GOURGET Pierre (BAROZINE David, Alexandre dit)

Par Jean-Michel Brabant, Claude Pennetier

Né le 19 janvier 1904 à Dvinsk (Russie) [date douteuse] ; [casquettier puis ?] tourneur sur bois ; militant syndicaliste ; membre du Parti communiste et oppositionnel trotskyste ; revenu au PCF.

D’origine russe, Pierre Gourget militait dans le quartier du Marais dès 1916-1918. Raymond Molinier l’évoque dans ses mémoires : « Un jeune ouvrier prenait un rôle dirigeant dans notre noyau [de jeunes ouvriers du IVe arr. hostiles à l’Union sacrée]. Il appartenait à la direction du syndicat cégétiste des casquettiers, profession courante dans la communauté juive. Il collaborait avec la direction du Bund, le parti communiste juif, et la plupart du temps il recrutait les ouvriers en yiddish. Son nom de militant était Gourget, son nom de famille Barozine […] je fus sollicité comme secrétaire de section aux côtés de Gourget et de Ségal, [Maurice Ségal] un camarade du Bund. Gourget était le secrétaire syndical, ma tâche fut le classement des archives. » La chronologie de cette description est douteuse car Ségal né en 1908 ne pouvait guère être militant à dix ans, quant à Gourget il n’avait pas l’âge d’excercer les responsabilités que lui attribue Molinier. Celui-ce semble confondre le métier de Ségal (casquettier) avec celui de Gourget.
Gourget adhéra au Parti communiste dès sa création. Il était, à l’époque, tourneur sur bois et devint membre de la commission exécutive de la Fédération du Bois de la CGTU. Le IIIe congrès du Parti communiste, tenu à Lyon en janvier 1924, l’élut à la commission des conflits.

S’opposant aux méthodes employées dans le cadre de la « bolchevisation » du Parti, il fut exclu après avoir signé, le 25 octobre 1925, la lettre des 250 qui dénonçait le régime autoritaire du Parti. Il fut exclu pour activité fractionnelle en 1926.
Proche de Boris Souvarine* , il participa au comité de rédaction du Bulletin communiste et adhéra, en octobre 1927, au Cercle communiste Marx-Lénine. Refusant « une politique qui ne paraît plus s’inspirer des intérêts bien compris du communisme », il démissionna du Cercle, le 19 mai 1928 et rejoignit le groupe qui, autour de Maurice Paz* , publiait le journal Contre le courant. Paz écrivit à Trotsky le 14 avril 1929 : « Toutefois il n’y a exercé aucune activité et s’est tenu à l’écart jusqu’à ces temps derniers. » (Arch. Trotsky).
Un an plus tard, en août 1929, après avoir rencontré Trotsky à Prinkipo (Turquie), il participa à la fondation, avec Alfred Rosmer*, Pierre Frank et autres, de La Vérité qui cherchait à regrouper les éléments oppositionnels proches du point de vue trotskyste. P. Gourget faisait figure de syndicaliste dans ce groupe qui, en avril 1930, se constitua en Ligue communiste et dont il devint membre de la commission exécutive.

Avec Alfred Bernard* et Michel Collinet* , Gourget participa à la mise en place d’une tendance oppositionnelle à l’intérieur de la CGTU et signa, au nom des Métaux de la région parisienne, le manifeste de l’Opposition unitaire en mai 1930. Devenu l’un des dirigeants de cette tendance syndicale, Gourget fut élu à son secrétariat lors de sa conférence nationale réunie, le 28 décembre, à la Bourse du Travail de Paris. Il était également très présent, avec Raymond Molinier, auprès des mineurs de fer de Meurthe-et-Moselle pour soutenir l’action de Georges Paget*. Molinier écrit : « Gourget et moi, avons aussi parcouru, le nord et l’est de la France pour expliquer, convaincre, militer, lutter, sans découragement et lassitude durant des années. Après chaque réunion, nous envoyions un résumé du bureau rédactionnel de La Vérité, imprimé dans l’édition de la semaine. »

Quelques jours plus tard, La Vérité publia un texte de Trotsky portant sur « les erreurs des éléments droitiers de la Ligue dans la question syndicale ». Gourget était le principal militant visé. Sa position était d’autant plus inconfortable qu’au sein même de l’Opposition unitaire il apparaissait comme le représentant de la Ligue dont on redoutait l’activité de fraction. Ripostant, avec d’autres militants dont Michel Collinet*, Gourget quitta la Ligue et La Vérité se fit l’écho, le 24 avril 1931, de « la désertion de la fraction Gourget ». Dans un texte du 30 mars et une lettre de démission du 12 avril, le groupe qui soutenait Gourget critiqua la conception sectaire de la direction de la Ligue en matière syndicale et jeta rapidement les bases d’une nouvelle organisation en publiant le Bulletin de la gauche communiste. Acceptant de suspendre la parution de ce périodique pour résoudre les divergences, Gourget revint à la Ligue alors que ses camarades de tendance maintenaient leur position et constituaient, en octobre 1931, la Gauche communiste.

