Par Anne Mathieu
Né le 23 juillet 1894 à Paris, mort le 19 décembre 1948 à Paris ; journaliste ; rédacteur à L’Ère nouvelle et à Notre temps, rédacteur en chef de La Voix ; membre de la Fédération de Seine-et-Oise du parti républicain socialiste puis fondateur du Parti radical-socialiste Camille Pelletan (1934) ; député de l’Aude (1946-1948) ; président du comité directeur du Rassemblement des gauches républicaines (1947) ; membre de la Libre pensée, de la LICA ; membre du comité central de la LDH ; membre de l’Exécutif du Rassemblement universel contre le racisme et l’antisémitisme ; membre du bureau du Comité mondial contre la guerre et le fascisme ; membre de l’Union Internationale des Associations pour la SDN (et vice-président en 1937).
Au début des années 1920, Gabriel Cudenet commença à collaborer à L’Ère nouvelle : il y devint rédacteur et y était en charge de la politique étrangère.
Membre du parti républicain socialiste de la Fédération de Seine-et-Oise, il en devint secrétaire général adjoint en 1927.
Il était également membre de la Libre pensée. Le 24 juin 1928, il dispensa une conférence à Ully-Saint-Georges sur « La Libre Pensée et la paix », où il était notamment présenté comme délégué de la fédération française de la Libre pensée (L’Ere nouvelle, 24 juin 1928).
Son activité professionnelle de journaliste s’enrichit d’autres collaborations et d’autres responsabilités, dans des périodiques toujours marqués par leur appartenance au radicalisme. En 1929-1930, il collabora à l’hebdomadaire La Voix, dirigé par Émile Roche et Pierre Valude, et dont le rédacteur en chef était Bertrand de Jouvenel. En 1930, il devint rédacteur en chef du journal radical et radical-socialiste La République.
Durant l’année 1930-1931, il intervint au Club du Faubourg. Le 28 février 1931, il y ouvrit un débat sur « Espagne et France », où parlèrent le général del Llano et le commandant Franco. Le 12 novembre 1931, c’est de nouveau lui qui ouvrit un débat, cette fois-ci sur « Le Congrès radical devant la France ».
En 1933, il devint rédacteur politique à Notre temps, au moment où, de revue, ce périodique se transformait en journal du soir.
La même année, il devint président de la fédération de Seine-et-Oise de la LDH – mais habitait le XVIIe arrondissement de Paris – association dans laquelle il militait également et aux Cahiers de laquelle il collabora ponctuellement. Il assuma aussi la présidence de la section de Brunoy.
Au lendemain de la chute du Cabinet Chautemps fin janvier 1934, les jeunes radicaux publièrent un Manifeste au pays, signé entre autres par Jean Zay, Gaston Monnerville, Jacques Kayser et Gabriel Cudenet.
En mai 1934, à l’issue du congrès radical de Clermont-Ferrand, Gabriel Cudenet créa le Parti radical-socialiste Camille Pelletan. Le désaccord de celui-ci et de ses camarades avec la direction du pari portait sur la participation ou non au gouvernement, Cudenet et les « jeunes turcs » se situant dans une perspective antifasciste unitaire suite au 6 février et souhaitant une alliance avec le parti communiste.
L’engagement de Gabriel Cudenet s’inscrivait aussi dans le pacifisme et dans l’antiracisme. Son engagement pacifiste se traduisit par différentes appartenances : il était membre de l’Union Internationale des Associations pour la SDN ; il fut membre du bureau du comité mondial contre la guerre et le fascisme. Il se traduisit aussi par des participations à des meetings ou autres réunions. Par exemple, en mai 1935, il fit partie des orateurs « pressentis » à un meeting tenu le 28 pour la défense de René Gérin, meeting sous la présidence de Félicien Challaye organisé par la Ligue Internationale des Combattants pour la Paix ; et, le 24 novembre 1935, il participa à un hommage à Henri Barbusse rendu à la Mutualité, lors duquel il dispensa une conférence sur la vie et l’œuvre de ce dernier. Autre exemple, cette fois-ci tenant à l’antiracisme : le 5 octobre 1935, il intervint dans un meeting organisé par la section de Clermont-Ferrand de la LICA, organisation dont il était membre depuis sa fondation, et à l’organe de laquelle, Le Droit de vivre, il collabora épisodiquement (par exemple, en juin 1938, il y publia un reportage sur le Maghreb).
Il fut élu au comité central de la LDH au congrès de juin 1935. Il en était une figure, réputé notamment pour ses qualités de tribun.
Parallèlement à ses diverses activités militantes, Gabriel Cudenet continuait sa carrière de journaliste. Il devint un collaborateur régulier du Petit journal dans la seconde moitié des années 1930, et fut pour celui-ci accrédité à la SDN, et aussi envoyé spécial, notamment à Londres en juillet 1936. Il y suivit alors la situation espagnole. Le 20 août 1936, son nom figura dans l’Humanité parmi les signataires de l’appel « Des avions pour l’Espagne », aux côtés de Jean-Richard Bloch, André Chamson, Elie Faure, Francis Jourdain, André Malraux, Denise Moran, Paul Langevin et Henri Wallon. Il intervint à Bordeaux le 23 août 1936 lors d’un meeting « en faveur de la République espagnole ».
Le 7 novembre 1936, il figura parmi les orateurs d’une réunion conviée par le Rassemblement universel contre le racisme et l’antisémitisme. Lors de la parution de Contre le racisme. Hors la loi !, En collaboration avec Léo Lagrange, il est indiqué comme membre de l’Exécutif de ce Rassemblement. Le 27 mars 1937, le mouvement populaire juif organisa un meeting-concert sur l’Espagne.
En avril 1937, il fut élu vice-président de l’Union Internationale des Associations pour la SDN, dont le président était Paul-Boncour.
C’est à partir de cette année 1937 que l’on remarque une inclinaison à collaborer à des périodiques communistes. Ainsi publia-t-il un article sur l’Espagne « Les abandonner serait déserter » dans Clarté en mai 1937, participa-t-il occasionnellement à Regards. Il fit même partie de la rédaction de Messidor dès son premier numéro de mars 1938, et y signait un « Billet du jacobin ». Toutefois son travail de journaliste se poursuivait par ailleurs dans des périodiques plus proches de sa famille politique. Il signa fin 1937 ou début 1938 le premier éditorial de Cette semaine, « hebdomadaire au service de la démocratie ». Précisons d’ailleurs que la profession accolée à son nom était toujours celle de publiciste ou de journaliste.
Il fit partie de l’Union Des Intellectuels Français (UDIF), créée en 1938. Il était en outre membre des Amis de la République française, dont Jean Painlevé était le secrétaire général. Le 9 mai 1938, ils soutinrent une manifestation qui demandait la fin de la politique économique anti-immigrés du gouvernement et une amnistie pour les victimes du racisme. Ils envoyèrent une délégation pour rencontrer Albert Sarraut, délégation dont il fit partie.
Le 19 mai 1939, il signa dans l’organe du Secours populaire La Défense un article intitulé « On ne sauve pas la liberté aux frontières si on la laisse mourir à l’intérieur du pays ». Invoquant la figure de Danton, il concluait son article par ces mots : « Nous prions notre gouvernement de ne pas offrir aux ombres des hommes illustres, des héros qu’il commémore le dérisoire hommage et l’insultant paradoxe d’une nation qui célèbre le cent-cinquantenaire de sa liberté en le dépouillant progressivement de tout ce qui la rend libre. »
Après le décret-loi du 26 septembre 1939, un débat eut lieu dans les instances de la LDH où Gabriel Cudenet exposa des arguments allant dans le sens vigoureux d’une défense nationale et arguant en outre « que tous ceux qui, d’une manière quelconque, ont servi les projets hitlériens, fait le jeu de la propagande allemande, en cherchant à influencer l’esprit public dans le sens souligné par l’ennemi, soient frappés sans distinction de rand, de parti, et que l’application des lois leur soit d’autant plus rigoureuse qu’ils auront occupé une situation plus élevée ou défendu une part de la puissance ».
