PENNETIER Marcel, Jean

Par Claude Pennetier

Né le 14 avril 1914 à Issoudun (Indre), mort le 6 janvier 1993 à Saint-Amand-Montrond (Cher) ; instituteur ; militant oppositionnel de gauche, puis UGS et PSU à Créteil (Seine, Val-de-Marne) ; syndicaliste École émancipée.

Marcel Pennetier en 1958
Marcel Pennetier en 1958
Collection familiale

Petit-fils de métayers de La Groutte, dans le sud du Cher et fils d’un gendarme « républicain » et d’une mère au foyer, enfant unique, Marcel Pennetier fit ses études primaires et secondaires à Issoudun puis à Saint-Amand-Montrond comme boursier. Ses goûts et qualités le portaient vers les mathématiques, mais un conflit avec un professeur du collège de Saint-Amand-Montrond le rejeta vers les lettres. En 1931, il entra comme boursier en première supérieure au lycée Henri IV de Paris. Durant son séjour en khâgne, il passa une licence de philosophie et s’initia à l’activité politique et sociale.

Adhérent de l’Union fédérale des étudiants dirigée par de jeunes communistes, il organisa avec Max Barel des réunions ouvertes aux élèves des classes préparatoires aux grandes écoles, avec la participation de conférenciers comme Charles Rappoport et Paul Vaillant-Couturier. Dans une contribution destinée à la discussion interne, il fit la critique de la politique de « l’étudiant pauvre » et souhaita un élargissement de l’action de l’UFE. Le débat n’eut pas lieu mais un article reprenant certains passages de son texte, complétés par d’autres développements, parut en août 1932 dans les Cahiers du bolchevisme sous le pseudonyme de Block, vraisemblablement à l’initiative de Max Barel. Le vif débat qui se prolongea dans les numéros suivants lui échappa car, ayant fait des réserves sur la théorie du « social-fascisme » et la politique du Parti communiste allemand, Marcel Pennetier fut mis à l’écart de toute responsabilité dans l’UFE.

Il eut alors des discussions avec des membres de l’Opposition de gauche dont Yvan Craipeau, adhéra en 1933 à la Ligue communiste et participa à la fondation des Jeunesses léninistes.
Pour acquérir son indépendance, Marcel Pennetier abandonna la khâgne en 1934 et prit une place d’instituteur suppléant. Syndiqué à la Fédération unitaire de l’enseignement, il y soutint l’orientation de la majorité fédérale. Les trotskystes ayant décidé d’entrer à la SFIO, il s’inscrivit à la section de Maisons-Alfort (Seine) où habitaient ses oncles et tantes, et fut désigné par les JC et les JS comme secrétaire du Comité antifasciste des jeunes de Maisons-Alfort. Incorporé au 26e RI de Nancy en octobre 1935, il collabora avec de jeunes communistes et d’autres soldats à la publication d’un journal ronéoté défendant les revendications des appelés et prônant la liaison avec les travailleurs en grève.

Libéré de l’armée en 1937, Marcel Pennetier et sa compagne Suzanne née Lyonnaz (ils se marièrent en juillet), institutrice, furent nommés à Créteil où ils habitèrent. Il participa à la création d’une section du PSOP avec Albert Delettre. Sur le plan syndical, il défendait l’orientation de la tendance École émancipée. Secrétaire de la sous-section du SNI de Créteil, il participait au bureau de l’Union locale CGT. C’est là qu’il sympathisa avec le postier Marcel Galin, secrétaire du centre syndical depuis 1935. Avec Galin, il constitua un groupe du Parti ouvrier internationaliste qui selon un rapport envoyé par le Parti communiste à Moscou comptait cinq personnes (RGASPI, 495 270 8297). L’action tant politique que syndicale de Marcel Pennetier, et la défense des condamnés des procès de Moscou lors d’une réunion locale du Parti communiste lui valut, un soir d’octobre 1937, d’être sérieusement « tabassé » par une dizaine de partisans du député communiste André Parsal. Ce cas ne fut pas unique car en mars 1938, le responsable du commando, Lucien Richard fut condamné par le tribunal correctionnel à trois mois de prison, avec Raymond Deudon, pour coups et blessures sur des trotskystes, peine réduite à huit jours avec sursis en appel, en juillet 1939.

