SCHWAGER Irma, née WIESELBERG Irma

Par Chloé Maurel

Née le 31 mai 1920 à Vienne (Autriche), morte le 22 juin 2015 à Vienne ; étudiante puis permanente ; militante communiste et résistante antifasciste autrichienne ; résistante en France (MOI, TA) puis en Belgique (Front national autrichien) ; secrétaire à la direction centrale de l’Association des femmes démocratiques d’Autriche (Bund Demokratischer Frauen Österreichs, BDFÖ), puis sa présidente à partir de 1972 ; membre du Comité central puis du Bureau politique du KPÖ.

Irma Wieselberg dans sa jeunesse, détail de l’affiche du film Irma et Irma

Irma Wieselberg était issue d’une famille viennoise juive, ses parents, qui tenaient une petite épicerie de quartier, étaient engagés politiquement à gauche. Etudiante, elle prit conscience de l’importance de militer contre le régime de Dollfuss pendant la période de l’« austrofascisme » en Autriche (1934-38), car elle était choquée par l’autoritarisme de l’État, sous ce régime de dictature catholique, anti-communiste, et lié à la dictature fasciste de Mussolini. En 1938, au moment de l’Anschluss, annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie, alors âgée de 18 ans, elle fut obligée de s’exiler en Belgique, du fait de ses origines juives. Elle voulut d’abord rejoindre l’Angleterre, mais des amis exilés à Bruxelles la convainquirent de rester en Belgique, où elle entra en relation avec le Parti communiste d’Autriche (Kommunistische Partei Österreichs, KPÖ).

En 1940, après l’invasion et l’occupation de la Belgique par l’armée allemande, elle fuit en France et elle se vit internée au camp de Gurs, dans les Pyrénées-Atlantiques. Ce camp avait d’abord servi à interner des Républicains espagnols, puis des citoyens étrangers ressortissants des pays en guerre contre la France, puis des juifs de toutes les nationalités, en dehors des Français. C’est là qu’elle adhéra au KPÖ, car elle y fit la connaissance de son futur mari, Zalel Schwager, un Républicain autrichien qui avait combattu auprès des Républicains espagnols, et qui la sensibilisa aux idées communistes. Elle parvint à s’évader du camp de Gurs avec son futur mari au bout de quelques mois.

Irma Wieselberg rejoignit la Résistance en France, tout en ayant un emploi officiel dans une imprimerie dédiée à la production de formulaires administratifs de l’armée d’occupation à Paris. Elle prit une fausse identité, se faisant appeler Susanne Berger et se faisant passer pour une jeune Alsacienne. Elle contribua à la Résistance en devenant agent de liaison et en participant au « Travail allemand » (TA), unité clandestine, au sein de la Main-d’œuvre immigrée, la MOI, qui se consacrait à saper le moral des soldats du Reich à Paris. Elle y fut active aux côtés de jeunes résistantes juives communistes, comme Vilma Steindling* et Irma Mico. Chacune de ces jeunes filles ne connaissait pas plus d’une ou deux autres filles du groupe afin que, si elles étaient arrêtées et torturées, elles ne puissent pas livrer les noms de leurs camarades.

Au sein du TA, Irma Wieselberg se consacra au « Mädelarbeit » (« travail des filles ») qui supposait d’entrer en contact avec des soldats allemands, nombreux à être stationnés à Paris et dans sa banlieue, de nouer conversation avec eux, y compris sur le mode de la séduction, et de les faire prendre conscience de l’absurdité de la guerre et de les convaincre d’abandonner l’idéologie nazie, pour entrer à leur tour en Résistance. Cela passait par des conversations et, si cette première étape fonctionnait, donnait lieu à la transmission de documents de propagande. La tâche était très risquée. « Si on avait réussi à construire une certaine confiance - cela sans confidentialités -, on pouvait alors commencer avec prudence la critique du nazisme. Ce n’est qu’après cela qu’on pouvait montrer des tracts sur la Résistance. Leur distribution était extrêmement risquée. », témoigna plus tard Irma Schwager. Le travail mené par ces femmes, dans un milieu majoritairement composé d’hommes, était remarquable de courage et de responsabilité. Les femmes du groupe se consultaient entre elles et se donnaient des conseils sur la manière de faire et sur l’avancement de leurs actions.

Parmi les huit femmes du groupe du Mädelarbeit, quatre furent arrêtées et déportées et une autre exécutée. Irma Schwager fut elle-même sur le point d’être arrêtée et trouva refuge dans un couvent.

À la naissance de sa fille en 1943, elle fut envoyée par la Résistance en Belgique. Là, elle travailla à la direction du Front national autrichien avec le physicien le Prof. Pribram et Dori Meiselmann pour l’organisation des Autrichiens exilés en Belgique et en France, et elle affirma publiquement qu’il était indispensable de reconstituer une Autriche indépendante. C’est en grande partie grâce à cet engagement du mouvement de la Résistance autrichienne que le pays retrouva sa souveraineté en 1945.

À la Libération, Irma Schwager rentra en Autriche, à Vienne, avec son mari, Zalel Schwager, et sa fille. C’est là qu’elle apprit que ses parents, qui étaient restés en Autriche, et deux de ses trois frères, avaient été tués en déportation.

À partir de 1952, animée de convictions féministes et démocratiques, elle travailla à la direction centrale de l’Association des femmes démocratiques d’Autriche, le Bund Demokratischer Frauen Österreich (BDFÖ), dont elle fut présidente à partir de 1972. Dans cette fonction, elle s’engagea dans la lutte contre la guerre nucléaire et contre l’arme nucléaire et pour la réforme du droit du divorce en Autriche, ainsi que contre la pénalisation de l’avortement. Féministe, elle milita activement pour les droits des femmes.

À partir de 1954, elle fut membre du Comité central du KPÖ, et de 1980 à 1990, elle appartint à son Bureau politique.

Dans les années 1960, elle s’engagea contre la guerre du Vietnam et pour la solidarité avec les victimes des bombardements, notamment les enfants. En 1971, pendant les intenses bombardements américains sur le Vietnam, elle se déplaça à Hanoi.

Irma Schwager fut présidente de 1992 à 1996, et à partir de 1996, présidente d’honneur à vie de la Société Autriche-Vietnam, qui militait pour la solidarité avec les victimes de la guerre du Vietnam, notamment les victimes de cancers et de malformations liés aux bombardements et aux produits chimiques déversés sur le pays. En juillet 2008, elle fut saluée officiellement par le président de la République vietnamienne Nguyen Minh Triet pendant sa visite d’État en Autriche.

En 2005, elle fut nommée pour le Prix Nobel de la Paix, par l’ONG Peace Women Across the Globe, qui avait lancé la campagne « 1000 femmes pour le Prix Nobel de la Paix 2005 ».

En février 2011, au 35e congrès du KPÖ, elle fut nommée présidente d’honneur du KPÖ.

En janvier 2015, elle prononça un discours à Vienne pour célébrer le 70e anniversaire de la libération du camp de concentration d’Auschwitz.

Dans une interview au magazine autrichien Profil, parue peu avant sa mort, elle revenait sur son action de résistante : « Je ne me souviens pas avoir eu peur ». Elle fut ainsi un modèle de courage et d’engagement, et elle resta toute sa vie et jusqu’à sa mort en 2015 à 95 ans fidèle à ses convictions communistes, féministes, démocratiques et antifascistes.

Irma Schwager était mère de deux enfants, Monika et Ernst. Elle était la grand-mère du musicien Robert Rotifer, qui publia en 2016 l’album Not Your Door qui évoque le souvenir de sa grand-mère.

En 2021, son nom fut donné à un parc à Vienne, près de la station de métro Rossauer Lände, pour lui rendre hommage.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article244620, notice SCHWAGER Irma, née WIESELBERG Irma par Chloé Maurel, version mise en ligne le 3 janvier 2022, dernière modification le 4 janvier 2022.

Par Chloé Maurel

Irma Wieselberg dans sa jeunesse, détail de l’affiche du film Irma et Irma
Irma Schwager vers 30 ans, photo parue dans l’Humanité
Portrait d’Irma Schwager extrait du site du Bezirksmuseum Leopoldstadt

SOURCES : Dany Stive, « Irma Schwager est décédée », l’Humanité, 23 juin 2015. — « Décès d’une figure de la Résistance en France », Le Figaro, 22 juin, 2015. — Maria Ascher, « Irma Schwager – Eine Frau im Widerstand », mémoire de recherche, université d’Innsbruck, 2 volumes, 2001, résumé en ligne sur le site Alfred Klahr Gesellschaft, Verein zur Erforschung der Geschichte der Arbeiterbewegung. — Cécile Denis, Continuités et divergences dans la presse clandestine de résistants allemands et autrichiens en France pendant la Seconde Guerre mondiale : KPD, KPÖ, Revolutionäre Kommunisten et trotskystes, thèse de doctorat sous la direction d’Hélène Camarade, Université Bordeaux-Montaigne, 2018. — Hannes Gellner, Irma et Irma, femmes de lumière en temps obscurs, 75 mn, 2020, documentaire, sur Irma Schwager et Irma Mico, en ligne sur le site de la Fondation pour la mémoire de la Shoah. — « Portrait d’Irma Schwager », vidéo de 5 mn, en allemand, en ligne

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