Il fut l’un des fondateurs du mouvement Espoir de la France en 1942 avec Georges Bérard-Quélin, Jacques Desmyterre, Alof de Louvencourt, Jean Mottin, mouvement qui réfléchissait à la création, après la guerre, d’une presse indépendante.
Il fut député de l’Aude dans le groupe Radical et radical-socialiste du 2 juin 1946 au 27 novembre, dans le Groupe Républicain radical et radical-socialiste du 10 novembre 1946 au 19 décembre 1948. Il était devenu président du comité directeur du Rassemblement des gauches républicaines (RGR) en mars 1947, à l’intérieur duquel il était un proche de Jacques Chaban-Delmas. En janvier 1948, il fut nommé vice-président du groupe radical à l’Assemblée, puis, en juillet, président.
Il mourut d’une crise cardiaque le 19 décembre 1948 à Paris. Au début de la séance de l’Assemblée nationale qui suivit sa mort, Edouard Herriot prononça son éloge funèbre.
Par Anne Mathieu
ŒUVRE : Essai : Sauver l’Espagne, c’est sauver la paix, Comité mondial contre la guerre et le fascisme, 1936. — Discours : avec Léo Lagrange, Contre le racisme. Hors la loi !, éditions Le Droit de vivre, 1936. — Théâtre : Mirabeau ou le destin mutilé, Flagrance, 1948. — Préface : Fascisme, trotskisme, éditions du Secours Populaire, 1939.
SOURCES : Anne Mathieu, Nous n’oublierons pas les poings levés – Reporters, éditorialistes et commentateurs antifascistes pendant la guerre d’Espagne, Paris, Syllepse, 2021. — Emmanuel Naquet, Pour l’Humanité – La Ligue des droits de l’homme de l’affaire Dreyfus à la défaite de 1940, Presses Universitaires de Rennes, 2014. — Vicki Caron, « Contre-courants en 1939 », in L’Asile incertain. La crise des réfugiés juifs en France, 1933-1942 (V. Caron, Dir.), Paris, Tallandier, 2008, pp. 283-326. — Jean-Michel Guieu, « Le temps des épreuves (1931-1935) », in Le rameau et le glaive. Les militants français pour la Société des Nations (Dir. J.-M. Guieu), Paris, Presses de Sciences Po, 2008, pp. 201-231. — Frédéric Turpin, « Jacques Chaban-Delmas et le système des partis sous la IVe République », in Jacques Chaban-Delmas en politique (Bernard Lacahise, Dir.), Paris, Presses Universitaires de France, 2007, pp. 67-83. — Catherine Richet, « Biographies des membres de l’Armée juive (aj) », in Organisation juive de combat. Résistance/sauvetage. France 1940-1945 (Catherine Richet, Dir.), Paris, Autrement, « Mémoires/Histoire », 2006, pp. 43-120. — Cédric Méletta, « La Ligue des droits de l’homme et l’éducation militante de la jeunesse des années 1930 », in Retour de Moscou. Les archives de la Ligue des droits de l’homme 1890-1940 (Grégory Cingal, éd.), La Découverte, 2004, pp. 83-97. — Anne Martin-Fugier, « Le siècle » (1944-2004). Un exemple de sociabilité des élites », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, vol. no 81, no. 1, 2004, pp. 21-29. — Cédric Méletta, « La Ligue des droits de l’homme et l’éducation militante de la jeunesse des années 1930 », in Retour de Moscou. Les archives de la Ligue des droits de l’homme 1890-1940 (Grégory Cigal, Dir.), Paris, La Découverte, 2004, pp. 83-97. — Antoine Prost, Jean Zay et la gauche du radicalisme, Paris, Presses de Sciences Po, 2003. — Serge Berstein, Histoire du Parti Radical. Vol 2 : Crise du radicalisme, 1926-1939, Paris, Presses de Sciences Po, 1982. — Dictionnaire des parlementaires français, 1940-1968, t. 3. — Assemblée Nationale. — Databnf. — Journaux et articles de presse cités dans la notice.