GRANET Pierre (Vimont)

Par Jean-Paul Salles

Né le 6 septembre 1949 à Marseille (Bouches-du-Rhône), mort le 2 mai 2020 à Labège, commune limitrophe de Toulouse (Haute-Garonne) ; éducateur à la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), puis lecteur-correcteur ; militant de la JCR en 1967 puis de la LC/LCR et du NPA jusqu’à son décès ; militant syndical à la FSU et à la CGT ; militant de la solidarité internationale.

Son père était opticien et sa mère secrétaire de direction. Pierre Granet fut élève quelques mois au lycée Louis-le-Grand à Paris, en 1967 il adhéra à la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR) récemment créée (2 avril 1966). Poursuivant sa scolarité au lycée Adolphe Thiers à Marseille, il en fut exclu pour avoir organisé des manifestations. Il contribua à la création de la JCR à Marseille et fut un des animateurs du mouvement lycéen dans cette ville en 1968. Membre du Comité d’action lycéen (CAL), avec ses camarades ils occupèrent pendant plusieurs semaines le lycée Thiers rebaptisé Commune de Paris. En février 1969, désormais étudiant, avec ses camarades de la faculté des Lettres d’Aix-en-Provence, il se mobilisa en soutien à la grève des travailleurs de chez Caillol, une entreprise importante du bâtiment. Collecte, meeting d’environ 450 étudiants à la faculté autour des grévistes, présence à leur côté devant le siège de l’entreprise à Marseille, les divers registres de mobilisation furent mis en œuvre pour continuer à faire vivre la solidarité « étudiants-ouvriers » dans cet immédiat après mai 68.

Peu après le congrès de fondation de la Ligue communiste (LC) à Mannheim (RFA) du 5 au 8 avril 1969, une source policière notait sa participation à un stage de l’organisation dans l’église désaffectée de Noyers-sur-Jabron (Basses-Alpes, Alpes-de-Haute-Provence) du 11 au 16 juillet 1969. Parmi les quarante participants au stage, plusieurs étaient comme lui étudiants à la faculté des Lettres d’Aix-en-Provence (Alfred Recours, Jean-Marie Cotin ou Jean-Claude Michelosi), mais également chaudronnier comme Patrick Seignon, de retour du congrès de la LC (AD13). Une note ultérieure de la direction des Renseignements généraux (RG) de Marseille, datée du 31 octobre 1972, notait son activisme militant. Renforcés par l’arrivée de deux militants aguerris, Yves Salesse (Boris) et Michel Spagnol (Michel Thomas->240371] – dont Pierre Granet devint un ami proche, tout comme de Rémy Jean -, les militants d’Aix-Marseille eurent notamment une intense activité internationaliste. Ainsi, ils participèrent à l’organisation de « Six heures sur l’Indochine » dans le cadre du Front Solidarité Indochine (FSI), Madeleine Rebérioux étant l’oratrice principale invitée en juin 1972 (Rouge n° 165, 8 juillet 1972, p.10).

Il effectua son service militaire à Rochefort-sur-mer (Charente-Maritime), puis fut muté à Balma (Haute-Garonne) Comme d’autres militants de son courant politique, il continua son militantisme à la caserne, étant à l’initiative d’un Comité de soldats, et à ce titre fut « interdit de tir ».

Éducateur à la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), il exerça cette fonction en 1974 à Marseille, puis à Lyon et enfin dans les Hauts-de-Seine, à Levallois-Perret jusqu’en 1985. Il fut un militant très actif au Syndicat national des personnels de l’éducation et du social (SNPES-PJJ/FSU), dont une des revendications était : « Des moyens pour l’éducation, pas pour l’enfermement ». Refusant les fonctions d’encadrement proposées par la direction, en désaccord avec les orientations mises en œuvre par cette même direction, et désirant « changer d’air », il entreprit en 1985 une formation de lecteur-correcteur à l’école de formation Coforma, créée par la CGT après guerre. Il travailla ensuite aux Editions Techniques, puis comme lecteur-correcteur chez Gallimard. Il milita au syndicat CGT des correcteurs jusqu’à sa retraite.

Parallèlement, à la LCR puis au NPA, il aida à l’implantation de son organisation dans les entreprises, en particulier à Airbus (Toulouse), mais aussi en apportant sa contribution aux luttes ouvrières chez Mollex (Villemur) en 2008 et à Sanofi en 2013. Il s’était également beaucoup investi sur les questions scolaires. Il a été président du conseil de parents d’élèves de Labège et a exercé des responsabilités au niveau de la Haute-Garonne (FCPE 31) quand ses enfants étaient encore scolarisés. Il participa à l’élaboration théorique du NPA sur cette question, pour une école émancipatrice et débarrassée des inégalités. Très sensible à l’écologie, à la défense de la nature, il manifesta contre le nucléaire et fut un Faucheur volontaire.

Militant trotskyste profondément internationaliste, il militéasans relâche pour la solidarité avec les luttes des peuples à travers le monde, avec cette conscience que le combat contre le capitalisme n’a de sens que s’il s’étend par-delà les frontières et les nationalités. Après avoir agi, comme une bonne partie de sa génération, contre l’intervention militaire américaine en Indochine, il s’engagea à la fin des années 1970 en faveur de la lutte de Solidarnosc en Pologne et participa à deux voyages de solidarité. Il avait la conviction qu’une révolution démocratique pouvait renverser la dictature stalinienne sans aboutir à la restauration du capitalisme. Il lutta sur la longue durée en faveur des droits du peuple palestinien. Tous les ans il se rendait devant la prison de Lannemezan (Hautes-Pyrénées) pour demander la libération de Georges Ibrahim Abdallah. À partir de 2011 il se mobilisa en faveur des Printemps arabes, relayant en particulier le combat des ouvrières de la SEA Latelec-Fouchouna située en Tunisie. Cette entreprise appartenait à Latécoère, l’équipementier aéronautique toulousain fournisseur des grands constructeurs d’avions mondiaux. La direction de l’entreprise n’avait pas hésité à licencier des ouvrières qui étaient entrées en lutte non seulement pour demander une augmentation de salaires très bas mais encore pour lutter contre le harcèlement sexuel dont elles étaient victimes. Après la crise de 2008 il manifesta sa solidarité avec le peuple grec, et en 2018 après avoir appris le catalan il traduisit les minutes du Parlement catalan pour que ses camarades soient informés à la source. Enfin, la cause des Kurdes lui tenait très à cœur. Il s’était rendu à deux reprises au Kurdistan pour apporter directement sa solidarité. Au lendemain de sa mort brutale la communauté kurde de Toulouse manifesta sa peine. Participant très activement à toutes les initiatives de son parti, le NPA, en 2012 comme en 2017, il convainquit de nombreux maires de petites communes de sa région d’apporter leur parrainage à Philippe Poutou, candidat à la présidentielle. Pendant le confinement, il s’était converti aux outils numériques afin de continuer à participer à la vie de son comité et aux assemblées générales en ligne. Durant la dernière période, il fut également de toutes les manifestations des Gilets Jaunes sous la banderole du NPA. Il aurait aimé que le NPA de Haute-Garonne appelle à une manifestation le premier mai 2020, sentant les dangers que le confinement faisait peser sur les libertés démocratiques. Il se solidarisa avec les jeunes réprimés pour la banderole « Macronavirus : à quand la fin ? », jeu de mot qu’il relaya dans un dernier selfie.

Doté d’une bonne formation, cet amoureux des livres n’hésitait pas à partager ses connaissances avec ses camarades. Il participa également pendant des décennies aux débats dans son parti, soucieux de convaincre, mais toujours avec respect. De plus, son enthousiasme était intact après une vie militante très riche. En union libre avec sa compagne, il était le père de deux filles. La mort de son fils en 2014 l’avait beaucoup affecté. Il déplorait le manque de moyens consacrés par l’État à la recherche médicale. Il le tenait pour responsable de la mort de son fils. À la mort de Pierre Granet, ses proches suggérèrent que pour honorer sa mémoire des dons pouvaient être adressés au Conseil démocratique kurde en France, à Droit au logement ou à la Terre en commun.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article244052, notice GRANET Pierre (Vimont) par Jean-Paul Salles, version mise en ligne le 29 novembre 2021, dernière modification le 29 novembre 2021.

Par Jean-Paul Salles

SOURCES : Aide précieuse apportée par Lucien Sanchez et par la compagne de Pierre Granet . —Nécrologie de Pierre Granet réalisée par le NPA31 sur le site du NPA, 3 mai 2020. — Carnet du journal Le Monde, 19 mai 2020. — Rouge hebdomadaire. — Archives départementales des Bouches-du-Rhône (AD13), Rapports des renseignements généraux (135W125 : agitation gauchiste sur les lycées de Marseille, dans les entreprises (2 décembre 1971, 6 pages), réorganisation de la Ligue communiste à Aix (31 octobre 1972, 2 p.). — Guy Dutheil, « L’équipementier français Latécoère embarrassé par la grève de la faim de deux salariées de sa filiale tunisienne », Le Monde, 12 juillet 2014. — [https://france.attac.org], 2013 : Latelec-Fouchana, une lutte exemplaire, une répression pour l’exemple.

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