DELESTRE Marcel

Par Jacques Defortescu

Né le 3 janvier 1931 à Dieppe (Seine-Inférieure, Seine-Maritime), mort le 9 janvier 2013 à Grand-Quevilly (Seine-Maritime) ; dessinateur puis contremaitre ; militant CGT ; membre de l’Action catholique ouvrière (ACO).

Marcel Delestre au centre en 1962 aux Chantiers de Normandie (Photo A. D)

La mère de Marcel Delstre, Henriette Delestre, était domestique dans une famille bourgeoise à Auffay (Seine-Inférieure, Seine-Maritime) au cœur du pays de Caux ; elle eut une fille, Thérèse, qui naquit en 1928. Sa mère, fille mère, fut abandonnée après la naissance de Marcel. Mère courage, dans un périple difficile, elle retrouva un compagnon, Émile Alleaume à Petit-Couronne (Seine-Inférieure, Seine-Maritime). Une sœur, Micheline, naquit en 1937. Son compagnon, mobilisé, fut fait prisonnier de guerre et ne rentra qu’en 1945. En juin 1940, lors de l’exode, Henriette et ses trois enfants partirent vers Paimpol (Côtes-d’Armor), puis retournèrent à Petit-Couronne. En 1943, sa sœur aînée, Thérèse, mourut de maladie. En 1949, Émile Alleaume mourut d’un accident du travail, noyé dans la Seine. Marcel Delestre vécut son enfance à Petit-Couronne.

Apprenti aux Chantiers de Normandie de Grand-Quevilly, après la réussite du CAP, il fut embauché comme traceur de coques au bureau d’études. Il obtint un sursis d’un an comme soutien de famille. D’octobre 1951 à avril 1953, il fit son service militaire au 3ème Régiment des spahis algériens, affecté à la reconnaissance à Fritzlard en Allemagne de l’Ouest.

Marcel Delestre se maria en juin 1954 avec Lucile Antoine et le couple s’établit à Rouen, dans un logement précaire. En 1956, avec l’aide du Foyer Quevillais, ils acquérirent un pavillon à Grand-Quevilly, rue Léon Jouhaux. Ils eurent quatre enfants : André en 1955, Chantal en 1956, Sylvie en 1959 et Luc en 1960.

Syndiqué à la CGT, élu du personnel, Marcel Delestre combattit les réductions d’activités et les graves conséquences sur l’emploi et les savoir-faire. Il fit partie des délégations syndicales reçues au ministère. De 1960 à 1965, les chantiers perdirent près de 1 000 emplois. En mars 1963, lors de la grève des mineurs, il participa à la solidarité ouvrière, en proposant d’accueillir un enfant. Victor, 8 ans, vint vivre dans la famille le temps de la lutte. En 1965, Marcel Delestre fut licencié avec 625 de ses camarades, prémices de la disparition de la construction des grands navires en Seine. Alors délégué du personnel, donc « protégé », il tint à être sur la liste des licenciés. Il travailla successivement dans plusieurs entreprises de la métallurgie à l’Union maritime de Rouen, comme chaudronnier à Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime), puis deux ans à Romilly- sur-Andelle (Eure), et trois ans aux chantiers navals du Trait (Seine-Maritime). Il vécut la grève de mai-juin 1968 par procuration, en solidarité avec ses camarades restés aux Chantiers de Normandie, ceux du quartier et les militants de l’ ACO. En 1970, il fut embauché comme contremaitre à l’Union Normande à Sotteville-lès-Rouen, entreprise de construction et de maintenance des péniches. Ne pouvant se syndiquer, il contribua malgré tout à constituer une section syndicale CGT. L’activité baissant drastiquement, l’entreprise fut liquidée. En 1978, il fut embauché à Rhône-Poulenc industries à Grand-Quevilly comme chef d’atelier à la maintenance mécanique. En 1987, à l’âge de 56 ans, il fut mis en préretraite dans une « charrette » de 80 salariés de l’usine.

L’instabilité professionnelle le marqua alors profondément. Il avait reprit sa carte CGT et fut toujours attentif à l’action collective et citoyenne pour améliorer la condition ouvrière. Lors de son départ, il convia ses collègues de l’atelier autour d’un pot mais refusa la présence des dirigeants de l’entreprise. Il vécut douloureusement la mort de ses anciens collègues des Chantiers, victimes de l’amiante.

Le couple fut engagé dans les années 1950, dans l’Action catholique ouvrière naissante sur Rouen puis à Grand-Quevilly, en lien avec les Fils de la Charité implantés dans la paroisse, les prêtres ouvriers, Paul Tabary, Olivier Noyer et des aumôniers, Roger Chabrel, Pierre Panchout du diocèse de Rouen, tous très engagés vers le monde ouvrier. Ils en furent les pionniers avec d’autres laïques, notamment Malazdra, Guersent, Vauchel, Blanguernon, Letron, Chesney, Valognes, Muller, Raout, Lepert, Youinou. Tous des hommes qui travaillaient dans l’industrie et étaient en responsabilités syndicales à la CGT, à la CFTC devenu CFDT en 1964. Les femmes étaient engagées dans les associations de quartier. En 1970, le couple s’éloigna de l’ACO mais ils restèrent en lien étroit avec la Mission ouvrière.
Marcel Delestre côtoya, comme grand nombre de chrétiens de gauche, « l’autre gauche », le PSU et son évolution lors des Assises du socialisme.

À la retraite, le couple acquit une caravane, installée sur le camping municipal de Saint-Aubin-sur-Mer (Seine-Maritime). Ce fut un lieu d’accueil et de partage avec la famille, les amis et camarades autour des activités de pêche, promenade, découvertes. Il entretint un jardin potager situé en zone portuaire de Rouen, à Petit-Couronne, qu’il fut contraint d’abandonner en 2005 pour une extension de l’activité du port autonome de Rouen.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article244241, notice DELESTRE Marcel par Jacques Defortescu, version mise en ligne le 12 décembre 2021, dernière modification le 15 décembre 2021.

Par Jacques Defortescu

Marcel Delestre au centre en 1962 aux Chantiers de Normandie (Photo A. D)

SOURCES : Michel Croguennec, 1893-1987, les chantiers de Normandie, Éditions Gecko-Petit à Petit. — Archives familiales ; entretiens avec Marcel Delestre et ses enfants.

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