GUINCHARD Paulette

Par Gérard Magnin

Née le 3 octobre 1949 à Reugney (Doubs), morte le 4 mars 2021 à Berne (Suisse) ; infirmière psychiatrique, formatrice en milieu hospitalier, militante des droits des femmes, adjointe au maire de Besançon (1983-1995), conseillère régionale de Franche-Comté (1986-1997), députée du Doubs (1997-2001, puis 2002-2007), Présidente de la CNSA - Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (2013-2017) ; membre du PSU de 1969 à 1985, puis du PS de 1986 à 2015.

Photo : Ludovic Laude

Paulette Guinchard est issue d’une famille nombreuse de huit enfants, cinq filles et trois garçons. Ses parents (Maurice et Paulette), agriculteurs, étaient à gauche, ce qui n’était pas très courant sur les plateaux du Haut-Doubs, de tradition catholique, et aussi coopérative et mutualiste.
Elle se maria en 1973 avec Jean Kunstler, avec qui elle eut son enfant unique, Georges, né en 1977. Elle se remaria plus tard en 2005 avec Denis Pagnier, avec qui elle vécut, à Chaux-Neuve dans le Haut-Doubs, durant les seize dernières années de sa vie.

Après avoir été reçue première de son canton au Certificat d’Études Primaires, Paulette Guinchard entra au collège, puis au lycée de Poligny où elle passa son bac. Elle fréquenta ensuite la faculté de Sciences Économiques à Besançon en 1968.
Devant gagner sa vie, Paulette Guinchard quitta assez vite l’université et travailla durant deux années aux Impôts, puis au rayon universitaire d’une librairie de Besançon.
Elle suivit ensuite une formation pour devenir infirmière psychiatrique, diplôme qu’elle obtint en 1978. Elle n’exerça jamais directement en qualité d’infirmière.
Durant les années 80, elle eut de nombreuses activités liées aux droits des femmes.
En 1981, Paulette Guinchard participa à la création du CRIDF (Centre Régional d’Information des Droits des Femmes), avec notamment Marie-Guite Dufay – qui devint plus tard présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté - dans la foulée de la nomination d’Yvette Roudy au Ministère des Droits des Femmes. Elle y fut formatrice de 1985 à 1989
En 1981 encore, elle participa à la création de l’entreprise SAFRAN qui a pour objet pour le retour à l’emploi et la réinsertion professionnelle des femmes, puis en 1984 de « Femmes Coup de Main » une association d’insertion.
À partir de 1988, et durant dix années, Paulette Guinchard assura des formations en milieu hospitalier dans le but d’humaniser la fonction hospitalière. Cette activité fut conduite dans le cadre du CREFI, un cabinet de conseil dirigé par son frère Paul, et en étroite collaboration avec lui.
Syndicalement, Paulette Guinchard était adhérente à la CFDT depuis sa fonction de vendeuse en librairie. Elle le resta jusqu’à la fin de sa vie, y compris à l’Union Locale des Retraités, sans s’être toutefois investie dans la structure de l’organisation.
Alors qu’elle était lycéenne, c’est tout naturellement qu’elle était entré au MRJC (Mouvement Rural de la Jeunesse Chrétienne), qui avait succédé à la JAC (Jeunesse Agricole Chrétienne) au début des années 60.
Ce fut ensuite l’UNEF et le PSU – qui fonctionnaient beaucoup ensemble - dont elle devint membre, dès 1969, après être passée par les ESU (Étudiants Socialistes Unifiés). La même année, elle participa à la campagne présidentielle de Michel Rocard. Rapidement elle prit des responsabilités à la MNEF, en présidant la caisse locale bisontine dès 1970.
Durant les années 1970, elle particip alors à toutes les batailles dans lesquelles le PSU était engagé, par exemple :
-  LIP où elle côtoya les Piaget et Vittot, et bien sûr les militantes femmes de l’entreprise.
-  La lutte contre le Canal à Grand Gabarit Rhin-Rhône.
-  Les droits des femmes, tant en participant à la création d’un groupe femmes au PSU qu’en s’engageant avec le MLAC (Mouvement pour la Libéralisation de l’Avortement et de la Contraception), le CICS (Centre d’Information sur la Contraception et la Sexualité) à Besançon
C’est en 1983, à l’âge de 34 ans, que Paulette Guinchard débuta une carrière politique dont elle n’aurait jamais imaginé le parcours.
