CAMAGNE Alain, Henri

Par Pierre Alanche

Né le 3 octobre 1946 à Sainte-Colombe (Rhône) ; ouvrier, technicien dessinateur dans l’industrie automobile ; militant JOC, ACO, militant associatif ; militant CFDT, élu DP, CE, membre du bureau du syndicat BERLIET et SMSEL-CFDT, permanent FGMM-CFDT PACA-CORSE ; militant PSU, PS.

Alain Camagne
Alain Camagne

Alain Camagne naquit dans une famille ouvrière de Vienne (Isère). Son père, Marcel Camagne (1912-1973) et sa mère, Alice Groleat (1915-1976) avaient eu un premier fils, Alain Joseph, né en octobre 1944 et décédé en décembre de la même année. Tous les deux étaient ouvriers dans la même entreprise du secteur textile, Pascal Valluit à Vienne, qui licencia l’ensemble de son personnel en 1967. Son père retrouva une activité professionnelle, toujours dans le textile, à Vienne, d’abord dans l’entreprise Tissandier, jusqu’à sa fermeture, puis dans l’entreprise Denolly. Sa mère exerça des emplois à temps partiel, comme femme de ménage. Ils étaient catholiques, pratiquants irréguliers, attachés à la laïcité. Alain Camagne fit sa scolarité primaire à l’école Jean Jaurès à Vienne, de 1952 à 1960, où il y obtint le certificat d’Etudes Primaires. Il poursuivit ses études secondaires au Collège d’Enseignement Technique Galilée à Vienne, de 1960 à 1963 où il obtint le CAP de tourneur.
Il entra en contact avec la Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC), en 1960, pendant ses études secondaires. Sous la conduite de deux prêtres de Vienne, Félix de Pélissière et Louis Bourdat, il s’appropria la démarche de la JOC, la révision de vie, voir-juger-agir, qui lui servit de socle tout au long de sa vie. Il milita d’abord dans la catégorie des jeunes en école puis chez les ainés. Il devint un des responsables fédéraux et participa au quarantième anniversaire de la JOC, en juillet 1967, au Parc des Princes à Paris, avec plusieurs dizaines de milliers d’autres jeunes travailleurs. Il milita ensuite à l’Action Catholique Ouvrière de 1969 à 1991.
Durant les premières années de sa vie professionnelle, il changea souvent d’entreprise cherchant un emploi intéressant et permettant son autonomie financière. Il débuta comme ébarbeur, en juillet 1963, dans une entreprise de construction mécanique d’une trentaine de salariés, Novat et Bey, à Vienne. D’août 1963 à décembre 1964, il travailla comme tourneur, toujours dans la même ville, chez FOC et Wenger, autre petite entreprise de construction mécanique. Ayant obtenu un CAP de dessinateur en 1965, en suivant les cours du soir et du samedi matin au Lycée d’Enseignement Technique Galilée à Vienne, il évolua du poste de tourneur à celui de dessinateur. Il fit son service militaire de janvier 1966 à mai 1967, au 13ème régiment du génie à Trêves en Allemagne, et le termina avec le grade de caporal-chef. A son retour, il fut embauché comme régleur chez Paris-Rhône, à Lyon (Rhône), une entreprise de construction électrique, de quatre cent salariés, qui devint ensuite Valéo ; il y travailla de mai à juin 1967 puis rejoignit un bureau d’études de six salariés, Manu Méca, à Sainte-Colombe (Rhône), où il demeura jusqu’en février 1968. En mars 1968, il revint chez Paris-Rhône. En mai 1968, avec quelques collègues techniciens et dessinateurs, il participa à la grève, avec occupation des locaux, alors qu’aucune organisation syndicale n’existait dans l’entreprise pour le second collège. A la suite de ces évènements, il fut incité à quitter l’entreprise. En septembre 68, il fut embauché chez Berliet, à St Priest (Rhône) comme technicien-dessinateur. Berliet, entreprise emblématique de la région lyonnaise de fabrication de poids lourds (camions, autobus, autocars, trolleybus et autres produits spécifiques comme des groupes électrogènes), comportait une cinquantaine d’établissements situés en France, en Algérie, en Chine, à Cuba et au Maroc, d’un effectif total de vingt et un mille salariés. Neuf établissements de fabrications et d’études étaient implantés dans la région Rhône Alpes, notamment à Vénissieux avec douze mille salariés. L’entreprise avait vécu une expérience originale à la Libération, son PDG et actionnaire principal Marius Berliet et ses fils, furent emprisonnés pour actes de nature à nuire à la défense nationale. Le commissaire de la République plaça l’entreprise sous séquestre et nomma un administrateur provisoire, Marcel Mosnier, militant actif du parti communiste, qui impulsa une expérience de gestion ouvrière. Elle se traduisit par un fort développement de la CGT et par des droits syndicaux supérieurs à la loi (contingent d’heures de délégation, bourses d’études, nombre de représentants syndicaux). L’expérience ne dura pas, contestée de l’intérieur par une grève des cadres et techniciens et par Marius Berliet. Ce dernier obtint l’annulation de la confiscation de ses biens. La société fut rendue à ses actionnaires et reprit la forme d’une société anonyme en août 1949. Embauché dans le centre d’études de Saint-Priest, composé pour l’essentiel de salariés ingénieurs, techniciens, dessinateurs et ouvriers hautement qualifiés avec une CFDT majoritaire, Alain Camagne adhéra à cette organisation le 1er janvier 1969 et prit rapidement des responsabilités ; élu délégué du personnel en novembre 1969, il le demeura jusqu’en novembre 1976. Il fut désigné ensuite délégué syndical central de novembre 1976 à mai 1985.
L’entreprise connut alors une situation sociale tendue, consécutive de la grève de 68. Le mouvement se termina par un accord signé par la seule CFDT, dans la nuit du 17 au 18 juin. Il prévoyait une augmentation des salaires de 10% pour tous, une réduction de la durée du travail d’une demi-heure par semaine, un abaissement de l’âge de la retraite à 63 ans, l’alignement progressif des statuts ouvriers et mensuels sur celui des cadres, l’attribution de six heures d’information des salariés par les organisations syndicales. La CFDT sortit renforcée de la grève. Les divergences avec la CGT s’exacerbèrent alors, sur l’attitude à adopter par rapport aux groupes d’extrême gauche, sur les revendications salariales, la CFDT revendiquant des augmentations uniformes. L’idée d’autogestion souleva l’opposition de la CGT qui souffrit de voir son hégémonie remise en cause par l’influence croissante de la CFDT dans l’établissement historique de Vénissieux, et en particulier, son développement chez les jeunes embauchés. De 1970 à 1975, les organisations syndicales multiplièrent les actions pour concrétiser et améliorer les résultats obtenus. La direction, au contraire, sous l’autorité de Paul Berliet, adversaire notoire du syndicalisme, tenta de remettre en cause ces acquis. Tous les moyens furent mis en œuvre : limitation de l’action des élus et des militants, tentative d’implantation de la Confédération française du travail (CFT), suppression des heures d’information syndicales. En 1972, après neuf semaines d’affrontements intenses avec les organisations syndicales (avec des licenciements, des manœuvres d’intimidation, des lock-out d’ateliers et la dénonciation des accords d’entreprise). la direction engagea une action en justice contre neuf délégués syndicaux, dont quatre de la CFDT, pour avoir organisé des manifestations à l’intérieur de l’établissement de Vénissieux. Pour la première fois, la loi anticasseurs, votée en juin 1970, fut utilisée contre des délégués syndicaux. Le 27 novembre, jour