Par Jean Maitron, Claude Pennetier
Né le 20 novembre 1903 à Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne), mort le 5 juillet 1989 à Draguignan (Var) ; licencié en droit et diplômé d’études supérieures de sciences économiques ; instituteur ; membre du Parti communiste de 1926 à 1933 ; syndicaliste CGTU puis CGT ; rédacteur de La Révolution prolétarienne.
Fils d’un ouvrier métallurgiste, Raymond Guilloré subit l’influence de son frère aîné, René, ouvrier tôlier-chaudronnier et militant anarcho-syndicaliste. Elève du collège Chaptal, il obtint le brevet supérieur en 1919 puis le baccalauréat en 1922 et enfin une licence de droit en 1936.
Instituteur, il adhéra au Parti communiste à Vitry-sur-Seine où il habitait dans un pavillon appartenant à sa mère. L’administration le déplaça d’office de Vitry à Alfortville, en raison de son militantisme politique et syndical. Il est vrai qu’il participait activement à la vie du 4e rayon communiste de la Région parisienne et siégeait en 1930 à son comité. Il était aussi membre de l’agit-prop centrale. En janvier 1930, il quitta l’école Étienne-Dolet d’Alfortville, se mit en disponibilité et devint permanent pour quelques mois. Dès octobre 1931, il reprit son métier d’instituteur qu’il exerça jusqu’à la retraite.
La direction du PC le désigna, en 1932, pour aller dans le Vaucluse remplacer Joseph Duffaut, candidat communiste aux élections législatives de mai, tombé malade. Il se présenta donc dans l’arrondissement d’Orange contre Daladier et recueillit 2 038 suffrages sur 14 540 votants et 13 767 suffrages exprimés. Daladier fut élu au premier tour avec 9 148 voix. En 1933, le Comité central du PC prononça l’exclusion de Guilloré pour solidarité avec sa femme, Charlotte Caspar, alors chef de laboratoire du dispensaire de Vitry-sur-Seine et exclue avant lui.
Après avoir voté régulièrement pour le Parti communiste, après 1933, Guilloré s’abstint régulièrement selon son témoignage. Il fréquenta assidûment les auberges des Amis de la Nature.
Raymond Guilloré enseigna à l’école de Vitry à nouveau sous le Front populaire, puis au cours complémentaire de Neuilly, puis dans les IXe et XIIIe arrondissements de Paris, adepte de la pédagogie vivante inspirée par la méthode Decroly.
Membre du Syndicat depuis 1925, un des principaux porte-parole de la fraction communiste de la Fédération unitaire de l’enseignement dans la Seine « pendant quelques mois », il avait été élu le 8 novembre 1928 secrétaire à la propagande et avait fondé le groupe des Jeunes de l’enseignement laïc dont il assurait le secrétariat. Le syndicat lui avait confié la gérance de l’Émancipé, organe corporatif. Il était aussi membre de la section départementale du Syndicat national des instituteurs depuis 1926. En 1933, il rejoignit la majorité fédérale qu’il avait combattue pendant plusieurs années.
Après l’unité syndicale de 1936, secrétaire de la sous-section syndicale de Vitry, il fut un des porte-parole de la tendance École émancipée dans les congrès du SNI. Il intervint dans L’École du Grand Paris, bulletin du SNI à Paris, sur la situation en Espagne à plusieurs reprises. Il participa avec Eugène Galopin et Michel Collinet, en janvier 1937, à la création du Cercle syndicaliste « Lutte de classe » dont il fut un des principaux animateurs. Il participa à la grève nationale du 30 novembre 1938. Lors de l’élection du conseil syndical de la section départementale du SNI, en février 1939, il figurait en troisième position sur la liste du « Cercle syndicaliste de l’enseignement » qui eut deux élus.
Raymond Guilloré fut mobilisé comme soldat de deuxième classe dans l’infanterie de forteresse sur la ligne Maginot. Il fut prisonnier de guerre en juin 1940 et semble-t-il libéré.
En 1942, l’administration le somma de préciser ses activités politiques passées et son état d’esprit actuel. Guilloré répondit de façon à éviter la révocation. Cette lettre, publiée par ses adversaires communistes à la Libération (voir Diquelou, provoqua l’affaire Guilloré. La sous-section du SNI du IXe arr. vota le 21 janvier 1946 une motion qui « déplorait, avec Guilloré d’ailleurs, le fait en lui-même, mais lavait le camarade Guilloré de tout soupçon concernant une prétendue soumission au gouvernement Pétain » et elle le confirmait dans ses fonctions de secrétaire. La commission des conflits du conseil syndical de la Seine adopta une position proche (Bulletin des Amis de l’École Émancipée, 5 juin 1946).
Il rejoignit, sous l’influence de Pierre Monatte, le groupe de la Révolution prolétarienne et collabora à la revue du même nom. Il y tenait la chronique de l’Union des syndicalistes, dont il était le secrétaire. Il travaillait alors à la RTF (puis ORTF). Il collabora au bulletin de la Commission internationale de liaison ouvrière (CILO, 1958-1965), surtout lorsque Louis Mercier passa plusieurs années en Amérique latine. En 1964, il devint président de la coopérative " Les Éditions syndicalistes " créée pour l’acquisition des nouveaux locaux communs à la RP, à l’UdS et à CILO, 21 rue Jean-Robert à Paris (18e). Les militants lui confièrent la direction de la publication en 1970 et la présidence de la coopérative « Les Éditions syndicalistes ». Il habitait alors Saint-Paul-en-Forêt (Var) tout en assurant mensuellement, avec Charbit, la « cuisine » de la Révolution prolétarienne. Le 31 décembre 1981, il mit fin de lui-même à ces fonctions.
Marié en janvier 1932 à Vitry avec Charlotte Caspar (voir Charlotte Guilloré), l’ancienne épouse de Vojislav Vujovic, Serbe, militant de l’Internationale communiste exécuté en URSS en 1936, Raymond Guilloré éleva leur fils, Michel Auclair (1922-1988), qui devint un acteur de renom.
Par Jean Maitron, Claude Pennetier
ŒUVRE : Préface à Schwartz (Solomon M.), Lénine et le mouvement syndical, Paris, Spartacus, 1971. Les trois phases de la révolution socialiste, Paris, Les Éditions syndicalistes, 1972.
SOURCES : Arch. Nat. F7/13119, F7/13749. — Arch. PPo. 304, avril 1930. — Arch. Dép. Vaucluse, 3 M 283, 285. — Les Semailles, novembre-décembre 1928. — L’Humanité, 18 juin 1928. — La Vie socialiste, 14 mai 1932. — L’École libératrice, 28 août 1937. — La Vérité, 1er septembre 1933. — La Lutte ouvrière, 21 mai, 23 décembre 1937 et 13 janvier 1939. — Le Réveil syndicaliste, 1937-1939. — L’École émancipée, n° 13, 5 juin 1946, "Chantage et calomnie : l’Affaire Guilloré". — P. Broué et N. Dorey, « Critiques de gauche et opposition au Front populaire (1936-1938) », Le Mouvement social, janvier-mars 1966. — Les Révoltes logiques, n° 5, printemps-été 1977. —Le Monde, 25 avril 1989. — Kunde (Kurt), Le SNI d’octobre 1935 à juin 1940 dans le département de la Seine, Mémoire de maîtrise, Université de Paris I, 1986. — Note de l’intéressé. — Renseignements fournis par l’intéressé en 1976 à Jacques Girault. — Correspondance, Archives Louis Mercier (CIRA Lausanne), note de Marianne Enckell.