Après cet épisode, Gourget se rapprocha du Parti communiste et demanda sa réintégration. Le 18 juillet 1932, Gourget, alors domicilié chez J. Menant à Montrouge (sans doute chez des parents de sa compagne Sarah Menant*), écrivit à Maurice Thorez pour demander sa réintégration. Le 6 août 1932, il signa une déclaration manuscrite de trois pages, en cinq points.

Le secrétariat du parti répondit positivement à sa demande de retour au sein du PCF le 30 septembre et l’autorisa même à prendre contact avec son rayon. Le 15 octobre 1932, Les Cahiers du Bolchevisme publièrent la « déclaration d’un ex-trotskyste » et « malgré certaines inexactitudes dans la terminologie », autorisait le Bureau politique à proposer au Comité central sa réintégration. Dans son texte, Gourget reconnaissait « la justesse de la tactique de l’Internationale communiste » en Allemagne, et il précisait : « La tactique « classe contre classe » [...] contribue à dissiper [...] l’idée répandue dans les masses d’une social-démocratie susceptible, malgré tout, de servir la classe ouvrière. » Gourget ajoutait : « Je désavoue sans réserve mon activité oppositionnelle antérieure. » Il habitait dans le Xe arr. de Paris. Son épouse, Sarah Menant, resta une amie du couple Rosmer.

Dans une lettre écrite à Moscou le 5 mai 1934 et figurant dans le dossier Pierre Gourget du Komintern, M. Mill* associait son nom à celui de Gourget pour expliquer son retour en URSS : « Etant illégal à Paris, à cette époque, j’ai chargé le c. Gourget d’informer la direction du PCF, particulièrement le camarade Ferrat [André Ferrat*], de mes démarches auprès du PC de l’URSS. » Les organisations trotskyste avaient enquêté sur le ralliement de Gourget et de Mill au stalinisme (Mill cite une « descente » de Raymond Molinier* de ses amis à son domicile) mais sans porter d’accusations contre Gourget.
Dans un rapport écrit à Moscou début 1937, Maurice Tréand, responsable de la commission des cadres écrivait : « Dans l’appareil seuls deux éléments laissaient à désirer dont nous venons de prendre la décision de remplacer, ce sont Sauvage ex exclu du groupe Suzanne Girault dont il est le mari et Gourget ex exclu trotskiste, ex-rédacteur de La Vérité, journal trotskiste. Pour ce dernier, j’ai toujours été hostile et ai résisté pour son entrée dans l’appareil. » (fonds Manouilski, 495 10a 16). Il semble donc que la période des procès de Moscou ait sonné la fin de son expérience comme responsable du PCF. On ignore ce qu’il devint ensuite.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24417, notice GOURGET Pierre (BAROZINE David, Alexandre dit) par Jean-Michel Brabant, Claude Pennetier, version mise en ligne le 2 février 2009, dernière modification le 2 mai 2013.

Par Jean-Michel Brabant, Claude Pennetier

SOURCES : RGASPI, Moscou, 495 270 6463 : lettre à Thorez, Paris le 18 juillet 1932 ; lettre du secrétariat du PCF 30 septembre 1932 ; déclaration manuscrite du 6 août 1932 ; lettre de M. Mill à Vassart, Moscou le 5 mai 1934 ; 495 10a 16, fonds Manouilski, rapport Tréand. — Arch. Trotsky, Harvard, Documents d’exil, n° 163, lettre de Gourget du 24 juin 1930, n° 3768, lettre de M. Paz. — Contre le courant, 6 mars et 28 juin 1928. — La Vérité, 1930 et 1931. — Les Cahiers du Bolchevisme, 15 octobre 1932. — L. Trotsky, Le Mouvement communiste en France, notes de P. Broué, Paris, 1967. — J. Pluet-Despatin, Les étapes du mouvement trotskyste de 1929 à 1944, Thèse de 3e cycle, Paris I, 1975. — R. Hirsch, Le Mouvement trotskyste de 1929 à 1933, Mémoire de Maîtrise, Paris I, 1974. — D. Gluckstein, Les Mouvements oppositionnels du PC (1924-1928), Mémoire de Maîtrise, Paris VIII, 1976. — Raymond Molinier, Mémoires d’un militant trotskyste, 1904-1940, inédit, consultable au CERMTRI.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable