BASS Joseph, Georges alias André dans la résistance

Par Eric Panthou

Né le 22 mai 1908 à Grodno (Lituanie, aujourd’hui Biélorussie), mort le 15 mars 1970 à Paris ; résistant juif, fondateur du Service André, réseau de sauvetage des Juifs, officier des Francs-tireurs et partisans (FTP) de la Haute-Loire, chargé du Travail Allemand (TA).

Joseph Bass lors de la Libération du Puy

Né en Lithuanie dans une famille juive, il fit ses études secondaires à Saint-Pétersbourg, puis fut envoyé par sa mère, à l’âge de 16 ans, chez la sœur de celle-ci à Paris. Arrivé à Paris, il vit dans une chambre de bonne sans électricité. Il travaille comme débardeur aux Halles, apprend seul le français et passe le baccalauréat. Puis il fait en même temps des études d’ingénieur et des études de Droit – et cela tout en travaillant en usine, chez Thomson, pour gagner sa vie. Conseil juridique, il dirige à Paris, avant la guerre, un bureau de brevets en propriété industrielle. Engagé volontaire, puis réfugié à Lyon, il est interné au camp du Vernet (Ariège) en qualité de citoyen soviétique, en juin 1941. Il s’en évade et rejoint à Marseille le groupe de résistants du musée de l’Homme.
Il interacte avec Léon Poliakov et le grand-rabbin Schneour Zalman Schneersohn qui dirige un home d’enfants. Il devient leur professeur de dessin industriel dans un internat de la communauté juive à Marseille. Avec l’occupation de Marseille par les Allemands et le début des rafles, Joseph Bass crée le "Service André". Il cherche des cachettes hors de la ville, fabrique des faux-papiers, accompagne jusqu’à la frontière ceux qui essaient de rejoindre l’Espagne. Il utilise ses propres fonds jusqu’à sa rencontre avec Maurice Brenner représentant l’American Jewish Joint Distribution Committee (Joint) de France qui décide de financer son action. Il est en contact avec le grand-rabbin René Hirschler, Angelo Donati, le grand-rabbin de Marseille Israël Salzer, le Père Marie-Benoît, le Père Bremond, jésuite à Nice, le pasteur Marcel Heuzé, de Marseille, le prieur du monastère dominicain Père de Perceval, son collègue, le frère Marcolin, Alfred Daumas.
En automne 1942, Joseph Bass rencontre le pasteur Roland Leenhardt (reconnu comme Juste parmi les nations en 1991) et le pasteur Jean-Severin Lemaire qui lui parlent du Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire). Il prend contact avec le pasteur André Trocmé (reconnu comme Juste parmi les nations avec son épouse Magda Trocmé en 1984) et coordonne une filière pour amener des centaines de Juifs et les cacher sur le plateau du Chambon.
Après l’armistice de Cassibile, signé secrètement le 3 septembre 1943 à Cassibile, un village proche de Syracuse en Sicile, entre le royaume d’Italie et les forces alliées, et le départ de l’armée italienne, Joseph Bass s’installe aux environs de Saint-Etienne, dans l’Auberge des Musiciens. Il engage une résistante non-juive, Hermine Orsi, qui a sauvé 45 enfants restés seuls après l’arrestation du pasteur Daniel Trocmé, neveu d’André Trocmé, arrêté et déporté. Les activités de Léon Poliakov au sein du « Réseau André d’action contre la déportation » dirigé par Joseph Bass consistent principalement à fabriquer des faux papiers, à convoyer des Juifs en danger de la zone sud vers le plateau protestant du Chambon-sur-Lignon pour les mettre en sécurité et à transporter des armes vers les maquis juifs actifs sur le plateau auvergnat.
Il fait venir le grand-rabbin Schneour Zalman Schneersohn et ses élèves dans la région de Saint-Étienne pour les mettre à l’abri des arrestations et de la déportation.
À Nice, il y a l’équipe "Sixième"-"Education physique" (du mouvement des Jeunesses sionistes, MJS) et d’autres équipes dont le "Service André" fondé par Joseph Bass.
Durant l’hiver 1943-1944, Joseph Bass prend contact avec Lucien Lublin de l’Armée juive afin de créer un maquis au Chambon. L’entraînement a lieu à Chaumargais.