Élue PSU sur la liste d’Union de la Gauche conduite par Robert Schwint (PS), Paulette Guinchard se vit confier la délégation d’adjointe à l’Environnement et à la Maîtrise de l’Energie. Le PSU tenait beaucoup à cette dernière partie de l’intitulé, engagé qu’il était, avec la CFDT, pour une politique énergétique alternative, avec la création en 1982 de l’AFME (Agence Française pour la Maîtrise de l’Energie) présidée par Michel Rolant ex-n°2 de la CFDT. La même année, Huguette Bouchardeau, qui avait été candidate PSU à la présidentielle de 1981, devint secrétaire d’État à l’Environnement, puis ministre en 1984. La même année, Paulette Guinchard fut candidate aux élections européennes sur la liste du PSU.
Paulette Guinchard entreprit alors une série de politiques municipales qui structurèrent durablement ce qu’est Besançon aujourd’hui, souvent bien avant que les politiques nationales se mettent en œuvre : la politique du bruit, avec une cartographie du bruit permettant d’objectiver les zones vulnérables afin d’y concentrer l’action publique, à commencer par les écoles et les cantines ; la politique de l’arbre, qui permit notamment de répertorier sur un Système d’Information Géographique tous les arbres d’alignement et des parcs urbains ainsi qu’une stratégie concrète de plantation ; la création du Jardin des Senteurs – pour les non-voyants ; la gestion des déchets avec la création d’une première déchetterie, d’une plateforme de compostage et l’optimisation de la production énergétique ; création de l’ASCOMADE (Association des Collectivités Comtoises pour la Maitrise des Déchets et de l’Environnement) qu’elle présidera ; la création de l’APIEU (Atelier Permanent d’Initiation à l’Environnement Urbain).
Dans le domaine de la maîtrise de l’énergie, Paulette Guinchard s’engagea résolument dans une politique très active avec notamment : le diagnostic thermique de tous les bâtiments communaux, avec programmes de travaux ; la mise en place d’une télégestion des chaufferies, unique en France à l’époque, qui aboutit à une baisse de 30 % des consommations ; le remplacement de toutes les chaudières au fioul (à l’époque, c’était par du gaz) ; la rénovation énergétique de l’habitat individuel et collectif avec l’Opération Marmotte dès 1985, qui visait dans un quartier à réaliser des diagnostics thermiques à grande échelle, avec un accompagnement en conseils pour les travaux, des partenariats avec les professionnels et les banques ; l’extension progressive du réseau de chaleur du quartier de Planoise, le seul en France (en dehors de Paris et ses égouts) qui bénéficie d’une galerie souterraine dans laquelle passent tous les réseaux ; la cogénération à la station d’épuration, puis à Planoise, une autre « première » ; et toute une série d’autres actions telles que « Voitures Propres » qui permettait de réaliser des diagnostics gratuits (bien avant l’obligation de contrôle technique).
Cet ensemble fut récompensé, en 1988, lorsque la Ville de Besançon reçut le Trophée National de la Maitrise de l’Énergie (catégorie collectivités locales) organisée pour la première fois par l’AFME. C’est ce qui permit aussi à la Ville de Besançon de réaliser un pari fou : initier un réseau de villes européennes pour la maîtrise de l’énergie, aujourd’hui Energy-Cities , qui réunit un millier de villes de 30 pays et a toujours son siège à Besançon. Le Réseau coordonne l’ensemble des plus de 10 000 villes engagées volontairement pour les objectifs climat-énergie de l’Union européenne au travers de la Convention des Maires .
Outre ses responsabilités municipales, Paulette Guinchard avait entamé, en 1986, un itinéraire d’élue régionale qui dura jusqu’en 1997, année où elle devint députée. Élue sur une liste PS, Paulette Guinchard était à l’époque dans la mouvance d’Huguette Bouchardeau*, élue députée du Doubs la même année. Ses deux mandats régionaux successifs se déroulèrent dans l’opposition. L’obstination à « faire » la conduisit à collaborer activement à des politiques qui lui tenaient à cœur : apprentissage et formation des jeunes, à la formation des salariés et des personnes en recherche d’emploi, dont naturellement les femmes. L’action de Paulette a été capitale pour la préparation, la mise en place et le développement de la Mission d’Information Régionale sur l’Exclusion (MIRE).
Après les élections municipales de 1989, Paulette Guinchard demeura adjointe. Robert Schwint lui confie la délégation aux Relations européennes, Agglomération, Jumelages.
La création du District Urbain de Besançon fut son œuvre municipale majeure. Besançon, est entourée de nombreux villages dont le plus important n’excède pas 3 000 habitants. Beaucoup de maires et de conseillers municipaux de petits villages voient la grande ville avec effroi, tout en bénéficiant de ses avantages. Besançon les regarde avec un brin de condescendance. Un certain scepticisme régnait. Paulette Guinchard s’engage alors dans des dizaines de rencontres et de réunions avec les conseils municipaux, pour informer, écouter, sentir, puis trouver des consensus. Le District fut créé en 1993 avec 38 communes. Il sera la première phase de ce qui deviendra en 2019 la Métropole de Grand Besançon Métropole, avec 68 communes.
Paulette Guinchard prit les relations internationales très à cœur, essentiellement dans deux directions :
Dès 1992, Paulette Guinchard, en tant que conseillère régionale, s’engagea dans une coopération décentralisée entre le Parc Naturel Régional du Haut-Jura et le Parc National Ivoirien du Mont-Sangbé. Cette coopération fut l’origine de la création de l’ARDECOD, l’Association Régionale pour le Développement de la Coopération Décentralisée regroupant une douzaine de communes franc-comtoises et l’équivalent de communes ivoiriennes, que Paulette Guinchard présida. Sous sa houlette, une coopération s’engagea entre la Ville de Besançon et la Ville de Man, de taille proche. Elle mobilisa les cadres municipaux pour apporter un appui institutionnel à la mairie de Man et réaliser des micro-chantiers à haute intensité de main d’œuvre (marché local, points déchets, etc.).
Elle put obtenir, grâce à son investissement, des moyens nationaux, canadiens et européens afin de créer un Fonds d’action de coopération pour la ville de Man, une première pour une commune ivoirienne, qui permis la réalisation d’infrastructures (mairie, accès à l’hôpital) et des actions avec les quartiers pauvres des communes avoisinantes.
La République de Côte-d’Ivoire l’éleva, en 1995 au grade de Chevalier du Mérite Ivoirien.
Elle soutint et dynamisa des actions humanitaires, à essence associative, avec la commune de Douroula au Burkina Faso.
Besançon avait été engagée dans l’opération « villages roumains » précédant la chute de Ceaucescu, avec le village de Parva, en Transylvanie. Paulette Guinchard pris à cœur de développer les relations avec la ville voisine de Bistrita, jusqu’à un jumelage officiel en 1997. S’appuyant sur une société civile motivée, des échanges extrêmement nombreux et approfondis se développèrent dans les domaines de la santé, la sylviculture, l’énergie, la culture, la formation des élus, etc. L’exemple même d’un jumelage réussi et d’une collaboration vertueuse entre l’association Franche-Sylvanie et la Ville de Besançon.
La CFDT régionale avait développé des échanges avec Solidarnosc de la région de Bielsko Biala, dans le sud de la Pologne, dès le début des années 1980, après l’état de guerre. Au printemps 1990, une large délégation de cette ville vint à Besançon durant deux semaines pour explorer des voies de coopération. C’est alors que, avec le concours de Paulette Guinchard, se construisit progressivement un programme d’échanges dans les domaines de la culture, de la santé, de la maîtrise de l’énergie, qui aboutit à une charte de Coopération en 1993, puis à un jumelage en 2000.
En 1996, un jumelage fut établi avec la ville russe de Tver, en Russie.
Paulette Guinchard fut à nouveau élue conseillère municipale en 1995, fonction qu’elle assura jusqu’en 2001. Elle poursuivit sa fonction d’adjointe au maire jusqu’à son élection en tant que députée en 1997. Elle n’abandonna pas pour autant ses préoccupations locales.
Paulette Guinchard initia l’inscription de Besançon au patrimoine mondial de l’UNESCO. Peu nombreux ceux qui, en 2002, prirent au sérieux le défi lancé par Paulette Guinchard. « Un pari fou » titrait la presse. Dès l’année suivante, la Ville de Besançon lance la réflexion sur l’inscription des sites majeurs de Vauban au patrimoine mondial de l’Unesco. Et le succès fut à la clé, en 2008.
Toujours dans le domaine du Patrimoine, Paulette Guinchard présida, de 2004 à 2008 le Syndicat Mixte des Maisons Comtoises, situé à Nancray, dans l’agglomération bisontine. Elle a su fédérer le Département et l’Agglomération avec l’appui de l’État, de la Région en lien avec l’association Folklore comtois afin d’assurer au Musée un avenir à sa hauteur.
En outre, de 2001 à 2008, Paulette Guinchard présida la toute jeune AUDAB (Agence d’Urbanisme du District de l’Agglomération Bisontine), succédant au maire, Robert Schwint.
Après la dissolution de l’Assemblée Nationale par Jacques Chirac, Paulette Guinchard crée la surprise en devenant députée (PS) en 1997, dans la 2ème circonscription du Doubs, laquelle, traditionnellement détenue par la droite, lui avait été consentie au titre des circonscriptions réservées à des femmes. Elle participe à la Commission en charge des Affaires Sociales et à celle en charge de l’Environnement.
Lionel Jospin lui confia un rapport sur la vieillesse qu’elle lui remit en 1999 sous le titre « Vieillir en France », après plusieurs mois de consultations et d’innombrables rencontres avec les acteurs du secteur. C’était quatre ans avant que la France « découvre » la solitude des personnes âgées à l’occasion de la sécheresse de 2003. Chose rare, en 2001 elle fut nommée par Lionel Jospin secrétaire d’État aux Personnes Âgées aux fins de traduire dans une loi les conclusions de son rapport. Elle occupa ce poste durant 14 mois, jusqu’en avril 2002, une période très courte qui lui laissa néanmoins le temps de créer l’APA (Aide Personnalisée à l’Autonomie) dont auront bénéficié des millions de personnes. Elle préféra toujours parler des « vieux » plutôt que des personnes âgées. De même, elle a toujours préféré parler « d’autonomie » plutôt que de dépendance, l’Aide Personnalisée à l’Autonomie succédant à la Prestation Dépendance.
En 2002, dans des circonstances politiques difficiles, elle fut réélue dans sa circonscription. Elle fut même la seule députée de gauche en Franche-Comté. Alors dans l’opposition, son rôle fut moins important bien qu’elle devienne, jusqu’en 2005, vice-présidente de l’Assemblée Nationale, fonction partagée avec Hélène Mignon, députée de Haute-Garonne.
Durant ses deux mandats de députée, elle participa à une série de commissions spéciales où elle pouvait apporter son expertise : lutte contre l’exclusion, droits des malades et fin de vie, assurance maladie ainsi qu’à la Commission d’enquête sur les conséquences sanitaires et sociales de la canicule de 2003. Peu de députés avaient une telle expérience de terrain.
En 2007, sentant sa maladie neurologique – congénitale - se manifester, elle décideade ne pas se représenter.
Paulette Guinchard avait publié en 2006, « Mieux Vivre la Vieillesse », un ouvrage réalisé en collaboration avec Marie-Thérèse Renaud, journaliste à l’Est Républicain.
Dans la continuité de ses précédentes fonctions ministérielles, Paulette Guinchard assura la présidence de la CNSA (Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie) de 2013 à 2017, après avoir été nommée en 2013 à la tête de la Fondation de Gérontologie.
Elle attacha une grande importance à toutes celles et ceux en situation d’aider les personnes en perte d’autonomie, dans la logique qui l’a toujours animée : traiter un sujet dans sa complexité et de « faire système ».
Paulette Guinchard est officier de l’Ordre National du Mérite. Elle a été élevée au rang d’officier de la Légion d’Honneur le 14 avril 2017, lors d’une cérémonie présidée par François Hollande.
Diminuée par la maladie qui lui fit perdre progressivement une grande partie de ses capacités physiques, sentant que la parole allait à son tour totalement disparaître, Paulette Guinchard se résolut au suicide assisté dans la Suisse voisine, elle qui avait défendu avec vigueur le loi Léonetti-Claeys sur la fin de vie. Elle nous quitta le 4 mars 2021. Un hommage lui a été rendu le 13 novembre 2021 à Besançon.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article244197, notice GUINCHARD Paulette par Gérard Magnin, version mise en ligne le 7 décembre 2021, dernière modification le 7 décembre 2021.

Par Gérard Magnin

Photo : Ludovic Laude

SOURCES : Mémoire de l’auteur (Gérard Magnin) et de ses proches. — Témoignages de plusieurs compagnons de route de Paulette Guinchard et de son mari, Denis Pagnier. — Diverses informations issues des institutions et organismes où Paulette Guinchard a exercé. — Catherine Eme-Ziri : Paulette Guinchard-Kunstler : Les Victoires d’une « pas gagnable », Éditions Tigibus, 2003. — Un site internet [https://pauletteguinchard.com/] lui est dédié.

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