août 1942, avec Marie Allais. Cette permission lui fut accordée, son attitude au camp étant correcte. Mais, le 5 décembre 1942, le commissaire de police, section administrative, lui en refusa une autre motivée par l’état de sa mère. Cependant, à une date non précisée, mais probablement dans cette période, les autorités de Vichy donnèrent un avis favorable à sa libération. À nouveau auditionné au camp, le 29 décembre 1942, il répéta ce qu’il avait déjà affirmé le 13 mars précédent et cette fois-ci, le chef de camp fut favorable à sa libération, ce qui fut entériné par un arrêté signé le 15 février 1943. Il s’engagea sur l’honneur à se rallier au nouvel ordre social, le 17 février. Son dossier de Résistance au SHD de Vincennes le fait apparaître comme ayant adhéré au Front national, ce qui généralement recouvre un engagement au PC clandestin.

Henri Enjalbert reprit ses fonctions de conseiller prud’homme en 1945. Ses compétences juridiques le firent désigner à plusieurs reprises à la présidence du conseil. Toujours syndicaliste, il fut appelé à l’Inspection du travail par Ambroise Croizat, ministre du Travail. À la fin de l’année 1947, on le retrouva à la tête des grandes grèves de la métallurgie marseillaise. Il était à cette époque membre du comité fédéral du PCF. Le 25 novembre 1951, Henri Enjalbert, alors membre de la Commission régionale de conciliation, fut réélu conseiller prud’homme. Il occupait encore ce poste en février 1957.
À l’issue de sa carrière professionnelle, il se chargea de l’organisation des retraités de la CGT.

Il s’était marié le 13 août 1942 à Marseille avec Marie Allais.

Mort le 17 juin 1978 à l’hôpital de la Timone, Henri Enjalbert fut enterré au cimetière Saint-Pierre, le 19 juin, en présence des principaux dirigeants régionaux du PCF et de la CGT.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24376, notice ENJALBERT Henri, Louis par Antoine Olivesi, Jean-Marie Guillon, version mise en ligne le 22 novembre 2014, dernière modification le 4 avril 2021.

Par Antoine Olivesi, Jean-Marie Guillon

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SOURCES : Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, M 6/10823, 10839 (rapport cité) ; M 6/11248b, rapport du 29 octobre 1940 ; 11379 ; XIVM 25/133, 134, 139 et 141 ; M 6/11793, lettre du 18 septembre 1940 de l’Inspecteur de l’enregistrement au Procureur de la République (anciennes cotes) et 5 W 182 (dossier internement). — Arch. Com. Marseille, listes électorales de 1935. — Service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 209816 (nc). — Rouge-Midi (photo, notamment dans le n° du 15 février 1937). — Le Midi syndicaliste, 1er mars 1936. — Le Petit provençal, juin 1936 et décembre 1938. — La Marseillaise, 18 juin 1978 (nécrologie). — M. Tournier, Les grèves dans les Bouches-du-Rhône, op. cit. — J. Bailly, Le Mouvement ouvrier à Marseille, op. cit. — J. Mattei, Syndicalisme et action sociale à Aix, op. cit. — Témoignage de F. Roux-Zola. — Etat civil.

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