Mobilisé en août 1939, Marcel Pennetier prit part à la guerre dans diverses unités. Caporal, rattrapé par les troupes allemandes, il prit le risque d’entraîner son groupe à travers bois avec son adjoint d’origine allemande et, par chance, put mettre les hommes en état d’échapper au sort de prisonnier. Quelque temps après l’armistice, il rejoignit en vélo sa compagne dans le Cher en zone libre à Saint-Amand-Montond et se fit démobiliser. Revenu à Créteil, il obtint une délégation de professeur au collège Colbert de Paris. Dès son retour dans la région parisienne, Marcel Pennetier se mit à la disposition des dirigeants du Parti ouvrier internationaliste pour des tâches de propagande. C’est dans la cave de son pavillon à Créteil que furent ronéotés dès septembre 1940 les premiers numéros de La Vérité, journal clandestin du POI pendant la guerre.
Selon le témoignage de Charles Schechter que publie Lucette Heller-Goldenberg, "Nous avions soustrait l’une des ronéeo des AJ et je me souvins l’avoir transportée seul à travers Paris dans le métro, puis dans l’autobubus. Je me vois toujours assis avec la machine à côté de moi et bon nombre de soldats allemands à l’alentour. J’ai porté cette machine dans le petit pavillon de Pennetier, en septembre. J’avais été une première fois chez Pennetier pour tirer sur sa machine et on a gâché énormément de papier car, on n’arrivait pas à tirer convenablement et le travail s’est prolongé toute la journée avec une camarade. Nous étions exténués et irrités. C’est dans ces conditions que l’on a décidé d’apporter la seconde machine, celle de la rue Valois. On m’a fixé ensuite un rendez-vous avec la camarade qui tapait les stencils et c’est ainsi pour la première fois, au métro Pasteur, Suzanne Augonnet."
À l’intérieur du POI, il critiqua les thèses « nationales » de Marcel Hic et se plaça dans les rangs de la minorité. Son groupe de base fut démantelé en juin 1943 à la suite de l’arrestation de plusieurs de ses membres : Roland Filiâtre et Yvonne Filiâtre furent déportés, Henri Lafièvre emprisonné. Il participa à la fusion du POI et du CCI pour donner le PCI et fut membre de la commission qui réintégra Pierre Boussel dans l’organisation.

Préoccupé par l’insertion des révolutionnaires dans le mouvement syndical, Marcel Pennetier se rendit auprès d’anciens responsables de la Fédération unitaire de l’enseignement pour renouer les liens rompus par la mobilisation, les internements, les révocations. En 1944 avec l’aide d’anciens animateurs de l’École émancipée (Marcel Valière, Raymond Guilloré, le soutien de Maurice Dommanget), des libertaires dont Georges Fontenis comme des jeunes formés pendant la clandestinité par le POI, il édita un Bulletin des Amis de l’École émancipée (qui donnait comme siège son adresse à Créteil 17 rue de Normandie) et permit la restructuration de la tendance syndicaliste révolutionnaire de l’enseignement. L’Humanité du 26 juillet 1946 commentait son intervention au congrès national du SNI : "Pennetier (Seine) apporte le point de vue des critiqueurs systématiques. Il votera contre le rapport moral". Le transfert de la revue l’École émancipée à Marseille ne correspondait pas à ses souhaits.
Il refusa un poste de professeur de philosophie dans l’enseignement secondaire en province, à Caen, pour rester en région parisienne dans le milieu syndical alors le plus vivant : le SNI. Marcel Pennetier enseigna le français, l’histoire et la géographie, au cours complémentaire Victor Hugo de Créteil jusqu’à sa retraite, revendiquant avec fierté le statut d’instituteur. Il passa, au début des années soixante, le concours de direction d’écoles et de collèges, fut reçu premier, mais refusa d’occuper les postes qui lui étaient proposés pour ne pas exercer une fonction « d’autorité », en savourant cependant le plaisir d’apprendre l’inquiétude de la municipalité de droite de Créteil qui le voyait prendre la direction d’un nouvel équipement en cours d’achèvement.