Joseph Bass a été un officier du Comité militaire départemental des FTP de la Haute-Loire. Il figure sur les listes des membres du 351éme Bataillon FTP de la haute-Loire avec le grade de lieutenant
Il a agi dès 1943 auprès des soldats russes, ukrainiens, Tartars, anciens prisonniers de guerre russes incorporés de force dans l’armée allemande.
Plusieurs ont à la suite de ses actions, opéré une désertion pour, après être passés par un maquis spécial, former le 352e bataillon FTPF. Joseph Bass devint membre du triangle de commandement de ce bataillon et délégué du commandement français ; leur commandant, commissaire aux opérations et membre du triangle lui aussi, était un des leurs.
Selon le témoignage du sous-lieutenant René Gibert alias Gringoire, membre du Groupe Lafayette, des MUR, Joseph Bass, alias André, a joué un rôle important lors de l’insurrection de la Ville du Puy-en-Velay, qui a commencé le 18 août 1944.
Bass était un officier FTP spécialement chargé depuis le mois de novembre 1943 sur le plan régional d’actions parmi les soldats de l’armée allemande et qui parlait couramment le russe et l’allemand.
Il a convenu ce 18 août avec le sous-lieutenant Gibert, d’utiliser sa voiture munie d’un haut-parleur pour s’adresser en russe et allemand aux troupes afin de les inviter à la reddition. Il avait édité et propagé des tracts, avait établi des contacts avec les troupes de Tartares incorporés dans l’armée allemande. Bass avait à ses côtés l’officier soviétique Grigro Ritva alias Gregor, fait prisonnier par les Allemands en 1941, évadé et membre du maquis d’Yssingeaux depuis avril 1944 où il travailla avec Bass au passage au maquis des soldats Tartares. Il y avait aussi le jeune Claude Spiero, résistant juif du réseau André.
Selon Gibert, Bass fit preuve d’une grande audace pour parvenir à cette reddition tant le rapport de forces était à l’avantage des Allemands et de leurs supplétifs Tartares ou miliciens.
Le 28 août, Gibert fut sollicité par le commandant Ollier dit Ravel, chef militaire des FTP de l’Ardèche, pour les aider dans ses opérations d’arrestations d’Allemands et étrangers fuyant l’Ardèche vers la vallée du Rhône.
Gibert fut de nouveau accompagné de Joseph Bass et de l’officier soviétique Ritva dans leur mission en direction de Privas. Sur ordre de Bass, plusieurs volontaires parmi d’anciens prisonniers russes revêtirent des uniformes allemands pour s’infiltrer dans les lignes ennemies pour inciter leurs compatriotes à déposer les armes.
Peu après, grâce à l’intervention de Bass et de Ritva, le groupe parvient à la dislocation d’une colonne allemande composée essentiellement de Russes et Tartares. Peu après, c’est la reddition de 4 000 hommes selon le rapport de Gibert.

Après guerre, Joseph Bass eut du mal à se faire reconnaître Combattant volontaire de la Résistance auprès de la Commission des FFI de la haute-Loire en raison de l’hostilité de l’hostilité de deux de ses membres.
Ceci entraina l’intervention écrite d’Yves Tibérat, chef départemental des FTP de la Loire, pour défendre ce dossier mais aussi celui de Claude Spiero, ancien officier FTP du 43.
Joseph Bass a reçu la Légion d’honneur à titre militaire, la croix de guerre avec palmes, la médaille de la Résistance. Il a été reconnu FFI.

Après la guerre, Joseph Bass a repris son travail de conseil juridique à Paris. Il y est décédé le 15 mars 1970.
Sa principale assistante dans le "Service André", Denise Siekierski, écrit à son propos : "Joseph Bass a été un homme seul, qui, à lui seul, a créé un réseau de Résistance. Et j’ai pu constater que cet exemple, rarissime dans les annales de la Résistance française et certainement unique dans celles de la Résistance juive en France, a fasciné tous les historiens, juifs ou non-juifs, qui se sont penchés sur cette histoire."

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article244539, notice BASS Joseph, Georges alias André dans la résistance par Eric Panthou, version mise en ligne le 29 décembre 2021, dernière modification le 8 août 2022.

Par Eric Panthou

Joseph Bass lors de la Libération du Puy

SOURCES : SHD Vincennes, GR 19 P 43/21 : effectifs nominatifs des officiers du 351éme Bataillon FTP. — SHD Vincennes GR 16 P 36695 et GR P 28 4 442 48, dossiers résistant Joseph Bass (nc). — SHD Vincennes, GR 19 P 43/1 : dossier général. — SHD Vincennes, GR 19 P 43/6 MUR : Groupe Lafayette. Témoignage du sous-lieutenant René Gibert alias Gringoire, le 31 octobre 1946. — Page Wikipédia Joseph Bass. — La résistance juive. Les filières de sauvetage : Le réseau André. mémorial de la Shoah. — Siekierski Denise, Loinger Georges, « Joseph Bass », Revue d’Histoire de la Shoah, 2000/1 (N° 168), p. 140-174.. — Israël Gutman (sous la direction), Dictionnaire des Justes de France, Yad Vashem, Jérusalem, Fayard, Paris, 2003.

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