de l’audience au tribunal, à l’appel des unions départementales CFDT et CGT, avec le soutien des partis de gauche, de la FEN et de la Ligue des Droits de l’Homme, une manifestation de protestation rassembla près de 20 000 personnes à Lyon. L’audience fut finalement reportée au 18 décembre. Il fallut l’intervention d’Edgar Faure, ministre des affaires sociales, pour contraindre Paul Berliet à retirer sa plainte. Un procès-verbal de la commission de conciliation demanda aux parties de déterminer ensemble les sujets à négocier. La direction maintint sa dénonciation des accords qui devint effective en novembre 1973, supprima une partie des moyens accordés aux organisations syndicales. Elle demanda en particulier aux militants occupant des postes de permanents syndicaux dans l’entreprise de retourner à leur poste de travail. Le 19 novembre, la CFDT fit le choix de maintenir Michel Lenoir, dans sa fonction de permanent. Pourtant, le 21 décembre, la direction licencia Michel Lenoir, pour refus de retour à son emploi précédent. La CFDT en appela à l’opinion publique en diffusant en décembre 1973 un dossier d’une quarantaine de pages, dénonçant l’escalade de la violence patronale, l’atteinte aux droits des travailleurs ainsi qu’une édition spéciale « Berliet – Liberté », destinée à la population lyonnaise, tirée à quatre-vingt mille exemplaires. Renault prit le contrôle de Berliet en 1975 et fusionna cette entreprise avec sa filiale poids lourds Saviem pour donner naissance à Renault Véhicules Industriels (RVI) en 1978. De 1971 à 1978, Alain Camagne suivit toute l’action juridique menée par la CFDT pour contester la remise en cause des droits syndicaux et le licenciement de Michel Lenoir ainsi que la négociation du nouvel accord sur le droit syndical applicable dans la nouvelle entreprise Renault Véhicules Industriels (RVI).
La CFDT mit en place une « Inter CFDT » chargée de la liaison entre l’ensemble des sections syndicales du groupe RVI et de la coordination de leur action au niveau central. Jusqu’en 1985, en qualité de délégué syndical central CFDT, Alain Camagne anima cette structure dont l’action porta principalement sur les conséquences sociales de la restructuration de l’entreprise. Les salariés furent représentés au conseil d’administration de RVI, le premier élu CFDT fut André Desbos.
Alain Camagne fut membre du bureau et du conseil du syndicat métaux de septembre 1972 à mai 1985. Initialement ce syndicat était le syndicat Berliet, composé de l’ensemble des sections des établissements Berliet situés dans les départements du Rhône, de l’Ain et de la Loire. Au 1er janvier 1978, le syndicat Berliet fut dissous et ses sections furent rattachées à différents syndicats géographiques de la région lyonnaise ainsi qu’à des syndicats de l’Ain pour l’établissement de Bourg en Bresse et de la Loire pour l’établissement d’Andrézieux-Bouthéon. Au 1er janvier 1990, fut créé, pour la région lyonnaise, le Syndicat Métallurgie de l’Agglomération Lyonnaise (SYMETAL) qui devint le Syndicat Métallurgie du Rhône le 1er janvier 2000.De nombreux conflits dans la métallurgie du Rhône éclatèrent au début des années 70 : CGEE Alsthom à Villeurbanne et Villefranche, Ciapem Brandt dans le VIIème arrondissement de Lyon (Gerland), Paris-Rhône avec une obstruction à la mise en place d’une section CFDT, la CGT étant seule présente chez les ouvriers. Teppaz, à Craponne, connut une occupation de 36 mois en deux périodes de 1975 à 1978.
Au niveau de la fédération des mines et de la métallurgie, Alain Camagne fut membre du conseil fédéral et de la commission fédérale internationale de 1981 à 1991, du conseil de la branche automobiles de 1972 à 1985, du groupe de travail automobile de la Fédération européenne de la métallurgie (FEM) de 1981 à 1985 et participa à de nombreuses rencontres internationales avec la délégation de la Fédération Générale de la Métallurgie (FGM CFDT, puis à partir de 1984, FGMM-CFDT), en Suède en janvier 1980 et juillet 2000, en Pologne en novembre 1981, en Algérie en avril 1983, en Italie en juin 1983 et juillet 1998, au Chili en avril et mai 1987. Il participa également à un séminaire Européen qui se déroula en trois sessions, en septembre 1999 à Strasbourg, en octobre 1999 à Stuttgart (Allemagne), en mars 2000 à Madrid (Espagne). Ce séminaire était organisé par l’Université Européenne du Travail, créée en 1999, à l’initiative de différents acteurs mobilisés pour donner corps au projet social européen porté par Jacques Delors lors de sa présidence de la Commission Européenne de 1985 à 1994.
Au niveau interprofessionnel, Alain Camagne fut membre du conseil de l’union locale de Vienne (Isère) de 1969 à 1985 et du conseil de l’union départementale du Rhône de 1977 à 1985.
En juin 1985, à la demande de la FGMM-CFDT alors dirigée par Georges Granger, il fut détaché de son entreprise, comme le prévoyait l’accord sur le droit syndical, comme permanent de l’union mines métaux pour la région PACA-Corse. Sa mission inclut le suivi des syndicats et sections syndicales des grandes entreprises (Solmer à Fos, Chantiers navals de La Seyne et La Ciotat, Commissariat à l’énergie atomique (CEA) de Cadarache, mines de Gardanne, Aérospatiale à Marignane et à Cannes …), l’organisation et le développement des sections des petites entreprises, principalement dans les départements du Vaucluse, des Hautes-Alpes et des Alpes-de-Haute-Provence, la réorganisation des syndicats existants en syndicats départementaux de la métallurgie dans le Vaucluse, le Var, les Alpes-Maritimes, les Hautes-Alpes et les Alpes-de-Haute-Provence. A la fin de son détachement, il réintégra son établissement d’origine à Saint-Priest.
Sur le plan professionnel, il fut responsable de la planification et du suivi des projets, ce poste impliquait un travail relationnel très important avec différents services de l’entreprise, ainsi que de nombreux déplacements en France, en Espagne et en Suède. En parallèle, il poursuivit ses activités syndicales : élu délégué du personnel de novembre 1992 à novembre 1994, désigné représentant syndical au comité central d’entreprise de Renault Véhicules Industriels de novembre 1994 à novembre 1996 et élu administrateur salarié de novembre 1996 à septembre 2002. Il fut également impliqué dans les actions internationales de la FGMM et du groupe Renault.
Il cessa son activité professionnelle en décembre 2002, dans le cadre d’un plan de départs de l’entreprise à 56 ans. Adhérent de l’union territoriale des retraités CFDT de l’Isère de 2004 à ce jour, membre du bureau de l’union locale des retraités CFDT de Vienne, de 2004 à 2014, il resta très actif pour la CFDT. Il fut administrateur de la caisse de retraite complémentaire Altéa, du groupe Humanis, de 2003 à 2010. Il représenta l’union départementale CFDT de l’Isère dans de nombreux organismes : Contrat Territorial Emploi Formation Isère (CTEF) de juin 2008 à décembre 2016, Coordination Territoriale d’Insertion Isère Rhodanienne de juin 2008 à octobre 2013, Comité Local de Développement Rhône Pluriel de mars 2011 à décembre 2016. Il représenta également la CFDT Rhône Alpes au Projet INSPIRA (projet de création d’un espace industriel, situé sur deux communes de la vallée du Rhône, piloté par l’Etat, avec des partenaires régionaux), d’avril 2012 à janvier 2017, et au GPRA (Grand Projet Rhône Alpes) Rhône Médian d’avril 2012 à décembre 2016.

Il adhéra au PSU de 1970 à 1974. Secrétaire de la section de Vienne (Isère), il participa aux « Assises du Socialisme » à Paris en octobre 1974 et entra au parti socialiste, devenant membre du conseil fédéral du PS de l’Isère, représentant le courant des Assises de 1974 à 1975, membre de la section d’entreprise de 1974 à 1978. Il fut candidat (non élu) sur la liste d’union de la gauche, écologiste et solidaire aux élections municipales de 2020 à Vienne.
Alain Camagne fut un militant associatif actif, participant à l’association de son quartier de 1969 à 1991, à l’association Agir en citoyen de 1993 à 1998. Il participa également à une association de solidarité aux réfugiés chiliens, association qui se développa au sein de l’entreprise Berliet, avec des militants CFDT travaillant dans l’entreprise et revenus du Chili quelques jours avant le coup d’état de septembre 1973. Des débats furent organisés dans la région lyonnaise, débats se terminant par des collectes qui ont permis, en liaison avec une personne restée au Chili, bien informée et engagée, de développer l’accueil de militants chiliens, en grand danger dans leur pays : aides aux démarches administratives, accueil des familles, recherche de logements et d’emplois.
Il poursuivit et développa ses actions associatives : administrateur d’un Centre Social de Vénissieux de 2005 à 2008, de celui d’un quartier de Vienne de 2012 à 2018, membre d’un conseil syndical de copropriétaires depuis mars 2013, administrateur de l’Association France Victimes 38 de Vienne depuis mai 2019, membre de l’association solidarité aux réfugiés syriens et irakiens depuis 2017.

Il épousa Monique Contamin le 06 septembre 1969 à Vienne et divorça le 08/09/1999. Il eut deux enfants Aude née le 21 mars 1971 et Sylvaine née le 30 avril 1978.
Depuis sa naissance il a toujours résidé dans le quartier d’Estressin à Vienne.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article244421, notice CAMAGNE Alain, Henri par Pierre Alanche, version mise en ligne le 20 décembre 2021, dernière modification le 29 décembre 2021.

Par Pierre Alanche

Alain Camagne
Alain Camagne
Alain Camagne avec Lech Walesa à Varsovie le 12 novembre 1981
Alain Camagne avec Lech Walesa à Varsovie le 12 novembre 1981
Manifestation européenne pour l'emploi, Paris, 10 juin 1997
Manifestation européenne pour l’emploi, Paris, 10 juin 1997

ŒUVRE : Les mémoires de Pascal Valluit, Centre Social de Vienne Estressin, septembre 2010. — Dans la foulée de mai - juin 68, les luttes des années 70, UD CFDT du Rhône, avril 2017. — Des traces d’Estress, Centre Social de Vienne Estressin, décembre 2017. — Transformer le travail, transformer la société ?, Chronique Sociale, mai 2018.

SOURCES : Journal Renault Véhicules Industriels, novembre 2000. — Terre et Ciel, journal de la Paroisse de Sainte-Blandine-des-Deux-vallées, 7 décembre 2019. — Entretiens avec Pierre Alanche en janvier 2021.

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