Responsable national de l’École émancipée de 1945 à 1947, il chercha non seulement à accroître l’audience de la tendance dans le milieu enseignant, mais aussi à la lier aux minorités syndicalistes révolutionnaires des autres corporations. Il lança en décembre 1945, avec l’appui du PCI le journal Front ouvrier où s’exprimaient des militants des PTT, du Livre, de l’enseignement ou de la métallurgie. Marcel Pennetier en fut directeur-gérant jusqu’à fin 1947. Délégué au congrès de l’Union départementale CGT en juin 1947, il prit la parole pour défendre une orientation d’élargissement et de coordination des luttes en cours, mais fut vivement pris à partie par Eugène Hénaff et accusé d’avoir voulu « assassiner Maurice Thorez », allusion à une bousculade lors des manifestations du 1er Mai, alors qu’il distribuait un tract devant la tribune officielle. En octobre-novembre 1947, il s’affirma comme l’un des actifs animateurs du comité de grève des instituteurs de la Seine ; ce fut le temps fort de son itinéraire syndical.
Il se battit pour maintenir les libertaires dans l’École émancipée au moment où la CNT tentait d’attirer les enseignants (Le libertaire, 26 février 1948). Les 19 et 20 novembre 1948 se tint une importe réunion entre les Centres d’action syndicalistes (CAS), une minorité de FO, l’École émancipée, la CGT du Livre, les trotskystes d’Unité syndicale ; la CNT française proposa la constitution d’une nouvelle centrale syndicale affiliée à l’AIT mais ce qui fut retenu prit nom de Cartel d’unité d’action syndicale (CUAS). La CNT quitta le CUAS en mai 1949.

Durant la période 1944-1947, Marcel Pennetier participa à la vie intérieure du Parti communiste internationaliste. En vue du congrès de la IVe Internationale, sous le pseudonyme de Darbout, il élabora avec Jacques Gallienne des textes dans lesquels ils rejetaient pour l’État soviétique la qualification « d’État ouvrier dégénéré » et dénonçaient les conséquences politiques de cette qualification : « Défense inconditionnelle de l’URSS, stratégie suiviste par rapport aux organisations staliniennes. » Il tentait de démontrer que la bureaucratie politique en Russie s’était cristallisée en une classe dominante ayant dépossédé les travailleurs des pouvoirs politique et économique. Ami de Benjamin Péret, il s’en sépara cependant sur l’analyse du rôle des syndicats. Il partageait les positions de Natalia Trotsky qui rompit avec la IVe Internationale en1951, après un désaccord de « cinq ou six ans ». Ayant constaté l’impossibilité de créer un courant assez important de réflexion sur l’échec du trotskysme pendant la période 1944-1947, il quitta le PCI en 1948. Il resta cependant en bonnes relations avec Pierre Frank, mais pas avec Pierre Boussel dit Lambert dont il condamna toujours les méthodes. Il se retira progressivement de la vie politique et syndicale au plan national pour se consacrer à l’animation de sa sous-section du SNI (dont il fut le plus souvent secrétaire de 1946 à 1966), du comité local d’action laïque de Créteil et de la vie locale, en particulier des patronages laïques. Ses élèves gardèrent le souvenir d’une forte personnalité, remarquable professeur et amateur des méthodes actives.

Lors de la guerre d’Algérie, Marcel Pennetier adhéra à la 12e section de la Nouvelle Gauche puis de l’Union de la gauche socialiste. Bon orateur, il fut le candidat de l’Union des forces démocratiques aux élections législatives de novembre 1958, dans la circonscription de Villeneuve-Saint-Georges (Seine-et-Oise) avec comme suppléant Jean Pécoup ; il recueillit 4,8 % des suffrages exprimés. Aux élections municipales du 15 mars 1959, iI fut candidat sur la liste d’Union des gauches républicaines de Créteil (6e), dirigée par le communiste Jean-Marie Joly. Avec Albert Delettre, il constitua une section locale du PSU qui compta une trentaine de membres. En septembre 1960, il signa le « Manifeste des 121 » (Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie) dans la seconde liste. Membre du bureau fédéral Seine-banlieue du PSU, il eut la préoccupation de regrouper les militants « lutte de classe » dans une tendance « socialiste révolutionnaire [SR] ». Celle-ci réunit des jeunes ouvriers venus du Mouvement de libération du peuple et d’anciens trotskystes. En 1963, elle obtint jusqu’à 20 % des mandats dans un conseil national du PSU sur ses propositions de programme de transition vers le socialisme. Marcel Pennetier représenta la tendance « socialiste révolutionnaire » au bureau politique comme responsable du travail « entreprise ». Il se rendit dans le Nord pour aider les membres du PSU engagés dans la grève des mineurs de 1963. Les « socialistes révolutionnaires » s’allièrent aux amis de Jean Poperen pour constituer le « courant unitaire » qui obtint au congrès de novembre 1963, 280 mandats contre 341 à l’alliance des « modernistes » et des « mendésistes ». Marcel Pennetier se sépara de Jean Poperen lors du ralliement inconditionnel de ce dernier à la candidature de François Mitterrand pour les élections présidentielles de décembre 1965.

Le ville de Créteil était profondément modifiée avec la construction des HLM du Mont-Mesly à partir de 1959, mais les équipements scolaires n’avaient pas été suivis. Un grave crise toucha la ville en 1963-1965. Il créa avec Jean Roméo un important comité local d’action laïque qui organisa un puissante compagne de presse et des réunions publiques qui ébranlèrent la municipalité centre-droit de Dassibat. Mais c’est le général Pierre Billotte, gaulliste de gauche, choisi par De Gaulle pour faire de Créteil un ville préfecture, qui l’emporta aux élections municipales de 1965.

Victime en août 1966 d’un accident qui le laissa paraplégique, il ne put reprendre ses activités politiques pendant plusieurs années. Après deux ans d’hôpital où il anima un collectif de malades au Centre de rééducation motrice de Fontainebleau (Seine-et-Marne), mis à la retraite pour invalidité, il se retira dans sa région d’origine, à Saint-Amand-Montrond (Cher) où il aida à la constitution d’un groupe départemental École émancipée. Il avait prêté la main à Marcel Valière, Julien Desachy et leurs amis syndicalistes-révolutionnaires, lors de mise à l’écart du courant "lambertiste" de l’École émancipée en 1969.

En 1982, sur ses terres d’origine, à Saint-Amand-Montrond, il adhéra au Parti socialiste et fut de 1984 à 1986 secrétaire de la section locale. Il assura également la présidence de la Libre pensée du Cher jusqu’à son décès. De plus en plus handicapé, perdant toute autonomie, sa vie devenant difficile, militant de l’association ADMD (mourir dans la dignité), il avait fixé lui-même le terme de sa vie quelques jours après les fêtes de la nouvelle année 1993.

L’École émancipée organisa un hommage à Paris, dans les locaux de l’EDMP, impasse Crozatier. Ses amis du Cher firent de même, avec le député Alain Calmat, dans la salle municipale de Drevant, à côté de La Groutte, village d’origine de la famille Pennetier, où il avait gardé longtemps des vignes et des vergers pour retrouver l’ambiance rurale de sa jeunesse.

Il avait trois garçons : Michel, né en 1939, Alain en 1945 et Claude en 1947.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24410, notice PENNETIER Marcel, Jean par Claude Pennetier, version mise en ligne le 2 février 2009, dernière modification le 17 novembre 2022.

Par Claude Pennetier

Marcel Pennetier en 1958
Marcel Pennetier en 1958
Collection familiale
Marcel Pennetier avec sa classe de 3e au cours complémentaire Victor Hugo (Créteil) en février 1951
Marcel Pennetier avec sa classe de 3e au cours complémentaire Victor Hugo (Créteil) en février 1951

SOURCES : Journaux cités. — Cahiers du bolchevisme, n° 15-16, août 1932, p. 1020-1022. — Archives de Front ouvrier (Centre d’études socialistes). — Témoignage du militant. — Robert Hirsch, La section de la Seine du Syndicat national des instituteurs et institutrices de 1944 à 1967, Thèse, Paris XIII, 2003 ; Instituteurs et institutrices syndicalistes (1944-1967). Une pratique syndicale de masse dans la Seine de 1944 à 1967, Syllepse, 2010. — Alice Lavabre, L’Union fédérale des étudiants, organisation présyndicale (1926-1935). Être "étudiant" dans "le mouvement ouvrier", Mémoire de Master 1, EHESS/ENS, 2010. — Lucette Heller-Godenberg, Histoire des auberges de jeunesse en France des origines à la Libération (1929-1945), 2 vol., 1985, Université de Nice, p. 612.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable